Rencontre avec... Jérôme Bonaldi
Vous ne perdez pas une occasion de dire tout le bien que vous pensez des scouts… Vous leur devez beaucoup ?
Bien sûr ! J’y ai appris un tas de choses qu’aucun autre lieu ne m’aurait permis de découvrir. A commencer par la vie au grand air, en pleine nature. Le scoutisme, c’est le plaisir du soleil après la pluie, de l’aube qui se lève, c’est la vie sous la tente...
C’est là que j’ai appris la vraie valeur des choses surtout : le degré Celsius, le pourcentage d’hydrométrie, l’altitude. Cela a l’air de rien mais quand tu marches le long d’une route, tu apprends ce qu’est un kilomètre. Et tout en prenant conscience de la distance, tu rends hommage aux glorieux ancêtres qui ont construit la route. Quand tu marches à pieds, tu réalises la chance d’avoir une voiture. Quand tu dors sous la tente à Pâques, et qu’il pleut des trombes d’eau, tu te rends compte de ce qu’est le chaud et le froid. Tu as déjà essayé de te laver au jet ? Il faut connaître cela pour apprécier le chaud. Tant que tu n’as pas fait une corvée de bois, tu ne sais pas ce qu’est un arbre, tant que tu n’as pas cherché une source pour te désaltérer alors que tu crèves de chaud, tu ne sais pas ce que c’est
que la soif…
Pour vous, le scoutisme, c’est une école de vie ?
Exactement ! J’étais vachement fier moi, quand j’ai appris à faire les œufs mimosas aux Louveteaux ! C’est une école où on apprend un tas de trucs qui servent plus ou moins à rien, mais ce n’est pas grave ! On sait jamais, si je me perds au Pôle Nord, grâce au scoutisme, je saurais me débrouiller, reconnaître l’Etoile du Berger, lire une carte, me servir d’une boussole. J’ai même appris le morse ! T’en connais beaucoup des écoles où on apprend le morse ? Et quelle importance que cela ne serve à rien ! A ce compte-là, l’Histoire de France non plus ne sert à rien.
Aux scouts, on apprend la valeur des choses, mais aussi le sens des responsabilités. Quand tu es chef de patrouille, tu as la responsabilité de six gamins. Et à 14-15 ans, ce n’est pas rien d’avoir à gérer six garçons tout un week-end. Tu dois réserver les places de train, acheter les billets, retenir les horaires… L’intérêt des scouts, c’est que ce sont toujours les plus grands qui enseignent aux plus petits, sans compétition mais dans un esprit de camaraderie. La mixité d’âge, c’est très intéressant également ! Il n’y a pourtant rien de plus différent qu’un gamin de 12 ans et un autre de 16. Aux scouts, tout ce petit monde apprend à vivre ensemble…
Que vous reste-t-il de tout cela aujourd’hui ?
Les scouts m’ont formé dans mon métier. C’est eux qui m’ont appris la curiosité. Quand tu es au milieu de la forêt et que tu dois te débrouiller, tu es amené à te poser plein de questions : pourquoi le soleil est-il rouge quand il se couche ? Quand tu marches sous la pluie, tu penses aux saisons. Pourquoi y a-t-il des saisons ? Aujourd’hui, si je fais le guignol à la télévision pour présenter des objets, c’est sûrement grâce aux scouts. Ils m’ont appris à me poser la question : « comment ça marche ? ». Comment se fait-il que le linge sorte propre de la machine à laver alors que l’eau est sale ? Qui retient la crasse ? Je ne me serais peut-être jamais posé la question si je n’avais pas été scout !
Autre chose importante que tu apprends : la persévérance. Avant de devenir Routier, j’ai été chef de patrouille. Quand tu as six gamins qui comptent sur toi, tu as beau en avoir marre de marcher et rêver de tout envoyer balader, tu ne peux pas. Il faut prendre sur toi. Et ça, je t’assure, cela forge un caractère.
Vous évoquez beaucoup le côté pratique du scoutisme… Qu’en est-il de la dimension spirituelle ? Y étiez-vous sensible ?
Bien sûr ! Comment ne pas l’être ! Je me souviens d’un camp en Irlande, où après avoir marché toute la journée, les patrouilles se sont retrouvées en haut d’une colline. Le soleil se couchait, le paysage était magnifique. Et pour clore le tout, il y avait la messe. A ce moment là, quoi d’autre que la messe nous aurait permis d’avoir cette communion ?
