La catastrophe de Tchernobyl

21 Mars 2016 | par

Il est 7h du matin, ce 28 avril 1986, à la centrale nucléaire suédoise de Forsmark, quand un employé découvre que ses chaussures dégagent un taux de radioactivité anormalement élevé. Après plusieurs heures de vérification, une analyse chimique révèle que ces particules ne peuvent provenir que d’un réacteur russe de type RBMK, ce qui est cohérent avec la direction du vent ce jour-là.

Contactées, les autorités soviétiques nient tout incident. La Suède décide alors d’alerter tous les pays européens de cette « pollution radioactive transfrontalière », et l’URSS est bien forcée de reconnaître qu’une explosion de niveau 7 (le plus élevé) a bien endommagé, deux jours avant, le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl.

Tout est parti d’un test. La centrale, située au nord de l’Ukraine à la frontière biélorusse, aux abords du village de Pripyat, à 18 km de Tchernobyl, fonctionne depuis 1977 (le réacteur 4 depuis 1983). Un incident avait déjà eu lieu en 1982, mais avec l’obsession soviétique du secret, la communauté internationale n’en a été avertie qu’en 1985.

Ce test visait à accroître la sûreté du réacteur, pour s’assurer que la centrale était capable de redémarrer d’elle-même à la suite d’une perte totale de réseau électrique. Pour cela, la centrale est équipée de générateurs diesel qui mettent jusqu’à 75 secondes pour arriver à leur puissance maximale, ce qui est jugé trop long, car les réacteurs RBMK sont très instables à faible puissance. On veut donc s’assurer que l’énergie cinétique, c’est-à-dire la vitesse acquise du turbo-alternateur, va suffire pour relancer les pompes du circuit de refroidissement.

 

Défauts de conception et erreurs humaines

Le test aurait dû avoir lieu en cours de journée, le 25 avril, mais il a fallu le retarder à 23h. De ce fait, au lieu des ingénieurs de jour, plus qualifiés, l’opération est confiée aux ingénieurs de nuit, plus jeunes et moins chevronnés.

L’accident proviendra autant des défauts de conception de la centrale que d’erreurs humaines, comme par exemple un trop gros remplissage en eau du circuit de refroidissement, empêchant la formation de vapeur pour faire tourner les turbines. Tout cela entraîne un emballement du réacteur. Il faut arrêter d’urgence la centrale à 1h23’40” ce qui n’empêche pas la formation d’un mélange détonant d’hydrogène et d’oxygène. Quatre secondes plus tard, les 1 200 tonnes de la dalle de béton qui recouvrent le réacteur sont projetées en l’air et retombent sur le cœur du réacteur, fracturé par le choc. Désobéissant aux ordres, l’ingénieur en charge du réacteur 3 parviendra à le sauver d’une destruction certaine.

Les pompiers de Pripyat sont appelés en renfort, mais l’eau ne peut éteindre les matières nucléaires. Gravement irradiés, ils mourront presque tous. Les témoignages sur leur souffrance ont été recueillis par la journaliste biélorusse, Svetlana Aleksievitch, futur Prix Nobel de littérature. L’incendie sera finalement maîtrisé par le largage par hélicoptère de 50 tonnes de sable. Dans les mois suivants, 600 000 hommes – les liquidateurs – vont procéder aux opérations de décontamination : 25 000 en mourront, 70 000 seront blessés. La construction du désormais célèbre sarcophage de Tchernobyl ne sera achevée qu’en octobre 1986, et entretemps, 200 000 personnes auront été évacuées dans un rayon de 30 km. L’AIEA a chiffré à plusieurs centaines de milliards de dollars, le coût de cet accident qui aura sa part dans la chute de l’Union Soviétique.



Polémiques françaises

Très vite, en Europe de l’Ouest, et surtout en France, une polémique va naître quant aux retombées réelles. Le nuage (ou plutôt, le panache) de Tchernobyl est bien passé sur la France, détecté à Monaco dès le 30 avril.

Aucun texte ne prévoyait comment communiquer dans ce cas. Ce sera donc le professeur Pierre Pellerin, à la tête du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) que l’on entendra le plus, surtout que le week-end du 1er mai avait vidé les ministères.

On a beaucoup ironisé sur ce nuage qui aurait épargné la France et sur l’optimisme du professeur qui contrastait avec les discours alarmistes tenus en Allemagne, mais a posteriori, la dose moyenne sur la vie entière due aux retombées en France s’est avérée de seulement 0,16 mSv, soit moins de 1/10 de la dose reçue en un an du fait de l’irradiation naturelle. Dès le 15 mai, la députée européenne Michèle Rivasi crée la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) qui va pointer l’augmentation des cancers de la thyroïde depuis 1986 – dont la cause reste discutée – ainsi qu’une contamination persistante du massif du Mercantour.

Aujourd’hui, en Europe, ce sont les anciennes centrales belges de Dœl et Tihange, qui suscitent une certaine inquiétude, alors qu’à Tchernobyl même, la faune sauvage ne s’est jamais aussi bien portée. Tout risque n’étant pas écarté, un nouveau sarcophage, plus large que le stade de France, y est actuellement construit par les entreprises françaises Bouygues et Vinci, prévu pour novembre 2016. Mais comme le démontre l’accident de Fukushima en 2011, il semble bien difficile d’anticiper toutes les causes d’un accident nucléaire majeur. Cela doit nous inciter à une vigilance permanente. 

Updated on 06 Octobre 2016