1929 : une crise prévisible
Ce qui est fascinant dans les crises économiques, c’est leur caractère parfaitement prévisible. Celle d’octobre 1929 ne fait pas exception, bien au contraire. Il ne fallait pas être un grand clerc pour comprendre que tout cela allait mal finir, et que les “folles” années folles s’achèveraient par une gueule de bois sans précédent (mais en attendant : quelle fête !)
Dès le 18 octobre 1929, avait eu lieu une première vague de ventes massives d’actions au New York Stock Exchange (NYSE = Wall Street = la bourse de New York). Pareillement le 19 et le 23. Mais officiellement, on ne parle alors que de prises de bénéfices(1) tout en pressentant bien que la panique est aux portes du palais, lorsque chacun souhaitera récupérer son capital, afin de ne pas perdre la mise de fonds.
Vint le 24 octobre, le jeudi noir tant redouté. Pendant toute la matinée, pratiquement aucune transaction ne fut enregistrée, et l’indice Dow Jones afficha une perte de 22,6% en une séance. Il n’en fallait pas plus pour susciter des émeutes à Wall Street. Qui n’a pas en mémoire ces images connues, cent fois projetées, de boursicoteurs en furie, grimpant les uns sur les autres, vociférant dans l’espoir d’être remarqué par un (rare) acheteur ? La même panique se répétera les jours suivants. Après ce krach, il faudra attendre 1954 pour que l’indice Dow Jones retrouve son niveau maximum de 1929. Entre-temps, il aura fallu traverser le New Deal, le chômage de masse, l’arrivée d’Hitler, les tueries nazies et la guerre, Pearl Harbor, la bombe A et la décolonisation : cela
fait beaucoup.
C’est ici le moment de tordre le cou à une légende urbaine tenace. Même si Winston Churchill, présent ce jour-là dans les parages, prétendait en avoir vu, il n’y eut aucun suicide de banquiers sautant en masse dans le vide ce jour-là.
Depuis cette crise, une question taraude historiens et économistes : aurait-on pu enrayer cette crise en intervenant à temps? Certainement, mais sur le papier et en théorie. Pour commencer, il aurait déjà fallu que décideurs, hommes politiques et banquiers acceptent de pratiquer un jeu collectif au nom de l’intérêt général, en endossant leur part de responsabilité dans cette euphorie irraisonnée.
Ensuite eut-il fallu que chacun s’accorde sur les causes de la crise. Sur le site Wikipedia pas moins de sept explications sont proposées : systémiques, monétaires, sous-consommation, spéculation, cycle économique, étalon-or, questions morales et sociologiques. Chacune d’entre elles est pertinente, mais aucune ne donne entière satisfaction.
La meilleure protection contre une crise généralisée du type 1929 ou 2008, fut en fait adoptée à l’issue de cette crise : ce sont les minima sociaux et autres moyens de redistribution. La crise actuelle du néo-libéralisme a remis en lumière la thèse interventionniste. Les livres de Marx ont triplé leurs ventes, mais c’est plutôt Keynes qui montre la route à suivre : intervention de l’Etat, filets de protection, grands travaux.
En tant qu’acteurs de la crise actuelle nous sommes mieux préparés pour lui résister et de fait, on constate que ces protections s’avèrent efficaces. Aujourd’hui nous sommes à notre tour dans “l’œil du cyclone”, et nous ne pouvons plus dire : « Nous ne savions pas. » Il suffit de revoir les célèbres photos prises par Dorothea Lange des migrants en route vers la Californie en quête d’un toit et d’un emploi – comme cette femme épuisée, avec son enfant dans les bras – pour se dire que « Si, à présent nous savons ! »
1)Se dit d’une vente d’actions où l’on ne touche pas au capital, en se contentant d’empocher les hausses.
L’opinion de l’Eglise
Si l’on souhaite connaître la position de l’Eglise à ce sujet, on lira avec profit l’encyclique de Benoît XVI : Caritas in veritas, le Pape rappelle entre autres la force du don face à la marchandisation de la vie.