Une école pour faire la paix
La cohabitation entre ethnies différentes n’est jamais facile, nulle part. C‘est ce que montre ce projet réalisé par les Sœurs Missionnaires Franciscaines du Sacré-Cœur au Congo-Brazzaville. Sœur Rita Panzarin, la responsable du projet, nous raconte ce qui s’est passé. L’incipit ressemble à celui d’une fable africaine. À Sembé, un petit village au cœur de la forêt, deux ethnies s’affrontent. L’une est formée de Pygmées, qui vivent dans la forêt depuis plus de 30 000 ans ; l’autre – les Bantous – sont arrivés il y a « seulement » 2 000 ans et se sont installés le long des routes. Au début, les deux ethnies avaient trouvé un système pour cohabiter : les Bantous, qui ont peur de la forêt, recevaient des Pygmées des matériaux et du gibier, et leur donnaient en retour le métal pour construire des armes. Mais un jour, cet équilibre se brisa : les Pygmées sortirent de la forêt et les Bantous les réduisirent en esclavage en s’appropriant la région.
Malgré les siècles qui se sont écoulés, la situation en est encore là quand Sœur Rita et ses consœurs ouvrent leur mission dans la région. La seule nouveauté est la rencontre des deux ethnies avec un missionnaire français qui a « obligé » deux de leurs enfants à aller à l’école dans une ville à une centaine de kilomètres. Il les accompagnait et allait les chercher à la fin de la semaine. Le résultat ? Finalement, deux personnes dans le village savaient lire, écrire et compter. Évidemment, les bienfaits de cette connaissance ont vite été compris, et les deux peuples sont allés chez Sœur Rita pour lui demander une école. Mais chacun voulait la sienne. « Vous voulez une école ? – leur demande Sœur Rita qui a son idée derrière la tête. Eh bien, faites-la ensemble, dans le respect réciproque, autrement rien à faire ! »
Au départ, la religieuse ne bouge pas le petit doigt pour la construire : elle attend qu’ils prennent l’initiative. « Nous ne devons pas les devancer, mais les accompagner », explique-t-elle.
La première école était en boue et n’avait pas de programme. « Nous avons adopté celui des Salésiens où les enfants sont les protagonistes. » Le problème le plus dur à surmonter a été celui de la langue : « Le français était nécessaire car il s’agit de la langue officielle. Et comme deuxième langue, nous avons décidé d’apprendre les deux idiomes locaux. Ce qui, avec le temps, a favorisé une meilleure compréhension mutuelle. »
Trouver des enseignants a aussi été compliqué. Il n’y avait que les deux jeunes obligés d’aller à l’école par le missionnaire français. « J’ai de nouveau insisté pour que Pygmées et Bantous trouvent un accord. » Dans ce cas encore, chacun avait ses candidats dont certains étaient franchement improbables… mais grâce aux conseils discrets des sœurs, ils les ont individualisés : « Rien à voir avec les standard européens – nous prévient Sœur Rita – mais, à leur manière, ils sont efficaces. Par exemple, il y en a un qui utilise une langue toute à lui, il pourrait créer un nouveau dictionnaire, mais c’est un génie de la pédagogie. Je ne pourrais pas me passer de lui. »
Petit à petit, l’école améliore son niveau. On construit un premier édifice, insuffisant pour les demandes croissantes des tribus. C’est à ce moment qu’intervient la Caritas Saint-Antoine par le biais de l’association Via Pacis, référente pour la région. De septembre 2016 à janvier 2017, grâce à une contribution de 15 000 euros, les sœurs font bâtir 3 classes de 60m2 chacune. « Grâce à vous, 200 nouveaux élèves pourront fréquenter l’école. »
Satisfactions ? « Beaucoup. Un de nos élèves pygmées a été embauché par une organisation américaine sans but lucratif qui s’occupe de protection de l’environnement. Un bel exemple qui montre que l’on peut progresser tout en restant soi-même. »
Le projet en bref
Quoi : une école
Où : au Congo-Brazzaville
Pour qui : Pygmées et Bantous
Quand : de septembre 2016 à janvier 2017
Combien : contribution de 15 000 euros