RDC : Eau vive et tomates mûres
Kimongò est un gros village à une quarantaine de kilomètres de Dolisie, troisième ville de la République du Congo. Dans une clinique (un grand mot pour trois petites chambres dont deux réservées à l’hospitalisation, et une troisième au bureau-cabinet-salle d’accouchement-pharmacie), à même le sol, une petite fille de 3 ans, le visage éteint, le corps las et une perfusion. Cécile risque de s’éteindre dans cette “clinique”. À ses côtés, sa
maman lui tient la main, le regard perdu. Cécile est atteinte de malaria.
Au Congo, des milliers d’enfants meurent de malaria et d’autres maladies provoquées par l’eau stagnante. Pourtant, le pays est très riche en eau, arrosé par le Congo, deuxième fleuve au monde, après l’Amazone. Malheureusement, les trois quarts de cette précieuse ressource ne sont pas potables et le fleuve, dans les zones rurales, est utilisé pour la cuisine, la lessive, les animaux, la toilette… Un pays mis à genoux par une longue guerre et une paix de façade, toujours menacée par les intérêts étrangers sur ses matières premières, minéraux et pétrole.
Nous nous approchons du lit et de cette maman, le père Danilo Salezze, directeur du Messager de Saint Antoine, le père Paolo Floretta, vice-directeur, et l’abbé Abel Nienze, un jeune prêtre, qui nous sert de guide.
Nous avons entrepris ce voyage pour préparer un grand projet d’aide et de développement lancé à l’occasion de la fête de saint Antoine, en cette zone parmi les plus pauvres et les plus abandonnées du monde.
Le père Danilo ne sait s’il doit s’approcher d’abord de Cécile ou de sa mère. Il se décide enfin, touche le front chaud de la petite fille, lui donne sa bénédiction et adresse quelques mots à la maman, qui répond par ses grands yeux, noirs de douleur.
« Notre projet commencera par l’eau, dit le père Danilo en sortant de cette “clinique”, comme celui qui a trouvé la solution dans l’enchevêtrement des besoins urgents énumérés par l’abbé Abel. L’espoir sera arrosé par l’eau ; une eau pure dans les veines de ce Congo tourmenté, et dans les veines de la petite Cécile.
Le Père Danilo raconte…
Nous atterrissons à Brazzaville, la capitale de la République du Congo. L’abbé Abel Nienze nous accueille avec son large sourire. Il est l’économe du diocèse de Nkayi, à environ 650 km d’ici et notre correspondant pour ce projet. Il a éprouvé dans son propre corps les contradictions de son pays. Mais il reste fier d’être congolais et d’être pauvre, comme les siens et comme l’Église à laquelle il appartient.
Avec lui nous repartons pour Dolisie où son évêque nous attend. Le diocèse de Nkayi s’étend sur trois régions : Niari, Bouenza et Lékoumou. Ici les moyens de communication n’existent pas et 96 % des routes sont en terre : cahoteuses et poussiéreuses pendant la saison sèche ; pleines de danger pendant la saison des pluies.
Mgr Daniel Mizonzo est visiblement fatigué, le stress se lit sur son visage, mais il continue à servir l’Église, comme si de rien n’était. Il ne reçoit aucun salaire, ni d’assistance sanitaire ; il est précaire comme ses prêtres, comme ses gens. Mais il est crédible, témoin du Dieu qui aime sans condition et du Christ qui vient nous sauver. Les gens le savent, ils croient. Pour eux, la foi est un mot plein de sens et les messes du dimanche sont une explosion de joie et de couleur.
L’abbé Abel égrène les besoins urgents du diocèse : « 50 % des maladies sont dues au manque d’eau potable. Nous aurions besoin de 80 puits au moins ; certains existent et peuvent être répa-
rés ; d’autres sont à construire entièrement, distribués sur les 25 paroisses du diocèse dans des points stratégiques ». Et il explique : « Dans le passé, il y avait un système sanitaire public organisé en petits dispensaires locaux et en unités mobiles qui rejoignaient les endroits les plus éloignés. À présent, plus rien et un Congolais peine à fêter son cinquantième anniversaire. La guerre a propagé le Sida et aujourd’hui 13 % des jeunes de 12 à 20 ans sont séropositifs. Il faudrait rétablir les 11 dispensaires que nous avons dans nos paroisses et disposer d’une unité mobile pour rejoindre les villages dans la forêt ».
Dispensaires, puits et tomates
Ainsi, le projet prend forme, mais où trouver les médecins pour s’occuper des dispensaires ? L’abbé Abel répond non sans fierté : « Il y a une commission diocésaine pour la santé, composée du docteur Boniface Yaba Ngot, chirurgien ; du docteur Georgetta Kouloungou, pédiatre, et de Jean Makouango, infirmier congolais. Tous trois sont des professionnels à la retraite ; des laïcs à la foi profonde qui ont décidé de consacrer les derniers temps de leur vie au service du diocèse ». Boniface, garde l’espoir que les miettes des riches retombent sur son pays et en fassent démarrer la renaissance. Moi, j’ai confiance en lui, dans son visage qui rayonne la bonté ; dans son expérience.
Un projet comme celui-ci ne surgit pas du jour au lendemain. Les urgences, les dispensaires à rétablir, la place des puits sont le résultat d’une recherche. Serge, 30 ans, sociologue et ancien jeune soldat, dirige le “Service Étude”.Il nous explique les problèmes de la formation des jeunes. « Regarde ces jeunes. Regarde leurs yeux tristes ; ils ont besoin d’un avenir, d’un travail, de savoir qu’ils peuvent réussir, malgré tout, car huit années de conflits ont fait chuté la scolarité de 100 % à 48 %. »
Serge et Abel ont conçu une source d’espoir : « Nous aimerions construire, à Dolisie, une école professionnelle, une “École Saint-Antoine” où tous les jeunes du diocèse pourront devenir plombiers, électriciens, maçons, menuisiers, charpentiers, sans aller à Brazzaville. Nous avons déjà repéré le terrain. Ce serait pour nous un immense cadeau ».
Ainsi l’eau qui donne la santé se transforme-t-elle en formation et avenir. « Les jeunes réagissent déjà », affirme Abel en nous conduisant, à travers cahots, flaques d’eau et boue à un endroit dans la forêt où poussent de petites tomates. « Tu vois, me dit-il. Ici, les jeunes, seuls et sans moyen, cultivent comme ils peuvent. Ils forment déjà une petite coopérative spontanée, en contact avec un agronome qui leur apprend les techniques de culture. Pense à ce que nous pourrions faire, avec une terre si fertile, si seulement nous avions un tracteur ! ».
Je m’approche, pensif, d’une de ces plates-bandes en pleine forêt ; je cueille une tomate et la goûte… Je comprend alors le grand rêve d’Abel, de Serge, de Boniface et de l’évêque Mizonzo. Comment ne pas le partager ? Ce projet aura la fraîcheur de l’eau vive et le goût savoureux d’une tomate mûre.
Projet “Eau Vivante”
* Réparation et réalisation de 80 puits : 145 000 €
* Coordination sanitaire de 11 dispensaires : 35 000 €
* Réalisation de l’école professionnelle
Saint-Antoine : 70 000 €
* Achat d’un tracteur : 50 000 €
Montant Total : 300 000 €