Rencontre avec... Michael Lonsdale

16 Novembre 2009 | par

A près de 80 ans et une centaine de films au compteur, Michael Lonsdale est toujours prompt à évoquer sa Foi. Avec Assieds-toi, c’est à toi que je parle 1), un spectacle qu’il a mis en scène, il nous fait découvrir Madeleine Delbrêl, une figure chrétienne qui lui est chère.



Comment est né ce spectacle sur Madeleine Delbrêl ?

Ma “rencontre” avec Madeleine Delbrêl est très récente. Comme toujours, les bonnes choses me tombent dessus, le Seigneur pourvoit.

Il y a peu de temps, donc, un ami m’a donné un livre sur Madeleine Delbrêl, sûr que cela me plairait. De fait, j’y ai tout de suite vu matière à monter un beau spectacle. J’ai été séduit par la présence de cette femme, par son amour de l’humanité. Moi qui suis très proche de Maurice Zundel, c’est-à-dire, comme lui, davantage touché par l’image du Christ serviteur que par celle du Christ Roi, j’ai été ému par cette assistante sociale qui a fait un don total de sa vie aux autres. Elle avait un tel émerveillement du prochain… Elle voyait Dieu dans les passants.



Quelle place les spectacles religieux occupent-ils dans votre emploi du temps ?

Une place très importante. C’est vrai, je fais beaucoup de choses de cet ordre. En octobre, j’étais à Clermont-Ferrand pour le Festival de Théâtre biblique où j’ai lu un passage fabuleux du Livre de Daniel. Bientôt, je vais jouer Job… En fait, si je suis disponible, je n’ai aucune raison de refuser. Pour moi c’est un appel, ce n’est pas un travail. Je suis très heureux à chaque fois que je peux faire connaître l’amour du Christ, la sainteté, les miracles… J’aime témoigner sur le pardon également…



Vous dites que c’est un “appel”… Est-ce aussi un devoir pour vous de témoigner ?

Ah non ! Quelle horreur ce mot “devoir” ! Il n’y a pas de devoir dans l’amour du Christ ! Il n’y a que du bonheur de servir, de mettre le peu de talent qu’il m’a donné à sa disposition. Transmettre de beaux textes fait partie de mon métier. Quand ils contribuent à faire connaître le Christ, c’est l’accomplissement de ma vie…



Qui est Dieu pour vous ?

C’est l’amour total. Sa présence est vitale. Il m’accompagne tous les jours, tout le temps. Je le prie avant de travailler, pendant que je travaille et après. Il est dans toutes mes occupations, même quand elles sont profanes !



Cette foi si forte, l’avez-vous toujours eue ?

Mon père était protestant et ma mère catholique, mais ils ne pratiquaient ni l’un ni l’autre. Ma mère avait été très démoralisée par les prêtres de son collège qui lui avaient dit qu’elle serait damnée. Elle devait être un peu coquine ! Sans pour autant dénigrer le Christ, ils ont décidé de ne pas me baptiser. C’est à travers une amie de ma mère que le Seigneur s’est manifesté. Au Maroc, où j’ai vécu pendant la guerre de 1939-45, c’est elle qui m’emmenait à la messe le dimanche. Je ne comprenais pas grand-chose, mais j’aimais bien l’encens, la musique. Il y a quelque chose qui s’est implanté à ce moment-là.

En arrivant à Paris, cette même amie m’a emmené écouter un père dominicain, à l’Atelier d’Art Sacré, place Furstemberg. J’ai été très interpellé par ce qu’il disait sur l’art et la foi. Cela m’a conduit au baptême. J’avais 22 ans.



Quel lien faites-vous entre l’art et la foi ?

C’est intimement lié. « Un artiste est forcément chrétien », disait un ami prêtre qui refusait l’expression “artiste chrétien”. Je suis assez d’accord avec lui : l’artiste, qu’il soit peintre ou comédien, est toujours à la recherche de quelque chose de beau. Or, la Beauté est un des attributs de Dieu….



Après votre baptême, vous avez eu une seconde claque : la rencontre avec la communauté de l’Emmanuel…

Je ne parlerais pas de claque, mais plutôt d’un baume ! Comme mon baptême, l’assemblée de prière de la communauté de l’Emmanuel où je me suis rendu à l’invitation de mon parrain, fut pour moi une onction bienfaisante. C’était à une période où j’étais très déprimé par une succession de deuils douloureux. Du fond de mon abîme, j’ai crié vers le Seigneur. Sa réponse ne s’est pas fait attendre. Le lendemain, mon parrain m’appelait et me proposait de l’accompagner à cette fameuse assemblée de prière. Quand je vous dis que le Seigneur pourvoit…



Qu’avez-vous découvert avec le Renouveau Charismatique ?

