Une nouvelle page pour Guarambarè
Maria, qui a moins de 8 ans, aide son frère de un an, Manuelito, à manger ses nouilles. Le frère Marek Wilk, le curé polonais appelé Marcos, aime le spectacle des tables dressées devant la cantine « Marcelin, Pain et Vin ». C’est ici, dans cette petite cantine de Guarambarè, à 34 km d’Asunción, la capitale du Paraguay, qu’un nouveau projet social très attendu sera lancé le 13 juin, jour de la fête de saint Antoine.
Le Paraguay est un petit pays où l’âge moyen est inférieur à 32 ans. Ancienne colonie espagnole, le pays plonge ses racines dans la culture guarani. Situé au centre de l’Amérique du Sud et traversé par les plus grands fleuves navigables du sous-continent, il attire de nombreux trafics illicites, notamment celui de stupéfiants. Les terres disponibles sont cultivées en latifundia et il ne reste que peu de choses pour les agriculteurs locaux, ce qui accroît l’insécurité alimentaire de la population. En outre, les services – de l’éducation à la santé – sont réduits au minimum.
La mission des Conventuels
Les Frères Mineurs Conventuels sont arrivés à Guarambarè en 2001. Comme dans toutes les zones rurales, la pauvreté est grande et cela engendre des addictions et des violences familiales. La situation des plus jeunes est particulièrement grave : beaucoup ont un faible niveau d’éducation et peu de possibilités d’emploi, ce qui les pousse à choisir la voie de l’illégalité. Il y a aussi le fléau des mères célibataires, qui doivent subvenir aux besoins de leurs enfants sans aucun moyen. Pourtant, la dignité de ces personnes frappe le frère Marcos : « Les habitants de Guarambarè sont des gens simples, humbles, enracinés dans leurs traditions et leur culture, des travailleurs acharnés qui gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front. Le fait d’être un franciscain a été fondamental pour entrer en relations avec eux, explique le frère Marcos. Guarambarè est l’une des 52 reducciones franciscaines, des villages fondés par les premiers missionnaires aux XVIe siècle. »
Le frère Marcos, qui travaille aujourd’hui avec le frère Marcos Dubanik, également polonais, et le frère Carlos Jara, paraguayen, fut l’un des premiers à arriver. Le travail était considérable, mais les Conventuels ne partaient pas de zéro : avant eux, d’autres franciscains, les Mineurs, qui étaient restés ici jusqu’en 1989, avaient fait démarrer quelques œuvres sociales. La nouvelle direction de la paroisse a œuvré dès le début pour changer l’avenir des enfants et des jeunes, améliorant et développant l’infrastructure scolaire et réussissant même à amener une branche de l’Université Catholique d’Asunción à Guarambarè, il y a environ 15 ans. « Le système éducatif au Paraguay est parmi les pires au monde, explique le frère Marcos, à la fois en termes de structures et d’organisation. Le taux d’échec scolaire est très élevé et le niveau de préparation est médiocre. Aujourd’hui, la paroisse dispose d’une école et d’un internat où étudient 1 200 enfants et jeunes, tandis que 700 autres peuvent aller à l’université. Il convient de mentionner que la Caritas Saint-Antoine nous a également soutenus dans cette entreprise en nous aidant à construire trois salles de classe en 2013 ».
La naissance de la cantine
Les activités caritatives se développent à plusieurs niveaux, avec la mise en place d’une Caritas paroissiale en 2006, notamment pour l’aide de base : nourriture, vêtements, médicaments. Mais c’est la construction d’une petite cantine en 2016 qui a donné un tournant inattendu à la vie de la paroisse. Le 28 décembre de cette année-là, les frères ont ouvert le Comedor Comunitario Marcelino Pan y Vino aux 60 enfants les plus pauvres de la communauté. « Notre intention n’était pas seulement de les nourrir, mais aussi de les soustraire aux nombreux dangers des bidonvilles ». Très vite, la cantine est également ouverte l’après-midi, pour des activités diverses, non seulement périscolaires et catéchétiques, mais aussi sanitaires, et pour des fêtes. « Heureusement, nous avons toujours eu beaucoup de bénévoles, ce qui nous a permis d’organiser des services à différents niveaux. Ces dernières années, la présence de nos jeunes à l’université nous a également permis d’ouvrir des services spécialisés, tels que des services juridiques ou psychologiques ». Tout cela s’articule autour de la petite cantine en collaboration avec la Caritas diocésaine.
« Jour après jour, le nombre de demandes d’aide augmente, explique le frère Marcos, et il est maintenant évident que nous devons faire un pas de plus. Nous rêvons d’une structure plus grande qui puisse accueillir tous les enfants qui en ont besoin. Une structure équipée de bureaux et de cabinets médicaux pour organiser les nombreux services que nous offrons aujourd’hui de manière informelle et précaire. En hommage à ce premier noyau de travail communautaire qu’était le Comedor, nous en conserverons le nom et l’appellerons Centre social « Marcelin, Pain et Vin ». C’est le rêve que nous aimerions réaliser avec vous à l’occasion de la fête de saint Antoine ».
Le frère Marcos garde de touchants souvenirs de ses paroissiens. « Ninfa était une adolescente pleine de foi et de vie. Puis elle est tombée gravement malade ; quelques jours avant sa mort, je suis allé lui rendre visite et elle m’a salué avec les mots du psaume : “Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie”. Des mots qui m’ont marqué ». Mais l’espoir se trouve là où on ne l’attend pas : « Un jour que j’étais à Asunción, un jeune homme s’est approché de moi et m’a demandé si je le reconnaissais. Il avait été étudiant au collège paroissial. Je lui ai demandé ce qu’il faisait là. Il m’a répondu qu’il était venu tôt le matin avec son père pour vendre des fruits dans la rue, qu’à midi il serait rentré à la maison pour se préparer à aller à l’internat et étudier le soir. Chaque jour, j’apprends d’eux à prendre de la distance par rapport aux problèmes futiles et à profiter au maximum de la vie, qui est un cadeau précieux. Tout ce que nous faisons pour les autres, avec un cœur désintéressé, même si c’est une goutte d’eau dans l’océan, a sa raison d’être, parce que cela nous dépasse, nous ramène à Celui qui donne un sens à toutes choses ».