Le Grand Pardon de Rocamadour
Situé au sommet de la falaise de quelque cent-cinquante mètres qui domine le canyon de l’Alzou, Rocamadour bénéficie d’une situation privilégiée. C’est un lieu grandiose, unique, où nous sommes tous venus en touristes ou en pèlerins, puisqu’il accueille chaque année 1 600 000 visiteurs, dont bon nombre d’étrangers, les Anglais étant les plus nombreux.
Ce village accroché à la falaise à pic, avec le pittoresque enchevêtrement de maisons, d’églises, de chapelles, est impressionnant. Plus encore, la nuit. Il interpelle chacun, chacune qui y dirige ses pas. On suppose que, dès les premiers temps de la Chrétienté, des ermites s’y installèrent dans des grottes. Au VIe siècle, un culte dédié à la Vierge naquit au creux du rocher. Depuis, le fil de la foi n’a jamais été coupé à Rocamadour dont le pèlerinage va, à partir du XIIe siècle, connaître une expansion considérable. Sous l’abbatiat de Géraud d’Escorailles, les églises, au nombre de sept, sont construites contre la falaise et sur une terrasse aménagée par l’homme. L’ensemble, à la pureté romane, semble né du rocher. Cette impression est ressentie aujourd’hui autant qu’hier.
Saint Amadour Admirant le site, il convient toutefois de ne pas oublier le personnage qui, en 1166, entra dans l’histoire du pèlerinage. Il s’agit de saint Amadour. Un habitant de la cité avait souhaité que sa sépulture soit située sur le perron de la chapelle Notre-Dame. On entreprit d’y creuser une tombe et on découvrit, au cœur de la roche, le corps parfaitement conservé d’un homme. Se créa alors spontanément une dévotion autour de ce personnage qui devint très vite saint Amadour. On l’assimila à Zachée le Publicain ou à un serviteur de la Vierge et il représenta pour les fidèles un nouvel intercesseur auprès de Dieu, la Vierge demeurant toujours la figure principale du pèlerinage de Rocamadour, qui possédait désormais des reliques.
La Vierge Noire, petite statue d’une soixantaine de centimètres, était connue dans l’Europe entière pour ses miracles, lesquels sont, dès 1172, consignés dans Le Livre des Miracles. Des pèlerins, venus souvent de très loin, priaient la Vierge pour lui demander une grâce ou la remercier. Pour accéder à Notre-Dame, ils gravissaient les 216 marches du Grand Escalier en s’agenouillant et en récitant un Je vous salue, Marie » sur chacune des marches. En témoignage de leur pèlerinage, ils repartaient avec une sportelle, petite médaille en forme d’amande, en plomb, en étain ou en argent représentant la Vierge de Rocamadour devenue leur protectrice.
Un rayonnement mondial Situé à proximité de la Via Podiensis qui menait à Saint-Jacques de Compostelle, Rocamadour accueillait beaucoup de monde. La ville, composée alors et suivant les périodes du Moyen Age de 4000 à 8000 habitants, voyait sa population atteindre parfois 40 000 âmes. La Vierge de Rocamadour est une figure importante dans le monde chrétien médiéval. Au XIIe siècle, son culte traverse les Pyrénées. En Espagne, où l’on trouve de nos jours plusieurs églises dédiées à la Vierge Noire, dans des villes comme Burgos, Palencia, Estella... Au Portugal aussi, où nombre de chapelles lui sont encore consacrées dans plusieurs villes, notamment Lisbonne, Porto, Soza, Torrès Vedra... Le Québec est également une région où Notre-Dame de Rocamadour est particulièrement présente. Cette présence sur une terre lointaine est expliquée par un épisode de l’histoire québécoise. En 1535, arrivant près des côtes canadiennes, Jacques Cartier fut en péril. Son équipage était touché par le scorbut. On attribua sa guérison et sa survie à Notre-Dame de Rocamadour dont le culte s’est ensuite développé à travers le Canada francophone... Le 31 mai 1998, l’archevêque de Québec érigeait en sa ville une nouvelle paroisse sous le vocable de Notre-Dame de Rocamadour.
Nous sommes en l’an 2000, année jubilaire... Et, pour Rocamadour, Année du Grand Pardon, événement exceptionnel qu’explique son passé et qui donne à son présent un relief à susciter bien des jalousies... Mais la jalousie n’est pas de mise en cette Année Jubilaire !
