Catholiques et anglicans

19 Janvier 2010 | par

En créant une structure pour accueillir les anglicans désirant rejoindre l’église catholique, le Pape a surpris tout le monde. Chez les catholiques comme chez les anglicans, on affirme que cette possibilité ne remet pas en cause le dialogue entrepris par les deux communions depuis 40 ans.



Stupeur et étonnement. En rendant public le 9 novembre la constitution apostolique Anglicanorum coetibus qui encadre l’accueil de groupes d’anglicans dans l’Eglise catholique, le Pape a surpris tout le monde. « La réaction la plus commune a été la surprise car un tel document était en quelque sorte inattendu, raconte Mgr Kenneth Letts, vicaire général pour l’Eglise anglicane en France. Ce qui nous a étonné, c’est que cette Constitution a été entreprise par la Congrégation pour la doctrine de la foi et non pas par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, avec qui notre Eglise a travaillé pendant des décennies. » Mgr Rowan Williams lui-même, l’archevêque de Cantorbéry et primat des anglicans, n’aurait été mis au courant que tardivement.



Création d’ordinariats personnels

Etonnante dans sa forme, cette constitution l’est-elle sur le fond ? Un peu. Jusqu’à présent, les “anglicans dissidents” ne pouvaient intégrer l’Eglise catholique qu’individuellement. Ils devaient également renoncer à leurs chants et leurs traditions pour rejoindre une paroisse catholique. Cette constitution permet à des groupes d’anglicans de devenir catholiques tout en gardant leur liturgie et leurs particularités spirituelles. Localement, des « ordinariats personnels » (sorte de diocèse) seront créés. Ils seront érigés dans les limites territoriales d’une conférence épiscopale et seront sous la houlette d’ex-évêques anglicans réordonnés. Ces anglicans devront aussi professer la foi exprimée par le Catéchisme de l’Eglise catholique. Les ex-prêtres anglicans mariés pourront être réordonnés prêtres catholiques, alors que les ex-évêques anglicans mariés ne pourront pas être réordonnés évêques. Le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a pris soin de préciser que cette possibilité ne serait ouverte qu’à eux.

« Je ne crois pas que la plupart des anglicans soupçonne l’Eglise catholique de vouloir récupérer nos prêtres », affirme Mgr Letts. Les anglicans ont généralement interprété ce document comme « une réponse d’ordre surtout pastorale à des demandes parvenues au Saint-Siège », poursuit-il. C’est d’ailleurs le message qu’ont voulu faire passer lors de leur conférence de presse commune le 20 octobre, l’archevêque catholique de Westminster, Mgr Nichols et le primat de la Communion anglicane, Rowan Williams ainsi que le cardinal Levada.



Une réponse aux dissensions anglicanes ?

Cette constitution répond donc aux demandes d’Eglises anglicanes dissidentes, comme la Traditional Anglican communion (TAC) créée en 1991, en réaction à l’ordination de femmes. Présente dans 44 pays et revendiquant 400 000 fidèles (sur les 77 millions d’anglicans), elle a bien accueilli la proposition de Benoît XVI. En réalité, des tensions existent au sein de l’anglicanisme depuis la fin des années 70. L’Eglise épiscopalienne (anglicans états-uniens) a ordonné des femmes prêtres, contre la volonté de l’archevêque de Cantorbéry. Près de 450 prêtres anglicans ont alors quitté leur communion. La situation s’est encore un peu plus tendue avec l’ordination de femmes évêques, et plus récemment l’ordination de prêtres et d’évêques homosexuels et la célébration d’unions homosexuelles. « Les anglicans sont plus biblistes que les catholiques, explique le P. Léon Hamain, chancelier du diocèse d’Arras qui participe au jumelage entre son diocèse et le diocèse anglican de Cantorbéry depuis 40 ans. Derrière ces questions de femmes prêtres ou évêques et d’homosexualité, se cachent des interprétations plus ou moins ouvertes de la Bible. »



Le dialogue œcuménique

Mais Mrg Letts pense « que ce document ne réglera ni atténuera ces tensions. Car la question de l’autorité est au cœur de nos problèmes. Une partie des anglicans semblent ne pas bien comprendre la nature communautaire et œcuménique de l’Eglise, et en agissant dans un sens “privé” et sous leur propre autorité, ceux-ci ont créé la situation actuelle ».

Dans tous les cas, les promoteurs du dialogue œcuménique veulent croire que cette constitution ouvrira une nouvelle phase de ce dialogue. « Il n’y a pas de nouvel œcuménisme ni de fin d’un ancien œcuménisme », a déclaré le 19 novembre le cardinal Kasper, le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Seulement, a t-il ajouté, ce dialogue exige du « tact » et une « estime réciproque » pour ne pas « causer des tensions insensées » avec les « interlocuteurs œcuméniques ». Le jour de l’apparition de cette Constitution, dans un communiqué commun, l’archevêque de Cantorbéry et l’archevêque catholique de Westminster ont souligné que la mise en place de ce dispositif spécial n’était possible qu’en raison de la grande proximité de ces Eglises qui « partagent de nombreux éléments de foi, de doctrine et de spiritualité ».

« Le verre œcuménique  est à moitié plein », a déclaré Mgr Rowan Williams le 21 novembre. Ravalant son orgueil, il a rencontré le Pape à Rome. A la fin de leur entrevue, ils ont réitéré leur « volonté partagée de poursuivre et de consolider la relation œcuménique entre catholiques et anglicans ». Dans le même temps a commencé à Rome la réunion préparatoire à la troisième phase du dialogue international entre l’Eglise catholique et la Communion anglicane (ARCIC III). « Ainsi se poursuit le dialogue œcuménique au niveau officiel et international avec les objectifs déjà exprimés en 1966 », espère Mgr Letts.

Le Pape se rendra en Angleterre du 16 au 19 septembre où il rencontrera notamment la Reine d’Angleterre, chef de l’Eglise anglicane et béatifiera le cardinal Newmann, anglican converti au catholicisme qui œuvra à la fin du XIXe s., pour établir un dialogue entre ces deux communions. Ce voyage sera un test.



 



Anglicanorum coetibus

La constitution apostolique est une nouvelle reconnaissance que la foi, la doctrine et la spiritualité entre l’Eglise catholique et la tradition anglicane se recouvrent de façon substantielle.

Sans les dialogues de ces quarante dernières années, cette reconnaissance n’aurait pas été possible, et on n’aurait pas pu nourrir les espoirs d’une unité pleine et visible. En ce sens, cette constitution apostolique est une conséquence du dialogue œcuménique entre l’Eglise catholique et la Communion anglicane.



Déclaration commune de Mgr Nichols, archevêque catholique de Westminster et Mgr Rowan Williams, primat de l’Eglise anglicane, le 20 octobre 2009.





 

Updated on 06 Octobre 2016