Rencontre avec... Sœur Elisabeth Robert

15 Décembre 2009 | par

Depuis 18 mois, Sœur Elisabeth Robert est Supérieure Générale de l’Institut des Sœurs de Saint François d’Assise, une nouvelle fondation qui présente l’originalité de rassembler sept congrégations franciscaines différentes. Retour sur la genèse et les enjeux de cette belle aventure.



Vous êtes Franciscaine, religieuse, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?

Je suis sœur de saint François d’Assise depuis 20 ans. Avant cela, j’enseignais la psychologie à Angers et travaillais en même temps dans un centre pour enfants polyhandicapés. Mais l’idée de devenir Franciscaine a toujours été très présente. Je crois que je suis née avec un chromosome en forme de tau ! (croix en forme de “T”, signe de reconnaissance des Franciscains, NDLR).



Qu’est-ce qui vous attirait chez les Franciscains ?

La personnalité de François, d’abord. C’est lui qui, à 24 ans m’a donné envie de tout quitter pour partir, sac au dos, à Assise. C’est là, à la Portioncule (chapelle où François décida de donner sa vie à Dieu, NDLR) que j’ai ressenti un appel très fort à rejoindre l’intuition franciscaine. J’aimais – et j’aime encore aujourd’hui – leur simplicité de vie et leur simplicité dans les relations. Il y a chez les Franciscains une dimension de fraternité très forte qui me touche beaucoup. Je l’ai expérimentée de près lorsque je dirigeais une maison de retraite qui accueillait des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Rendre leur dignité à ces personnes en les regardant comme des êtres aimés de Dieu, c’est merveilleux !



Vous êtes depuis 18 mois Supérieure Générale de l’Institut des Sœurs de Saint François d’Assise qui a réuni sept congrégations franciscaines pour n’en former plus qu’une… Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette aventure ?

Comme vous le savez, la Famille franciscaine compte de multiples congrégations. Rien qu’en France, il y en a 26 ! Y-a-t-il pour autant mille manières de vivre la spiritualité franciscaine ? Pas sûr. Tel est le constat qu’ont fait ces sept congrégations, il y a 10 ans. Nous avons alors cheminé ensemble et essayé de penser une nouvelle manière de vivre à la suite de saint François. Après des années de réflexion, nous avons élaboré un nouveau projet de vie que nous avons soumis, comme saint François il y a 800 ans, au pape. C’est ainsi qu’avec son approbation, nous avons fondé, en 2005, l’Institut des Sœurs de Saint François d’Assise.



Qu’est-ce qui présidait à cette union ? Y avait-il une réelle intuition fondatrice ou bien étiez-vous “condamnées” à vous unir… pour ne pas mourir ?

Les deux ! A court terme, l’une ou l’autre des sept congrégations auraient en effet pu être menacées d’extinction. C’est évident qu’aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous permettre d’éparpiller nos forces. Imaginez que sept congrégations, cela signifie sept Supérieures Générales et sept gouvernements différents. En nous unissant nous évitons ce déploiement de Sœurs dans des fonctions générales pour nous recentrer sur la mission. Mais il y avait aussi une vraie intuition fondatrice. Sinon nous aurions tout simplement fusionné. Or c’est une union que nous avons constituée : au lieu que l’une d’entre nous absorbe toutes les autres, nous nous sommes réunies pour former une entité nouvelle.



Quel est le projet de cette nouvelle fondation ?

Où sommes-nous attendus aujourd’hui ? Voilà la question centrale de notre réflexion, qui nous a amenés à privilégier des grandes orientations : la dimension contemplative a ainsi été rappelée fortement. Nous voulons aussi faire de la rencontre de l’autre le point central de la mission, en mettant un accent particulier sur la rencontre du croyant différent et celle de la personne défigurée. Aussi avons-nous décidé d’ouvrir nos maisons. A Toulouse par exemple, une partie des chambres est destinée à la famille des personnes hospitalisées à côté. A Limoge ou au Puy, nous avons un lieu d’accueil pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Nous expérimentons que la rencontre est un lieu d’évangélisation pour celui que l’on rencontre, mais aussi pour nous-mêmes.



Concrètement, comment s’est traduite cette re-fondation ? Avez-vous un nouvel habit ?

