Rencontre avec... Marc de Leyritz
Marc de Leyritz et son épouse Florence ont découvert “Alpha” en Angleterre. Ils sont revenus en France avec l’idée de proposer aux communautés chrétiennes cet outil qui s’adresse à ceux qui ne connaissent rien, ou presque rien, du christianisme. Aujourd’hui près de 500 paroisses catholiques et protestantes organisent un parcours “Alpha”.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, pouvez-vous définir ce qu’est “Alpha” ?
Né en Angleterre il y a 25 ans, le parcours “Alpha” est une méthode pour réfléchir au sens de sa vie dans une perspective chrétienne, autour d’un bon repas, au cours d’un parcours de dix soirées.
Cela n’est une communauté, ni un mouvement mais bien un outil mis à la disposition des paroisses pour les aider à toucher tous ceux qui ressentent plus ou moins consciemment une soif de Dieu.
Leur faire découvrir le Christ à travers un langage adapté à leur époque, voilà la vocation “d’Alpha”. Mais quand bien même ces personnes ne font qu’une expérience heureuse de l’Eglise, ce n’est déjà pas si mal. Beaucoup sont étonnées de ce qu’elles découvrent, tellement loin de leurs idées reçues sur l’Eglise. On peut alors espérer qu’un jour, ces personnes aient envie de revenir dans cette Famille où elles auront le souvenir d’avoir été accueillies.
Il s’agit de leur mettre l’eau à la bouche, en quelque sorte ?
Oui, il y a dans “Alpha” une approche de “l’essayage”. Prenons un exemple : quand vous tombez en arrêt devant une jupe dans une vitrine, vous n’entrez pas en disant : « Je la prends ». Vous l’essayez, vous vérifiez qu’elle tombe bien sur vous, que la couleur vous va… Avec “Alpha”, c’est pareil. Nous offrons aux gens la possibilité d’essayer une conviction ou une vérité. D’où l’accent mis sur la liberté : si un invité décide de ne pas revenir à la soirée suivante, personne ne l’appellera pour lui forcer la main.
Les non-croyants sont-ils les seuls à être concernés par le parcours “Alpha” ?
Tous ceux qui n’ont pas fait “Alpha” sont concernés par “Alpha” ! Un parcours permet de grandir dans la foi quel que soit le stade où nous nous trouvons. Les personnes loin de l’Eglise découvriront de manière très commode les fondements de la foi chrétienne. Les pratiquants occasionnels feront peut-être l’expérience que la foi, c’est d’abord une rencontre vivante. Quant aux pratiquants réguliers, “Alpha” peut leur donner l’occasion de découvrir la force et la joie qu’il y a dans l’annonce de l’Evangile…
Vous-même, comment avez-vous connu “Alpha” ?
Par un collègue de bureau qui m’avait invité à suivre un cours dans sa paroisse anglicane. C’était à Londres en Juin 1997. A l’époque, la foi était déjà une réalité très forte pour mon épouse et moi. Aussi ai-je commencé par décliner l’invitation de mon collègue, pensant que je n’avais pas grand-chose à apprendre sur le sujet. Mais il a insisté. « Il faut que tu viennes à ce dîner, m’a-t-il dit. Cela a changé ma vie ». Je me suis donc résolu à y aller.
Et alors ?
A 19 ans, lors d’une session chez les Bénédictins de Solesmes, j’avais fait l’expérience très forte de la présence amoureuse de Dieu. J’y avais découvert que le Christ était vivant. 17 ans plus tard, grâce à “Alpha”, j’ai compris qu’être chrétien ne se résumait pas uniquement à suivre le Christ. Il fallait aussi en témoigner. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! », cette phrase m’est venue dans le cœur comme un feu d’artifice pendant le week-end. A ce moment-là, j’ai eu l’intuition très forte que je devais y consacrer ma vie. Florence a éprouvé le même appel.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis ce parcours “Alpha” ?
Beaucoup ! J’ai d’abord changé de métier : mon travail comme banquier d’affaire devenait trop prenant et était incompatible avec l’orientation que je voulais donner à ma vie. Nous sommes donc revenus en France où nous avons mis toute notre énergie, pendant une année sabbatique, à sillonner les routes pour faire découvrir “Alpha”.