Je pense qu’à l’adolescence tu as besoin d’un idéal. C’est l’âge où tu te poses des questions sur le sens de la vie, sur ce que tu vas en faire. Il n’en existe pas beaucoup des lieux où tu peux te poser ce type de question. Et aujourd’hui, ce n’est pas devant leur playstation que les jeunes vont y réfléchir…
Moi, j’ai eu la chance de faire ma promesse. J’en garde un souvenir incroyable, je revois les flambeaux, tout le décorum… Et je t’assure que lorsque j’ai dit : « Protège ma promesse Seigneur Jésus », ce n’était pas des mots en l’air ! J’y croyais à fond !
Aujourd’hui, vous y croyez encore ?
Non ! Aujourd’hui, je ne compte que sur mes forces pour protéger ma promesse.
Même si je reste persuadé que la religion a plein de bons côtés – le partage, la charité, c’est formidable –, je ne crois pas en Dieu. Et pourtant, j’ai pris le temps de me poser la question ! Mais ceci dit, je suis très content d’avoir eu une éducation religieuse. Pour moi ce-la a été fondateur et formateur. C’est en se frottant à des barrières que l’on se construit, ne serait-ce qu’en creux et/ou en contre. Comme il faut avoir fait du piano pour dire : « Je n’aime pas le piano. » Et moi qui interdis à mes filles de dire : « Je n’aime pas » avant d’avoir goûté, je me pose d’ailleurs la question de les inscrire au catéchisme. Elles ne sont pas baptisées, mais j’aimerais bien quand même qu’elles puissent, comme moi, se faire leur petite cuisine.
Il en ressort quoi de votre « petite cuisine » ?
La seule chose que je sais, c’est que je suis seul. Une fois qu’on a acquis cela, on est plus fort. Moi je crois à des basiques, je crois aux atomes. Je ne suis pas nihiliste, je crois à un chaos créatif. Pour moi, le but de la vie, c’est de lutter contre l’entropie, cette idée que tout se dégrade, que la montagne petit à petit s’érode, que le chaud et le froid deviennent tiède. Face à tout cela, il faut mettre des cailloux les uns au-dessus des autres pour faire une collection. Pour résister.
Et vous faites comment, vous, pour résister ?
Je souhaite faire en sorte que le monde que je laisserai soit meilleur que celui que j’ai trouvé… J’essaie d’être un peu prof en expliquant le fonctionnement des objets aux gens pour les rendre plus intelligents. L’émission scientifique que je présentais, je la prenais comme une mission. Il s’agissait de responsabiliser les téléspectateurs. Mon truc, c’est de faire avancer le schmilblick. C’est cela le but de la vie, faire avancer le schmilblick. Je ne suis pas certain d’y parvenir tous les jours… Aujourd’hui, j’ai présenté des tongs à la télévision, j’ai bien peur de ne pas avoir fait avancer quoi que ce soit…
QUESTIONNAIRE DE SAINT-ANTOINE
Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?
Tu connais la blague du parachutiste ? C’est l’histoire d’un gars qui saute de l’avion mais dont le parachute ne s’ouvre pas. Il crie au secours et prie saint Antoine de l’aider. Immédiatement, une grande main l’attrape et une voix lui demande : « Quel saint Antoine ? » « Saint Antoine de Padoue ! », répond le parachutiste. « Désolé, ce n’est pas moi », dit la voix. Et la grande main le lâche dans le vide. C’est tout ce que je connais de saint Antoine de Padoue !
Etes-vous déjà allé à Padoue ?
Moi non, mais il y a plein de Bonaldi à Padoue ! Je crois même que le garage Alfa de Padoue est tenu par un Bonaldi. Tu veux que je te donne un lieu saint que j’aime bien…. Disons Sainte-Lucie de Moriani, près de Bastia. C’est une église toute simple, froide en hiver et fraîche en été. J’aime son dénuement.
Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Dans deux occasions : quand je suis pleinement heureux, et lorsque je maîtrise la machine face aux éléments déchaînés. Quand je sors vainqueur d’une bataille avec mon ordinateur par exemple. Dans ce cas-là, je suis plus que saint Georges !
Cela vous arrive-t-il de prier ?
Non, je ne prie pas. Je ne crois ni en la prière, ni en Dieu.
Qu’est ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
C’était hier. J’étais tranquille chez moi à lire les journaux, assis dans un canapé confortable, sous une température idéale. A cet instant, je me suis dit que j’avais beaucoup de chance.