Vivre avec la trisomie 21
Au début des années 60, beaucoup d’enfants étaient encore placés, chez nous, dans des institutions spécialisées. Ce ne fut pas le cas de David, mon cousin. David était le plus calme de nous tous. Il participait à tous nos jeux, et s’il n’y participait pas toujours activement, il attirait ses cousins les plus jeunes qui aimaient jouer avec les plus âgés. Il était d’une approche très agréable : il nous acceptait tous et ne se moquait jamais de personne. Il était une sorte “d’oasis” de calme au milieu d’une foule bruyante. Plus grand, il est resté toujours le même et continue d’avoir une place spéciale au sein de notre famille.
Mon cousin David : un enfant comme les autres ?
En fait, c’est faux de penser qu’il était exactement comme nous, ses autres cousins. Il avait, et il a encore besoin de beaucoup plus d’attentions. A 41 ans, il vit toujours avec ses parents, tante Aline et oncle Mike, qui ont maintenant une soixantaine d’années. Eux aussi ont toujours donné l’impression que leur vie était sans problèmes, mais il n’en était certainement pas ainsi. Leur aîné avait énormément besoin d’eux. Ma tante travaillait à plein-temps comme enseignante et mon oncle était directeur d’une société : tous deux entretenaient une maison impeccable et accueillante, étaient dévoués à de nombreuses causes, à leur famille, à leurs amis et à leur Eglise. Jetant un regard en arrière, je ne puis m’empêcher de constater qu’ils ont fait preuve de grand courage, de foi et d’amour, qu’ils continuent d’être une source d’inspiration pour nous. Leur vie, en apparence heureuse et sereine, cachait un parcours semé d’obstacles et de difficultés. »
Le syndrome de Down
Il arrive fréquemment que les parents qui découvrent ce syndrome chez leur enfant éprouvent de la tristesse, de la révolte, voire un sentiment de culpabilité : ne seraient-ils pas la cause du handicap de leur enfant ? Aussi, en Grande Bretagne, et ailleurs, des conseillers, des manuels accompagnent les parents dans la manière de vivre avec leur enfant trisomique. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
La trisomie 21 est une anomalie congénitale due à la présence, au moment de la conception, d’un chromosome surnuméraire. Il y a 23 paires de chromosomes dans chaque cellule, une paire venant du père, l’autre de la mère, pour un total de 46 chromosomes. En 1866, le docteur anglais John Langdon Down décrivit les signes et les caractéristiques de cette anomalie, d’où l’expression “syndrome de Down”. En 1959, le généticien français Jérôme Lejeune, découvrit que l’anomalie est due à la présence d’un chromosome supplémentaire, portant ainsi leur nombre à 47, au lieu de 46. Les personnes porteuses de ce handicap présentent des caractères physiologiques particuliers, et leur âge mental ne dépasse pas 6-7 ans. Mais le degré de ce handicap peut varier selon les personnes et il est impossible de prédire, à la naissance, quel en sera le développement.
Grégory à l’école “normale”
Grégory est actuellement âgé de 30 ans. Enfant trisomique, il a pu, grâce à l’effort de ses parents, se faire accepter dans une école “normale”.
Mary-Anne Kazmierski, 67 ans et son mari Carl, professeur d’Ecriture Sainte à l’université d’Ottawa, racontent : « Nous avons combattu pour la vie de Greg dès sa naissance. C’était décourageant de faire face à la malignité et aux préjugés… il en est encore de même pour les enfants avec lesquels nous travaillons aujourd’hui. En fait, Greg avait simplement besoin d’une attention spéciale. Maintenant, il se porte superbement, travaille à plein-temps dans une épicerie et aime son travail ! Il connaît plus de monde de notre voisinage que nous et mène une vie magnifique. Pour son 30e anniversaire, il a voulu inviter des amis dans un bar : 70 personnes… Je n’en connaissais aucune mais j’ai vu que tous l’aimaient. L’isolement tue ces enfants ! … »
Et Mary-Anne de se demander:«Serais-je en train de travailler avec ces enfants, si Greg n’avait pas été là ? J’ai toujours aimé les enfants, mais le fait d’avoir eu Greg m’a aidé à comprendre quelle bénédiction sont ces enfants que l’on nomme handicapés ; à quels défis ils doivent faire face... Je voulais que Greg ait une vie ; à présent, je veux que ces enfants handicapés l’aient aussi ! Il y a des trisomiques qui deviennent artistes, acteurs, athlètes, très actifs dans le domaine social. Plus important encore : ils peuvent avoir, eux aussi, une vie heureuse ; ils y ont droit. »
L’Arche
Cela signifie aussi qu’ils ont besoin d’aide et d’un soutien communautaire. C’est ce qu’a bien compris Jean Vanier qui a fondé pour eux la maison de L’Arche, à Trosly-Breuil, au nord de Paris, avec la présence du père Thomas Philippe, dominicain, « guide spirituel et maître intellectuel ». En quelques années, L’Arche s’est transformée en une fédération internationale qui compte plus de 100 communautés en 30 pays. En 1971, Jean Vanier a aussi fondé, avec Marie-Hélène Mathieu, le mouvement Feu et Lumière, un réseau de prière et de partage qui réunit, autour des handicapés mentaux, leurs familles et leurs amis, et qui compte actuellement 1400 communautés dans 75 pays à travers le monde.
Un des meilleurs porte-parole de L’Arche fut Henri Nouwen, un prêtre hollandais, mort en 1986, qui avait vécu à L’Arche depuis 1966. Nowen enseignait à Harvard, donnait des conférences dans le monde entier, mais, dit-il, « la leçon la plus poignante de la vie, je l’ai apprise à L’Arche ». Au sein de la communauté, il avait nourri une amitié profonde avec Adam, un homme qui n’a jamais prononcé un mot de sa vie, mais qui lui a appris à réfléchir et à avoir confiance en le pouvoir de l’amour. Henri Nowen acceptait rarement de parler en public, sans prendre avec lui un membre de la communauté. « Mes auditeurs, disait-il, ne se souviendront d’aucun des mots que je vais prononcer, mais ils se rappelleront que ces personnes et moi, nous étions des amis et des égaux, et que nous nous comprenions sans nous parler. »
Aussi Jean Vanier ne cesse-t-il de répéter : « Toute personne est une histoire sacrée ! »