Un pèlerinage franciscain à Rome
Depuis la gare ferroviaire de Termini, nous apercevons notre première halte, Sainte-Marie-Majeure. La plus ancienne des 244 églises romaines dédiées à Marie a été construite au Ve siècle par le pape Sixte III, puis profondément transformée à la fin du XIIIe siècle par le premier pape franciscain de l’histoire, Nicolas IV (1288-1292). Les membres des fraternités séculières connaissent le nom de ce pape car c’est lui qui donna sa règle au Tiers-Ordre. En entrant dans la basilique, nous pouvons lire son épitaphe, au bas de la nef, puis nous diriger vers le chœur. En effet, après la destruction de l’abside paléochrétienne, le pape franciscain a fait construire un transept, puis un nouveau chœur. Sur le cul-de-four, Jacques Torriti (franciscain lui-même) a conçu une grande mosaïque représentant le couronnement de la Vierge entourée d’anges et de saints, parmi lesquels, bien visibles, François et Antoine.
Un autre pape franciscain, Sixte-Quint (1585-1590), est enterré dans la chapelle « Sixtine » (à ne pas confondre avec celle du Vatican) qu’il a fait construire sur le flanc sud de la basilique. Rome doit beaucoup à Sixte-Quint : véritable urbaniste, il a transformé la cité médiévale en une grande ville, la capitale de l’Église universelle.
Quittant la basilique mariale, nous nous dirigeons vers Saint-Jean-de-Latran, en empruntant la via Merulana. À mi-chemin, l’Antonianum, la grande université franciscaine. Tout près,
via Giusti, repose la bienheureuse Marie de la Passion, fondatrice des Franciscaines Missionnaires de Marie.
Saint-Jean-de-Latran – la cathédrale de Rome – conserve la mémoire de la rencontre entre le Poverello et le pape Innocent III (1209). C’est ce qu’entend rappeler le groupe sculpté de la piazza San Giovanni, inauguré en 1927. Les Frères Mineurs sont toujours présents dans la basilique où ils assurent le ministère de la confession.
Direction maintenant le Colisée, où saint Léonard de Port-Maurice a érigé un premier chemin de croix. Puis, sur la via sacra, s’ouvre une petite rue qui grimpe en serpentant sur le Palatin, et conduit au couvent Saint-Bonaventure. Ce foyer de réforme franciscaine, où est mort Léonard de Port-Maurice, a été fréquenté par un jeune prêtre tertiaire, Jean-Marie Mastai-Ferretti, lequel y a médité la doctrine de l’Immaculée Conception ardemment défendue par les Frères Mineurs. Devenu pape sous le nom de Pie IX, il n’oubliera pas ses heures passées au couvent du mont Palatin et proclamera le dogme en 1854.
Retour au Colisée, puis sur la via dei Fori Imperiali, marquons une pause dans l’église Saints-Côme-et-Damien. Ce magnifique exemple de réutilisation de monument antique par le culte chrétien, avec une mosaïque absidiale datant du VIe siècle, abrite aujourd’hui la curie des tertiaires franciscains réguliers.
En arrivant Piazza Venezia, on n’oubliera pas que le monument dédié à Victor-Emmanuel II (la « machine à écrire ») cache
Sainte-Marie de l’Aracœli, une grande église donnée aux Frères Mineurs au XIIIe siècle. C’est ici que, pendant des siècles, se sont tenus les chapitres généraux de l’ordre.
Dirigeons-nous maintenant vers le Tibre et traversons-le en passant par l’Isola Tiberina. La basilique Saint-Barthélémy, qui détient les reliques de l’apôtre, a été longtemps desservie par les Frères Mineurs qui y formaient leurs missionnaires destinés à la Terre Sainte. Aujourd’hui, l’église, confiée à la communauté Sant’Egidio, garde la mémoire des martyrs de notre temps. On y vénère la mitre de Mgr Luigi Padovese, évêque capucin assassiné en Turquie en 2010.
Dans le quartier populaire du Trastevere, l’église San Francesco a Ripa respire encore la présence de François. En passant par la sacristie, nous visitons sa cellule, vestige pieusement conservé de l’hospice Saint-Biagio, où le Poverello séjournait lorsqu’il était de passage à Rome. Dans cette église, reposent également saint Charles de Sezze (1613-1670), admirable figure de frère laïc, ainsi que la bienheureuse Ludovica Albertoni, une veuve tertiaire qui, durant le Sac de Rome (1526), vendit tous ses biens pour secourir les habitants du Trastevere.
En empruntant la via San Francesco a Ripa, puis en suivant le Tibre, on arrive (fatigué !) au Vatican. Dans la basilique Saint-Pierre, parmi les statues géantes adossées aux piliers, notons saint Pierre d’Alcantara (l’ascète franciscain ami de sainte Thérèse), et, dans l’abside, saint François d’Assise. Dans les cryptes, nous prions devant la tombe du plus célèbre des papes tertiaires, le bienheureux Jean XXIII, et nous n’oublions pas son encyclique Pacem in terris, adressée à tous les hommes de bonne volonté et promulguée il y a cinquante ans, le
11 avril 1963.
Après avoir repassé le Tibre, nous voici de retour dans le centre historique de Rome. Traversons la piazza Navona, en oubliant un instant les touristes et les glaciers, mais en imaginant Léonard de Port-Maurice prêchant devant des milliers de fidèles, puis dirigeons-nous vers le séminaire français, via santa Chiara. Les actuels séminaristes prennent leur repas dans un monument d’origine romaine, longtemps réfectoire d’un monastère de clarisses.
Arrivés à la via del Corso (qui relie la piazza del Popolo à la piazza Venezia), nous gagnons la piazza dei Santi Apostoli. Depuis 1463, la basilique des Douze Apôtres est desservie par les Frères Mineurs Conventuels. À l’intérieur, le tombeau du dernier (?) des papes franciscains, Clément XIV (1769-1774).
En remontant le Corso vers la piazza del Popolo, nous prenons à droite la via del Tritone. Sur la gauche, la piazza San Silvestro, et son église San Silvestro in capite. Fondée au VIIIe siècle pour des moines grecs, l’église a abrité une communauté de clarisses de 1285 à 1875.
En reprenant la via del Tritone, on aboutit à la piazza Barberini, puis à la via Vittorio Veneto. C’est ici que se dresse la grande église capucine de Rome, l’Immaculée Conception. Sa nef est actuellement en restauration, mais on peut accéder au chœur des religieux, et aux cellules-reliques de deux saints frères laïcs capucins, Félix de Cantalice et Crispin de Viterbe. À côté de l’église, un petit musée, récemment rénové, conserve notamment un Saint François du Caravage.
Non loin de la piazza Barberini, depuis la via degli Artisti, nous découvrons le couvent Saint-Isidore. C’est ici qu’a vécu le savant franciscain irlandais Luc Wadding († 1657) et que continuent à travailler les historiens de l’ordre.
Retour Piazza Barberini, où le métro nous conduit à Termini, notre terminus ! À l’ombre de la statue du bienheureux pape Jean-Paul II, nous dégustons une glace. Nous l’avons bien méritée.