Tous pour l’Irak

01 Janvier 1900 | par

D’après un rapport publié par l’Unicef en 1999, un enfant de moins de cinq ans meurt toutes les huit minutes en Irak à cause des maladies et de la sous-alimentation… Plus de 3000 enfants meurent chaque mois. Personne ne peut plus dire qu’il ne sait pas. En effet, depuis neuf ans, les appels, les actions se multiplient, lancés par des personnes et des organismes de tous bords.

Stop à l’embargo! A temps et à contre temps, Jean-Paul II n’a pas manqué une occasion d’alerter l’opinion sur les conséquences néfastes de l’embargo (à Cuba ou en Irak !) depuis toutes ces années. Sa position est relayée par le Saint-Siège qui, en 1996, n’hésitait pas à avancer : «Il peut s’agir de véritables crimes contre l’humanité.» De retour d’Irak, le 12 juin 1998, le cardinal Roger Etchegaray dénonçait à son tour les «effets pervers et incontrôlables» de l’embargo.
La colère gronde dans tous les milieux. Boutros-Ghali (ex-secrétaire général des Nations Unies), déclarait il y a quelques mois: «Les Etats qui appliquent les sanctions s’arrangent pour faire passer, dans l’opinion publique, les ravages humanitaires de l’embargo au second plan. Ce qui leur permet de maintenir leur position et de justifier le bien fondé des sanctions…» (1).
Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Intérieur, déclarait pour sa part : « Nous sommes là dans l’hypocrisie la plus totale. On se réclame de l’Onu et, en réalité, on mène une politique froide de puissance. Et puis, on s’affranchit de l’Onu pour multiplier des frappes aériennes en dehors de toute légalité internationale» (2).
Fin septembre de cette année, ce sont 150 personnalités religieuses, politiques, du monde de la culture, des organisations non-gouvernementales et des associations humanitaires qui ont pris position: «Sauvez la population de l’Irak. Stop à l’embargo!»

Une brèche Certains n’ont pas hésité à payer de leur personne pour tenter de faire avancer les choses. M. Hans Sponeck, M. Denis Halliday, Mme Jutta Burghardt, anciens coordinateurs humanitaires de l’ONU en Irak, ont donné leur démission, déclarant qu’ils ne voulaient pas «être complices d’un génocide». «Nous nous sommes trompés de cible, affirmait M. Hans Sponeck en mars dernier. Nous voulions toucher le dictateur, nous avons touché le peuple innocent. Il est temps de tourner la page.»
Jean-Marie Benjamin, le premier Français à avoir bravé l’embargo en atterrissant à Bagdad en avril dernier, depuis la Jordanie, est parmi les acteurs les plus actifs de la campagne pour l’Irak et des vols (encore) interdits, devenus à présent monnaie courante.
Depuis ses premiers voyages sur les sites bibliques en 1998, ce prêtre français natif du Midi, actuellement en poste à Assise, insiste beaucoup, quant à lui, sur le largage par bombes des 700 tonnes d’uranium appauvri pendant la guerre du Golfe… et ses conséquences (3). Son audace, lors du premier atterrissage, avec un pilote jordanien, un député européen et un homme d’affaires italien avait été accueillie très favorablement par les diplomates occidentaux en poste à Bagdad.
Tenace, il fait partie de ceux qui ne lâcheront pas prise, tant que l’objectif escompté ne sera pas rejoint: «Quand on lâche des bombes à partir de 8000 mètres d’altitude, s’indigne-t-il, comme le font en toute impunité la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, sur un pays qui ne peut plus se défendre, non seulement c’est lâche mais c’est du terrorisme.»

Une soirée pour l’Irak A côté de ces opérations médiatisées, indispensables pour faire bouger les situations, toutes les actions de fourmi vécues ici et là gardent leur valeur : par l’amitié qu’elles entretiennent entre ceux qui pourraient s’affronter. A Strasbourg, par exemple, une soirée était organisée, il y a quelques mois, au profit de l’Irak. Une soirée toute simple apparemment, autour d’un repas interculturel… Une occasion privilégiée, pour une soixantaine de jeunes et d’adultes d’Alsace et du Maghreb, de vivre un moment chaleureux d’amitié sans frontières. Après que, pendant des mois, quelques jeunes se sont retrouvés pour préparer ensemble le programme, il ne restait plus qu’à inviter les amis…
Que s’y est-il passé? Une sourate du Coran et un psaume ont été lus pour commencer. Quelques interventions ont permis de présenter une lettre et des expériences des Jeunes pour un Monde Uni – chrétiens et musulmans! – de l’Irak, le travail du secours populaire islamique de Strasbourg et ses liens avec l’Irak. Le tout agrémenté par les chants d’un groupe d’enfants de la mosquée (l’aumônier était là), et des jeunes sur la paix. Après un temps de prière, tous sont repartis avec, dans la poche, le texte de la Minute pour la paix et, dans le cœur, beaucoup de sérénité et de joie.
L’impression des participants ? «Superbe soirée! disait Michel, exemplaire par son ambiance, sa fraternité, ses partages. Je souhaite que la tolérance s’épanouisse dans nos cœurs.»
«Point de doute, j’ai confiance en Dieu. Et la justice est quelque part. Si elle n’est pas sur terre, nous la retrouverons auprès de lui» (Mohamed).
«Paix, fraternité, tolérance, sachons vivre la différence» (Mourad).
«Le jour où les fils d’Abraham comprendront que ce qui les unit est plus grand que ce qui les divise, nous aurons fait un grand pas en avant. Cette soirée y a contribué» (Thierry).
Autant de gouttes d’eau infimes et pourtant irremplaçables.
Quant à nous ? Sans être peut-être en première ligne, nous sommes néanmoins appelés à persévérer, à ne pas baisser les bras. Ce qui veut dire… continuer, inlassablement, à mettre bout à bout ces brins de solidarité, avec confiance et détermination. Continuer à croire, comme pour tous les autres pays touchés par des conflits internes ou par la guerre, qu’un jour la paix viendra.
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(1) Extrait de Irak, la faute, Cerf.
(2) Idem.
(3) Irak, l’apocalypse, par Jean-Marie Benjamin, Editions Favre.

Updated on 06 Octobre 2016