Nous allons en avoir un ! Il sera probablement marron avec une corde blanche et un voile noir. Mais il est encore en discussion ! Plus sérieusement, cette fondation a donné lieu à un nouveau nom, l’Institut des Sœurs de Saint François d’Assise, et une nouvelle maison générale, mais sinon les différents lieux d’implantation des Franciscaines ont été conservés. A ce détail près que nous nous sommes mélangées. 600 sœurs de 9 pays différents ont été amenées à s’adapter à ces changements.



Cela s’est-il passé sans difficultés ?

Toutes les sœurs ont été consultées personnellement et ont été invitées à inscrire leur consécration dans cette nouvelle congrégation. Est-ce que, pour autant, cela a été facile pour tout le monde ? Non, je ne crois pas. Cela suppose des renoncements à des habitudes et à des modes de fonctionnement. Mais c’est très positif d’être un peu bousculé, de sortir de ses certitudes et de son quant à soi pour faire du neuf. Je suis d’ailleurs souvent étonnée de la souplesse de sœurs parfois très âgées.



Est-ce la réunification de l’Ordre des Franciscains qui est en marche ?

On assiste à un mouvement de convergence. La nécessité de s’entraider et de penser ensemble est de plus en plus présente. Est-ce que notre union va donner des idées à d’autres Franciscains ? Peut-être. Une chose est sûre : d’autres congrégations religieuses, encouragées par Rome, observent notre expérience avec un grand intérêt.



Pensez-vous que la vie religieuse “à l’ancienne” soit à bout de souffle ?

“A bout de souffle”, c’est un peu fort ! Mais il est certain que la question des vocations se pose. Nous devons penser pour aujourd’hui des nouvelles formes de vie religieuse. On s’y attelle, mais je n’ai pas encore de réponse…



Que vous inspire le succès des communautés nouvelles en comparaison à votre relatif déclin ?

Je suis appelée à m’en réjouir… et à renoncer à mes certitudes ! Nous ne sommes pas les seules religieuses ? Tant mieux ! Voyons ce qu’elles peuvent nous apprendre, sans pour autant perdre le cœur de la vie franciscaine. Et puis cessons d’avoir peur : vivons ce que nous avons à vivre et la fécondité suivra !



A propos d’espérance, quel vœu formulez-vous pour les lecteurs du Messager en cette nouvelle année ?

Je leur souhaite la paix. En eux, autour d’eux et en particulier au cœur des familles. Je leur souhaite également d’avoir la grâce de découvrir la présence de Dieu dans le quotidien le plus banal de leur vie.





QUESTIONNAIRE DE SAINT-ANTOINE



Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?

C’est une image qui a évolué : lorsque j’étais jeune, saint Antoine était le saint qui permettait de retrouver un objet. Puis par la fréquentation des Franciscains, j’ai découvert qu’il était un prédicateur très soucieux des problèmes sociaux de son époque et que l’attention aux plus pauvres était très présente chez lui.



Etes-vous déjà allée à Padoue ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Je ne connais pas Padoue, mais j’ai un faible pour Assise ! Parce que c’est le berceau des Franciscains, mais aussi parce que c’est une ville de lumière, de douceur et de paix. Une ville pleine de grâce.



Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Je me sens proche de Dieu lorsque je suis dans l’émerveillement. Emerveillement devant la beauté de la Création, ou émerveillement devant la grandeur d’âme d’une personne rencontrée. Je me sens près de Lui également lorsque je vis ou que je vois vivre le service désintéressé des plus pauvres.



Comment priez-vous ?

J’aime prier avec les petites choses de la vie : devant une fleur ou un bourgeon, je m’émerveille. Je m’arrête et je reconnais que c’est beau. C’est une sorte d’élévation de l’âme vers Dieu. Autre lieu important de prière pour moi : l’intercession. Je la vois comme une litanie du prochain.



Qu’est-ce qui vous a rendue la plus heureuse cette année ?

Il m’a été donné d’accompagner et de déposer dans les bras de Dieu une sœur de ma communauté. Vivre cette fraternité jusqu’au bout et mesurer le chemin de paix de cette sœur m’ont comblée de joie, quand bien même sa disparition était une grande souffrance humaine. 

Updated on 06 Octobre 2016