Haïti : le courage d'un peuple
Le 12 janvier dernier, en l’anniversaire du terrible séisme en Haïti, Benoît XVI exprimait sa compassion et sa proximité avec les Haïtiens et célébrait une messe à l’intention des victimes. Un an après la catastrophe, dressons un bilan de ce qui a été fait pour reconstruire le pays et de ce qu’il reste à faire.
Est-il besoin de rappeler les chiffres ? Un séisme d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter faisant 230 000 morts, 3 millions de victimes, plus d’un million et demi de personnes sans abri, des dégâts considérables avec, de surcroît, une épidémie de choléra.
Dès le début, les Haïtiens ont fait preuve d’une grande solidarité les uns envers les autres. Beaucoup de familles sinistrées sont allées vivre chez des proches.
Un formidable élan de générosité a vu le jour. Ainsi, ce ne sont pas moins de 10 milliards de dollars de dons qui ont été promis par la communauté internationale. Mais à ce jour, seul 1,4 milliard a été versé ! Pourtant, organisations et associations du monde entier se sont mobilisées et sont toujours à l’œuvre pour reconstruire le pays. Un an après le séisme, la reconstruction est quasiment au point mort. Pourquoi ?
Difficile reconstruction
Depuis des décennies, Haïti connaît une instabilité politique chronique marquée par la dictature des Duvalier et un État répressif et corrompu. Depuis 2004, une force spéciale des Nations unies (Minustah) tente d’assurer la stabilité du pays. Malgré tout, des phénomènes de violence ont émergé, aggravant le climat d’insécurité.
Fin novembre 2010 a eu lieu le premier tour de l’élection présidentielle, dénoncé par certain comme truqué. Tout ceci dans un contexte d’émeutes dans la capitale. Un deuxième tour devait avoir lieu le 16 janvier dernier.
L’absence d’un État haïtien fort, la lenteur des procédures administratives pour débloquer les fonds et à présent l’épidémie de choléra freinent considérablement la reconstruction. Suite au séisme, la Commission Intérimaire de Reconstruction en Haïti (CIRH) a été créée. Dirigée conjointement par l’actuel Premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive, et l’ancien président américain, Bill Clinton, la Commission n’a donné son accord qu’à une poignée de projets et la plupart n’ont toujours pas démarré.
De plus, les villes haïtiennes croulent toujours sous les gravats.
Le courage des Haïtiens
Si effectivement la reconstruction et le relogement s’avèrent bien plus lents que prévus, c’est sans compter les multiples efforts fournis par les associations présentes sur place, et par les Haïtiens eux-mêmes. Ainsi, le père Jean Désinor, qui dirige la radio chrétienne haïtienne Radio Soleil, s’est battu, au lendemain du séisme, pour continuer à émettre et accompagner la population. Pour cela, il a été aidé par l’Aide à l’Église en Détresse (AED) et le Secours Catholique. Aujourd’hui, Radio Soleil diffuse 18 heures d’émissions quotidiennes.
L’Église, très présente en Haïti au travers des communautés religieuses, a été touchée de plein fouet. On se souvient de la cathédrale Notre-Dame de Port-au-Prince, de l’archevêché, du grand séminaire totalement effondrés, de même que des écoles tenues par des religieux que l’on a retrouvés sous les décombres avec leurs élèves. L’AED a recueilli 5 millions d’euros ; 2,3 millions ont déjà été engagés sur le terrain. Le grand séminaire de Port-au-Prince doit être reconstruit. L’achat du terrain a été financé par l’AED. En attendant, les séminaristes ont cours sous des tentes. L’AED aide également la Congrégation des Filles de la Sagesse dont l’école s’est écroulée ainsi que la maison des sœurs et l’hôpital de Léogane qu’elles tiennent.
Et maintenant ?
Malgré le traumatisme, les Haïtiens ont voulu continuer à avancer. Pourtant, les forces haïtiennes n’ont-elles pas été un peu négligées au début de l’action humanitaire ? « L’aide humanitaire est arrivée comme un rouleau compresseur […] avec ses recettes toutes faites », dénonce François Grünewald, directeur de URD (Urgence Réhabilitation Développement).
Le réseau Caritas tente d’impliquer le plus possible les Haïtiens dans les programmes ; une démarche participative est indispensable à la réussite. L’épidémie de choléra s’est très vite propagée avec les mouvements de population. Caritas a créé des centres de traitement de l’eau et, en attendant, aidé les gens à trouver de l’eau potable en forant des puits.
Faire participer les Haïtiens à leur reconstruction est vital. C’est ainsi que le Secours Catholique forme des Haïtiens dans le secteur du bâtiment et dans le secteur agricole. Elle aide notamment les paysans pour qu’ils améliorent la qualité et la quantité de leur production en distribuant des semences et des têtes de bétail.
Le relogement semble très difficile à Port-au-Prince tellement on peine à identifier les espaces où l’on peut reconstruire. Bon nombre de maisons ont été reconstruites par les Haïtiens eux-mêmes. Caritas s’attèle à deux types de programme de reconstruction. L’un concerne des maisons transitionnelles d’une durée de vie de 2 à 3 ans, l’autre, des maisons définitives construites selon des normes antisismiques et anticycloniques. Un vrai espoir pour la population ! Le défi est colossal, mais les bonnes volontés sont là.
Repères
Haïti, découvert par Christophe Colomb en 1492, compte parmi les États à l’ouest des Grandes Antilles. Le pays jouxte la République Dominicaine. 8 300 000 habitants vivent sur une île de 27 750 km2, d’où une forte densité de population (367 hab. / km2 ). Des chaînons montagneux entourent des terres plus basses où sont cultivés café, cacao, bananes, canne à sucre, coton, principales ressources agricoles. Le sous-sol recèle de la bauxite. L’industrie produit surtout des composants électroniques et du textile. 80 % des Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté et 50 % d’entre eux sont analphabètes. Le taux de chômage atteint plus de 65 % de la population active