Depuis, je suis consultant dans un cabinet de conseil en gestion des ressources humaines, j’aspire à ce que ma vie soit le plus unifiée possible. Je ne veux pas être chrétien uniquement le dimanche matin à la messe. La foi, cela se vit 24 heures sur 24. Concrètement qu’est ce que cela veut dire ? Dès que l’occasion m’en est donnée, je propose une discussion sur la foi. Dans mon travail, que ce soient mes collègues ou mes clients, tout le monde sait que je suis chrétien. « Dans toutes les nations, faites des disciples », nous dit Jésus. Alors il faut y aller ! D’autant qu’Il nous dit ensuite :« Je suis avec vous chaque jour jusqu’à la fin des temps ».
Voilà 10 ans que vous avez importé “Alpha” en France. Quel chemin a-t-il été parcouru ?
Aujourd’hui, 700 paroisses proposent le parcours en France, ce qui signifie que chaque année, 15 000 personnes font l’expérience “d’Alpha”. De ce point de vue-là, on peut dire que c’est un succès. Un succès d’autant plus remarquable que la France est le premier exemple d’un pays catholique où “Alpha” s’est aussi bien implanté. N’oublions pas que le parcours est né dans un terreau anglican, ce n’était donc pas gagné que la greffe prenne chez nous. Pour toutes ces raisons, je remercie le Seigneur. Et en même temps, quand je vois qu’en Angleterre ils proposent 7 000 parcours par an, je me dis qu’il reste beaucoup à faire.
Quelles sont les raisons de ce succès ?
Les gens ont une soif énorme de spiritualité ! Ils en ont ras le bol d’une vie matérialiste, qui manque de sens. Avec “Alpha”, non seulement ils découvrent des lieux où on réfléchit au sens de sa vie, mais ils voient en plus que cela peut se passer dans une ambiance conviviale et détendue.
Les parcours “Alpha” permettent de vivre l’hospitalité, et pas uniquement à travers le repas ou l’apéritif. Cette hospitalité se trouve surtout dans l’écoute. Ils sont rares aujourd’hui les lieux où l’on peut être écoutés.
A vous entendre, vous n’avez pas l’air contaminé par le pessimisme ambiant concernant l’avenir du christianisme… ?
Je suis même hyperoptimiste ! Nous vivons une époque formidable, très exaltante ! Nous sommes, comme au IVe siècle, à une période charnière où nous avons à passer d’un modèle d’Eglise à un autre. Quel sera le prochain modèle ? Nous l’ignorons encore. Mais nous savons que celui d’un christianisme dominant est dépassé. Un autre modèle est en voie d’émergence. Cela ne se fait pas sans mal. Il est difficile pour une chenille de devenir un papillon. Du point de vue de la chenille, c’est même une catastrophe. Mais le résultat en vaut la peine, non ?
QUESTIONNAIRE SAINT-ANTOINE
Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?
Oh… J’ai honte, je ne connais pas grand-chose de lui, sinon que c’est le saint que l’on prie quand on a perdu quelque chose… En ce moment, je suis surtout plongé dans les Pères de l’Eglise. Cela m’intéresse beaucoup de voir comment les évêques du IIIe et du IVe siècle ont géré cette période de transition majeure pour l’Eglise.
Etes-vous déjà allé à Padoue ? Quel souvenir en gardez-vous ?
Non, je ne connais pas Padoue. En revanche, j’aime beaucoup Assise. Saint François est d’ailleurs une figure importante pour nous, à “Alpha”. C’est frappant comme à San Damiano, on sent encore, huit siècles plus tard, sa présence.
Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Dans trois situations différentes : je suis d’abord très sensible à la beauté de la nature. Je suis également touché par la beauté de la vie monastique. Et enfin, l’amour humain, et plus particulièrement l’amour des époux, est quelque chose qui m’émerveille et m’incite à la prière.
Comment priez-vous ?
Le matin, tôt, idéalement pour une heure. J’ai la Bible à côté de moi, et au risque de choquer vos lecteurs, je prie toujours avec mon agenda électronique à portée de la main ! Il me permet de noter très vite mes distractions afin de me replonger dans la prière. Je commence souvent par la lecture de la Parole et garde un temps assez long pour écouter ce que Dieu a à me dire.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
Apprendre que nous attendions notre cinquième enfant*. Sa naissance est prévue dans trois semaines. Ses trois sœurs et son frère, âgés de 3 à 13 ans, l’attendent eux aussi avec une vive impatience !
*Le petit Paul est né le 7 janvier.