Un grand pardon exceptionnel Le Grand Pardon est une indulgence accordée par le Pape pour une ou plusieurs années. Depuis une bulle du pape Martin V en 1427, le Grand Pardon de Rocamadour a lieu chaque année où la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin, coïncide avec la Fête-Dieu. Cette coïncidence est très rare. Sur autorisation pontificale, on peut décider d’une autre date. C’ est le cas en l’an 2000 à l’occasion de l’Année Jubilaire. Des Grands Pardons ont eu lieu à Rocamadour en 1428, 1546, 1666, 1734, 1899, 1943. Tous furent l’occasion d’imposantes manifestations et de grandes affluences. Le prochain, après celui de l’an 2000, aura lieu en... 2083.
Pour le diocèse de Cahors, l’année du Jubilé s’est ouverte le 24 décembre 1999 par la procession aux flambeaux, la messe de la nuit célébrée par Mgr Galdon, évêque de Cahors, et couronnée par l’embrasement du parvis. Le 21 mai 2000, se déroulait la Journée des Aînés, avec messe, animation musicale et pot de l’amitié. Le 24 juin à 21 heures, dans le canyon, il était procédé à la bénédiction du Feu de la Saint-Jean... Puis le dimanche 25 juin, jour de la Fête-Dieu, était ouvert le Grand Pardon de Rocamadour.
En présence de Mgr Fortunato Baldelli, nonce apostolique. et de Mgr Galdon, ce dimanche 25 juin était riche d’une conférence du P. Georges Passerat, professeur à l’Institut Catholique de Toulouse, sur « Les Grands Pardons et Rocamadour dans l’histoire », de la célébration de l’Eucharistie, de la procession du Grand Pardon de l’Hospitalet jusqu’aux Sanctuaires, de la présentation des cloches des Grands Pardons de Rocamadour.
Sujet retenu pour les 13, 14 et 15 août : «Une Eglise à l’aube du IIIe Millénaire» avec, le 13, une conférence sur «La foi en la Vierge Marie dans les grandes confessions chrétiennes» ; le 14, une autre conférence sur la «Situation de la France et de l’Eglise à l’aube de l’an 2000», puis une procession aux flambeaux, la montée du Grande Escalier et la célébration de l’Eucharistie présidée par Mgr Galdon ; le 15, la messe de l’Assomption, suivie dans l’après-midi d’une conférence consacrée à la «Symbolique d’un sanctuaire dans l’annonce de la foi d’aujourd’hui» et, le soir, sur le parvis de la création de l’«Oratorio pour un temps nouveau».
Dernier temps fort de cette année exceptionnelle : du 3 au 10 septembre, la semaine Mariale du Grande Pardon, en présence de Mgr Renato Boccardo, chargé de la jeunesse au Conseil Pontifical pour les laïcs et responsable international des JMJ. Le 8 septembre était présenté le « Passion par les Baladins de l’Evangile ». De nombreux, très nombreux pèlerins parmi lesquels des jeunes ayant pris part aux JMJ, participaient, le dimanche 10 septembre à la clôture du Grand Pardon de l’an 2000, marquée notamment par la bénédiction de la croix de Jérusalem rapportée par des pèlerins de Terre Sainte en 1887, récemment restaurée et reboisée, avec un accompagnement musical dû au Quintet de Rocamadour.
Haut-lieu spirituel Jubilé, Grand Pardon... Une année exceptionnelle s’achève. Mais Rocamadour demeure le haut-lieu spirituel où le touriste lui-même devient souvent pèlerin. Et où l’on vient du monde entier. Il faut dire, nous l’avons constaté, que depuis le Moyen Age, les habitants de Rocamadour ont toujours eu le souci de l’accueil. Ils le gardent. Des premières auberges médiévales aux hôtels tout confort ultramodernes, l’hospitalité est une qualité qui demeure dans le Rocamadour actuel. Un hébergement adapté et de qualité, avec 450 emplacements de campings et 500 chambres d’hôtes, est mis à la disposition du visiteur.
Le Grand Pardon du Jubilé nous a fait jeter un regard actuel sur ce petit village de 627 habitants, à la situation géographique exceptionnelle, à proximité du Périgord et dans son rôle de «porte du Midi» sur l’axe Nord-Sud avec la prochaine autoroute A2 ... Sur les 1 600 000 visiteurs qu’il accueille chaque année, 2/3 sont des Français, 1/3 des étrangers. Très heureux d’utiliser les deux ascenseurs et le petit train qui desservent les quatre niveaux du site!