Manille : école pour 600 chiffonniers
Navotas, la plage-poubelle ; Payatas, la “montagne fumante” : aux portes de Manille, des enfants “chiffonniers” fouillent les déchets pour survivre et faire vivre leur famille. Avec la “Children’s Relief Fund”, la Caritas Saint-Antoine réalisera avec vous et pour 600 d’entre eux, une école, son mobilier, des cours de formation.
La scène tient du surréalisme : « Un enfer, peuplé d’enfants, où on ne rencontre jamais un adulte et dont on revient avec une déchirure au cœur. Tu les vois piétiner des montagnes de déchets, avec un crochet à la main et un grand sac plastique au dos. La plupart ont entre 8 et 10 ans, certains un peu plus, d’autres moins : il est difficile de donner un âge à des enfants sous-alimentés… Nombreuses sont les infections de toutes sortes, et le teint rouge de leurs cheveux est dû à un virus qui ronge le cerveau. » Le père Danilo, directeur général du Messager, a voulu constater de ses propres yeux, le drame des enfants de Manille qui seront les bénéficiaires de l’unique projet de la Caritas Saint-Antoine pour le 13 juin 2008. Il était accompagné du père Paolo Floretta et de Genny Carraro, non-voyante, agent humanitaire de l’Association “Children’s Relief Fund”, notre référent pour des actions humanitaires aux Philippines depuis l’année 2003.
Chaque décharge est un monde en miniature : on y travaille, on joue, on vend, on achète, dans une sorte de normalité qui tient de l’absurde. Dans ce pays, le fossé entre riches et pauvres continue de s’élargir, avec la complicité d’une corruption devenue structurelle et un processus d’urbanisation sauvage qui amasse des millions de rejets humains dans les périphéries des grandes métropoles : 43 millions de Philippins vivent avec moins de deux dollars par jour ; 16 millions, avec moins de 60 cents ; 100 000 enfants traînent dans les rues dans la seule capitale Manille.
Navotas, le cimetière-bidonville
« Genny nous guide vers Navotas, un des quartiers les plus peuplés de Manille. Les décharges sont sur la plage. Le bidonville est juché sur pilotis, sur un lit de déchets et de troncs d’arbres. Aux coins des ruelles, des enfants aux vêtements sales ébauchent un sourire, des bambins à demi-nus, voyant l’habit d’un religieux, cherchent sa main, quêtent une bénédiction, mais n’exigent rien d’autre. Un typhon, une tempête auraient vite raison de ce peuple en sursis et de ses abris de fortune. »
La deuxième étape est le cimetière. Au-delà du portique, imposant comme dans tous les cimetières, entre les tombes, on dort, on joue, on mange, on respire toutes sortes d’odeurs, on veille les morts. Tout autour, la boue, les chiens et une marée d’enfants qui sourient. « Bouleversante, cette explosion de vie dans ces lieux de mort… Beaucoup de ces enfants n’ont pas de nom ; personne ne les a enregistrés à leur naissance, par négligence, peut-être par ignorance, sûrement à cause de l’extrême pauvreté.
Le “Children’s relief fund”
Genny Carraro, est l’ange gardien des enfants au “Children’s Relief Fund”, une association de Quezon City, Metro Manille, qui travaille pour la réinsertion des enfants mineurs abandonnés. Cette association soutient deux centres d’accueil (“Papa John Center”) pour enfants de rue et organise des stages de formation pour les enfants des bidonvilles. « La Caritas Saint-Antoine, explique Genny, a soutenu au cours des six dernières années plusieurs projets ponctuels : achat de moyens de transport, liaison avec l’aqueduc, salaires des assistants, aide aux familles, agrandissement des centres d’accueil, projets d’alphabétisation, alimentation. Notre prochain projet, la construction d’une école pour 600 enfants, sera pris en charge par la Caritas Saint-Antoine en 2008 et viendra couronner un long chemin de collaboration entre le “Children’s Relief Fund” et les œuvres antoniennes. »
Construire une école aux abords d’un bidonville de Manille ne relève pas seulement des briques et du ciment : « Dans ce milieu, explique le père Danilo, l’école est avant tout un droit à l’existence. J’ai compris cela lorsqu’une opératrice philippine, avant de commencer son cours sur une place au milieu des pilotis, a remis à chaque enfant une étiquette avec son nom : c’était lui donner une reconnaissance et une dignité. Je l’ai compris lorsqu’une maman de Navotas, fixant ses yeux sur moi m’a dit dans son anglais forcé : “No school, no future” (sans école, pas d’avenir)… »
Notre projet
« L’école que nous allons construire, explique Genny, accueillera 600 enfants, avec 25 élèves par classe. Nous offrirons trois sessions par jour – cas unique aux Philippines -, afin de permettre aux enfant qui travaillent de suivre les cours. Nous ouvrirons des programmes de formation professionnelle de coupe et couture, des ateliers de mécanique, d’esthétique et d’informatique. Nous nous appliquerons surtout à la formation des enseignants, par des cours de psychologie appliquée afin de mieux comprendre et traiter les différents traumatismes.
Arrivant à Payatas, le père Danilo a fait une découverte qui lui a coupé le souffle : aux pieds de la montagne damnée, il y avait une petite église dédiée à saint Antoine. « Notre Saint était arrivé chez ces enfants bien longtemps avant nous et nous y attendait .»
Le projet en bref
Construction d’une école comprenant :
- 10 salles de classe
- 3 ateliers
- 1 bibliothèque
- 1 salle informatique
- 1 salle pour enseignants
- 1 cantine
- 1 infirmerie
- 1 cour de récréation
- 1 salle pour surveillant de nuit
- Bureaux
- Fourniture de mobilier et équipements
- Cours de formation
Le coût du projet s’élève à 250 000 € sur deux ans