Moyen-Orient : quelles perspectives ?
C’est à la demande des évêques d’Irak en 2009 que Benoît XVI a convoqué les patriarches, évêques, prêtres et experts des différentes Églises du Moyen-Orient, 246 au total, pour se réunir en Synode. Autour du Saint-Père, les pasteurs de cette région du monde, fortement marquée par le conflit israélo-palestinien et l’instabilité politique, sont venus travailler, se ressourcer, prendre courage.
Des représentants de l’islam ont été invités au cours du Synode. L’assemblée synodale a permis des rencontres riches entre les représentants des différentes Églises qui ont pu ainsi, à partir du document de travail Instrumentum laboris, présenter la situation des chrétiens de leur pays. De nombreux thèmes ont été abordés, notamment la question de la paix dans la région, de la violence, la communion entre les Églises chrétiennes locales, le dialogue avec le monde musulman et le judaïsme, la liberté religieuse. Au terme des deux semaines, les Pères synodaux ont publié une série de 44 propositions qu’ils ont remises au Saint-Père.
L’indispensable communion
« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32). C’est cette parole de saint Paul à propos de la première communauté chrétienne qui a servi de toile de fond pendant les travaux du Synode. Comment peut-il y avoir de témoignage sans communion ? Les représentants des sept Églises présentes au Moyen-Orient (le Patriarcat latin de Jérusalem, l’Église maronite, l’Église copte catholique, l’Église chaldéenne catholique, l’Église syriaque catholique, l’Église arménienne catholique et l’Église grecque melkite catholique) ont tenté de voir comment renforcer la communion entre les fidèles. Ainsi, la proposition 16 du document de clôture du Synode préconise la promotion de « stratégies pastorales communes, une connaissance réciproque des traditions » […], la création d’ « organismes de charité communs », également des « rencontres périodiques et régulières entre les hiérarchies catholiques du Moyen-Orient » et une « solidarité matérielle entre les diocèses riches et moins riches ».
Benoît XVI ajouta qu’il était « souhaitable » de « favoriser la participation des fidèles aux célébrations liturgiques des autres rites catholiques, leur permettant de s’ouvrir aux dimensions de l’Église universelle ». « Que tous soient uns » (Jn 17, 21) a, par ailleurs, résonné comme un appel à l’unité.
Quant à la question musulmane, « les chrétiens du Moyen-Orient sont appelés à poursuivre le dialogue de vie fructueux avec les musulmans. Ils veilleront à avoir à leur égard un regard d’estime et d’amour, mettant de côté tout préjugé négatif » (proposition 42).
Interrogé par la chaîne de télévision KTO, le père Samir Khalil, jésuite et expert présent au Synode, a rappelé que « la coexistence des musulmans et des chrétiens commande la paix dans le monde entier ». On compte environ 3 milliards de chrétiens et musulmans dans le monde ! Si le terme de “coexistence” (1) n’est pas vain dans un pays comme le Liban où chaque village compte des chrétiens, tels des ponts entre les minorités musulmanes (Chiites et Sunnites), ceci est loin d’être le cas à Gaza ou en Irak où l’islam est devenu religion d’État. À Gaza, les 2 000 chrétiens restants, la plupart orthodoxes, subissent une grande pression pour se convertir à l’islam ; il en résulte une forte émigration.
L’urgence de la paix
En Irak, la multiplication des attentats terroristes plonge le pays dans le chaos. « Nous sommes sans protection ! Il faut sécuriser les églises et les communautés chrétiennes par des lois qui leur redonnent confiance dans leur pays et dans leur avenir », a déclaré Mgr Casmoussa, archevêque de Mossoul. La proposition 9 du document de clôture du Synode demande ainsi « l’application des résolutions des Nations-Unies concernant la région ».
« Il ne faut jamais se résigner au manque de paix. La paix est possible, la paix est urgente. […] La paix est également le meilleur remède pour éviter l’émigration du Moyen-Orient ». Un appel vibrant prononcé par le Pape lors de la messe de clôture du Synode, suivi d’encouragements : « Aux chrétiens du Moyen-Orient peuvent s’appliquer les paroles du Seigneur Jésus : “Sois sans crainte petit troupeau car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume”. En effet, même s’ils sont peu nombreux, ils sont porteurs de la Bonne Nouvelle […] ».
« Une autre contribution que les chrétiens peuvent apporter à la société est la promotion d’une authentique liberté religieuse et de conscience. […] Élargir cet espace de liberté devient un besoin », a souligné le Saint-Père. Mais que doivent faire les chrétiens lorsque règne l’insécurité et que leur vie même est menacée ? Partir ou rester ? Bien sûr, tous ne sont pas appelés au martyre, même si « le chrétien se rappelle qu’être chrétien comporte le partage de la croix du Christ » (proposition 5). Cette même proposition appelle clairement les chrétiens du monde entier à une plus grande solidarité avec leurs frères, ce qui va également dans le sens du message des évêques d’Irak aux évêques de France, après l’attentat meurtrier du dimanche 31 octobre, à Bagdad : « Ce dont nous avons besoin, c’est de votre prière et de votre soutien fraternel et moral ».
Dressant un bilan de l’assemblée synodale, le père Samir Khalil est revenu sur la liberté religieuse en déclarant : « Nous ne voulons pas une société laïque, athée, mais nous voulons dire que la religion est un fait personnel qui a une incidence sur la société et que nous avons donc le droit, comme les musulmans, de proclamer notre foi ».
Qui dit témoignage de foi dit évangélisation. En ce sens, Benoît XVI a souligné le « besoin urgent d’une nouvelle évangélisation, même pour le Moyen-Orient ». Il s’agit concrètement, entre autres, de créer des centres de catéchèse pour adultes, encourager les écoles catholiques, soutenir les médias chrétiens. Une nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne qui sera d’ailleurs le thème de la prochaine assemblée ordinaire du Synode des évêques en 2012. Du travail en perspective !
1) Jean-Paul II au cours d’une assemblée synodale pour le Liban : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message de coexistence ».
Appel à nos frères de France !
Deux jours après l’attentat qui a fait 58 morts et 67 blessés dans la cathédrale de Bagdad, 5 évêques d’Irak lancent un message de douleur et d’appel à l’aide aux évêques de France : « Notre calvaire est lourd et il nous paraît long. […] Nous perdons la patience, mais nous ne perdons pas la foi et l’espérance. Cet événement d’une telle ampleur qui se produit juste après la tenue du Synode nous choque encore plus. Votre amitié nous encourage à rester sur notre terre, à persévérer et à espérer. […] Restez avec nous, restez avec nous jusqu’à ce que soit passé le fléau ».
Le 2 novembre 2010.