Nouveaux habits pour l’Eglise de Chine

17 Juin 2008 | par

A quelques jours du début des Jeux Olympiques de Pékin, la Chine veut montrer qu’elle est capable d’ouverture : les sportifs auront accès à des lieux de culte provisoires dans le village olympique, et toutes les églises de la capitale seront ouvertes aux touristes, promet l’Association patriotique des catholiques en Chine (APCC), l’Eglise officielle. Cet affichage ne doit pas faire oublier que les violations de la liberté religieuse demeurent fréquentes en Chine, comme le conclut le dernier rapport de la commission sur la liberté religieuse internationale du Congrès des Etats-Unis.

Et la minorité catholique du pays ? Elle semble en pleine renaissance : entre 1950 et les années 2000, le nombre de croyants est passé de 3,5 millions à 15 millions selon les statistiques du Vatican. Aujourd’hui, 1% des Chinois sont catholiques, contre 0,5% en 1950. Ce dynamisme s’exprime notamment dans la frénésie de construction d’églises et de sanctuaires. « Bâtir une église est considéré comme une dépense prioritaire, explique le P. Jean Charbonnier, responsable du relais France-Chine à la société des Missions Etrangères à Paris, car c’est autour d’elles que la vie catholique s’organise. »

L’Eglise de Chine serait donc en bonne forme si elle ne devait faire face à une division interne. Dans sa lettre historique du 30 juin 2007 aux catholiques chinois, le Pape presse « son petit troupeau » de se réconcilier. Comme son prédécesseur, Benoît XVI ne veut pas prendre partie pour l’une ou l’autre des communautés et « souhaite que les catholiques apportent au pays leur force spirituelle », analyse le P. Jean Charbonnier.



Persécutions et divisions

Se réconcilier n’est pas aisé pour ces deux communautés qui entretiennent une méfiance réciproque depuis plus de 50 ans. La révolution communiste a en effet bouleversé des siècles d’évangélisation menées par les Franciscains dès la fin du XIIIe siècle, et par les Jésuites aux XVIIe et XVIIIe siècles.

En 1950, Mao expulse les missionnaires, les évêques et les prêtres étrangers, considérés comme des séquelles de l’impérialisme étranger. De nombreux ecclésiastiques sont emprisonnés, les rassemblements sont interdits, les séminaires et les églises sont fermés. Pour contrôler les cultes, le bureau pour les affaires religieuses est créé et cinq religions officielles sont retenues : le taoïsme, le bouddhisme, l’islam, le protestantisme et le catholicisme. En 1958, l’Association patriotique des catholiques en Chine (APCC) vient compléter cette mise au pas des catholiques. Les premières ordinations épiscopales sans mandat du pape ont alors lieu. En signe d’opposition,

des croyants affirmant leur fidélité à Rome, entrent en clandestinité.

A la fin des années 70, alors que l’étau politique se desserre un peu avec Deng Xiaoping, l’Eglise continue de se déchirer.

En 1980, l’Eglise officielle fonde sa conférence épiscopale. Des évêques clandestins ripostent en créant la leur en 1989.

Depuis les appels répétés de Jean-Paul II et de Benoît XVI, « le cliva-

ge s’estompe, reconnaît le P. Jean Charbonnier, mais les réalités sont très contrastées selon les diocèses. Dans celui de Baoding où le clergé clandestin est important, au moins un évêque et six prêtres sont passés à l’Eglise ouverte. Mais les fidèles refusent de participer à leur messe. Ils craignent d’être excommuniés s’ils rejoignent l’Eglise officielle. » Selon le rapport du Congrès américain sur les libertés religieuses, 90% des évêques officiels se seraient réconciliés avec le Vatican.



Nouveaux visages

Toujours est-il que « le fait d’être catholique ne marginalise plus comme au début des années 1980 », explique Dorian Malovic dans son livre consacré à Mgr Jin Luxian, Le pape jaune. Les catholiques osent exprimer leur foi : ils participent à des grands pèlerinages ou à des processions. « Le pèlerinage à Notre-Dame de Sheshan, près de Shanghaï, attire tellement de fidèles que l’administration n’autorise que les catholiques de ce diocèse à y participer », rapporte le P. Jean Charbonnier.

Résultat, le visage des catholiques chinois change. « Des jeunes urbains, des Chinois des classes moyennes et des universitaires s’intéressent à la religion catholique, souligne encore ce dernier.

Ils cherchent un système de valeurs qui respecte leurs traditions et qui réponde aux bouleversements sociaux provoqués par la forte croissance économique de leur pays (drogue, Sida, corruption, mercantilisme, etc.). Ils pensent que les valeurs chrétiennes comme la charité, le sens du bien commun, l’attention aux autres, aident à se former une conscience responsable et sont un bon moyen pour développer la démocratie. »

Le renouveau de l’Eglise de Chine est aussi celui du clergé : selon les estimations du Vatican, les prêtres chinois ont en moyenne 45 ans (2 200 prêtres officiels). Cette nouvelle génération a été formée aux conclusions du Concile Vatican II, présentées aux séminaristes du diocèse de Shanghaï à partir de 1982. Ils sont épaulés par plus de 5 000 jeunes religieuses, souvent issues des campagnes. « N’ayant aucun pouvoir dans la hiérarchie ecclésiastique, elles échappent à l’attention du gouvernement », raconte le P. Jean Charbonnier. Elles ouvrent et animent sans trop de problèmes avec les administrations locales, des maisons d’accueil pour les pauvres, des centres de soins pour les personnes handicapées et pour les malades. Très proches des gens, elles sont des relais essentiels pour la vitalité de cette Eglise.

Pour cette Eglise qui s’est développée si rapidement et dans des structures incertaines, il est important de former ses ministres et ses croyants. Depuis 1993, à l’initiative de l’évêque de Shanghaï, quelques centaines de prêtres et de séminaristes suivent leurs études de théologie à l’étranger. En retour, des professeurs étrangers viennent donner des cours en Chine. Dans les paroisses, des groupes d’études bibliques se mettent en place et la formation des catéchumènes devrait être renforcée. Un défi de taille, alors, que Benoît XVI appelle les Chinois dans sa lettre du 30 juin 2007 à participer à la nouvelle évangélisation du monde.



Purifier la mémoire

La purification de la mémoire, le pardon de ceux qui ont fait le mal, l’oubli des torts subis et la pacification des cœurs dans l’amour, qui sont à réaliser au nom de Jésus crucifié et ressuscité, peuvent exiger le dépassement de positions ou de visions personnelles issues d’expériences douloureuses ou difficiles, mais ce sont des pas qu’il est urgent d’accomplir pour accroître et manifester les liens de communion entre les fidèles et les Pasteurs de l’Eglise en Chine. […] Mon désir le plus ardent est que vous cédiez aux suggestions intérieures de l’Esprit Saint, en vous pardonnant les uns les autres tout ce qui doit être pardonné, en vous rapprochant les uns des autres, en vous acceptant réciproquement, en surmontant les barrières pour aller au-delà de tout ce qui peut diviser.



Extrait de la lettre du pape Benoît XVI aux évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs de l’Eglise catholique en République populaire de Chine, 30 juin 2007.



 

Updated on 06 Octobre 2016