J’ai mieux compris la prière. La prière pour soi et la prière pour les autres. On vit des moments de partage très fort dans ces assemblées. L’invocation de l’Esprit Saint, voilà un autre aspect auquel je suis sensible. Il faut dire que je suis né le jour de la Pentecôte… c’est peut-être l’explication !



Est-ce difficile d’être chrétien dans un métier comme le vôtre ?

Cela n’est jamais facile d’être croyant…Et pas moins dans mon métier qu’ailleurs, je pense. Bien sûr il y a des tentations, des risques d’orgueil… On croit toujours que le cinéma est un milieu pourri, mais j’y ai rencontré beaucoup de gens très croyants. Peut-être le disent-ils moins qu’ailleurs par peur de se fermer des portes. Cela dit, les choses changent depuis la chute du rideau de fer. Maintenant, les langues se délient, on craint moins d’affirmer ses convictions religieuses…



Votre foi influence-t-elle votre façon d’exercer votre métier ?

C’est un métier où coexistent malgré tout beaucoup de jalousie, de rivalité, d’inimité. Il en faut de la patience et de la tolérance pour supporter tout cela ! Avoir la foi est un atout indéniable. A cause de mes convictions, j’ai aussi refusé de jouer dans certains films…



Vous avez pourtant joué le diable !

Oui mais pas n’importe lequel ! Il s’agissait du diable de Dostoïevski, dans Les Frères Karamazov. Une œuvre magistrale.



Vous avez joué dans des registres de films très différents, que ce soit chez Truffaut, Louis Malle en passant par Mocky et même Spielberg. Vous êtes également acteur de théâtre et metteur en scène. Quelle est la colonne vertébrale de cette carrière éclectique ?

Essayer d’être le plus crédible possible. Donner sang et vie à des personnages qui expriment des caractères humains. J’ai joué les pères, je joue maintenant les grands-pères. C’est formidable, les rôles évoluent ! Je suis d’ailleurs émerveillé de travailler encore autant…Bientôt, je serais probablement au Maroc pour tourner un film sur les moines de Tibhirine…



Quel est votre plus beau film ?

Le vice-consul de Lahore, dans India Song de mon amie Marguerite Duras. Elle était une sœur pour moi. On partageait une amitié qui se passait de mots. Marguerite Duras fait partie des belles rencontres que m’a permis de faire ce métier. Il y a eu Samuel Becket aussi…



La mort, vous y pensez ?

Très calmement. Tout le monde y passe, alors mon heure viendra… Mais je ne me soucie pas de cela. J’essaie de vivre l’instant présent. Je suis ni dans le passé, ni dans le futur. Je vis au jour le jour. Les plus belles choses m’ont été données et j’en remercie le Seigneur.



Savez-vous ce que vous lui direz lorsqu’il vous accueillera ?

« Seigneur me voilà, je suis bien content de vous voir ».



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1) Du 16 octobre au 20 décembre 2009

Crypte Saint-Sulpice, 33 rue Saint-Sulpice 75006 Paris

Vendredi 20h 45 - Samedi : 17h et 20h45 - Dimanche à 15h

Tarif : 12 € (durée du spectacle 1h10)

Réservation obligatoire :

Tél. +33-(0)6-79 22 38 59

 


QUESTIONNAIRE DE SAINT-ANTOINE



Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?

Saint Antoine, le Portugais ? Bien sûr que je le connais ! A la différence de saint François d’Assise qui parlait aux oiseaux, il parlait aux poissons. Je le prie surtout quand je perds quelque chose. Mais mon saint préféré reste saint François. Pour moi, c’est le summum de la pauvreté, du détachement et de l’amour du Christ.



Etes-vous déjà allé à Padoue ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Non, je ne connais pas Padoue. Mais si je devais vous citer un lieu où j’aime me rendre, je vous dirais Paray-le-Monial. Chaque année, la Communauté de l’Emmanuel y propose des grands rassemblements. J’ai vécu beaucoup de choses fortes là-bas.



Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Quand je communie. Le dimanche, et parfois en semaine.



Comment priez-vous ?

Je prie n’importe quand et n’importe où. Avec des prières connues ou en m’adressant directement à Dieu avec mes mots à moi. Cela peut même me prendre quand je suis sur scène ! Lorsque je jouais le Bal des exclus, par exemple, mon partenaire avait un long monologue : cela me permettait de prier bien tranquillement en attendant ma réplique…



Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?

Monter la pièce sur Madeleine Delbrêl. J’ai découvert cette femme avec émerveillement, et je suis très heureux de proposer au public de faire sa connaissance.



 

Updated on 05 Octobre 2016