Transmettre la foi, un défi
L’Année de la foi voulue par Benoît XVI approche à grands pas. Elle débutera officiellement le 11 octobre par une messe solennelle célébrée par le pape au Vatican, quelques jours après le lancement du Synode sur la nouvelle évangélisation. Mais la transmission de la foi est une affaire personnelle et passe aussi et surtout par le témoignage authentique de chaque membre de l’Église.
Que l’on soit simple fidèle dans une paroisse de campagne ou cardinal habitué aux ors de la basilique Saint-Pierre de Rome, le mot d’ordre reçu du Vatican est le même pour tous : pendant les 13 mois de l’Année de la foi, d’octobre 2012 à novembre 2013, les fidèles du monde entier sont appelés à être « des témoins crédibles et joyeux du Seigneur ressuscité dans le monde d’aujourd’hui, capables d’indiquer la “porte de la foi” aux nombreuses personnes en recherche ».
Cette Année de la foi, le pape y tient énormément. Au point de se rendre quelques jours plus tôt à Lorette afin de confier cette année spéciale, et le Synode sur la nouvelle évangélisation qu’il présidera au Vatican, à l’intercession de la Vierge Marie. Aux yeux du pape, une année tout entière n’est en effet pas de trop pour célébrer l’anniversaire de deux événements fondamentaux dans l’histoire récente de l’Église, auxquels il a lui-même participé.
Tout d’abord, le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II par Jean XXIII, le 11 octobre 1962. Ce dernier voulait alors « transmettre la doctrine dans sa pureté et dans son intégrité, sans atténuations ni altérations », en s’efforçant de la présenter « de la façon qui répond aux exigences de notre époque ». On sait à quel point Benoît XVI, dont les qualités de théologien lui ont valu de participer en tant qu’expert aux travaux conciliaires alors qu’il n’avait que 38 ans, est attaché à ce concile, dont il ne cesse de vanter les fruits que l’on peut en retirer, à condition d’une « juste herméneutique ».
L’Année de la foi entend aussi célébrer les 20 ans de la publication du Catéchisme de l’Église catholique, l’un des fruits de Vatican II dont il entendait précisément favoriser la réception. Concile et catéchisme sont en effet étroitement liés. C’est lors du Synode des évêques de 1985, qui marquait le vingtième anniversaire de la clôture de Vatican II, qu’est née l’idée de préparer ce catéchisme afin d’offrir aux fidèles un condensé de toute la doctrine catholique.
Mais le concept de « nouvelle évangélisation » ne date pas d’hier
et constituait déjà une préoccupation majeure pour deux prédécesseurs de Benoît XVI. Dans le sillage du concile, Paul VI notait que l’évangélisation devait être relancée de toute urgence et avec vigueur face à la déchristianisation alors galopante. « Les conditions de la société nous obligent à réviser les méthodes, à chercher par tous les moyens, à étudier comment faire arriver à l’homme moderne le message chrétien », écrivait Paul VI en 1975 dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi.
C’est 4 ans plus tard, alors qu’il effectuait son premier voyage en Pologne, que Jean-Paul II a employé de manière explicite l’expression « nouvelle évangélisation ». Ce 9 juin 1979, à Nowa Huta, la banlieue ouvrière de Cracovie, il affirmait : « au seuil du nouveau millénaire, une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une deuxième annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même ».
Un défi de plus en plus difficile
Trois décennies plus tard, le défi de la lutte contre la déchristianisation semble encore plus difficile à relever : on ne compte plus en effet ceux qui – surtout en Occident – vivent « comme si Dieu n’existait pas ». Pour enrayer ce phénomène inquiétant, le Vatican, par le biais de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a fourni un certain nombre d’indications pastorales à suivre au niveau mondial, national, diocésain et local au cours de l’Année de la foi.
Au niveau de l’Église universelle, trois événements majeurs marqueront l’Année de la foi : le Synode d’octobre 2012 sur la nouvelle évangélisation, les Journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro en août 2013 et la messe de clôture que Benoît XVI célèbrera au Vatican le 24 novembre 2013, fête du Christ-Roi.
Les conférences épiscopales doivent pour leur part tout mettre en œuvre pour diffuser les documents de Vatican II, du catéchisme et de son compendium. Toutes les formes de communication sont bonnes : émissions télévisées ou radiophoniques, films et publications, mais aussi le patrimoine artistique visible dans des lieux confiés à la charge pastorale des diocèses.
Chaque évêque est invité quant à lui à célébrer l’ouverture et la conclusion de l’Année de la foi, à consacrer une journée à l’étude du catéchisme et à rédiger une lettre pastorale sur le thème de la foi. Au niveau local, enfin, paroisses, communautés, associations et mouvements sont aussi invités à participer à la diffusion du catéchisme. Le Vatican compte en particulier sur les communautés nouvelles et les mouvements ecclésiaux.
On le voit, l’Église s’est dotée d’un solide arsenal pour affronter les légions d’obstacles qui barrent la route à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Si certains viennent de l’extérieur – c’est le cas de la sécularisation, de l’hédonisme, de la fermeture à la transcendance ou encore des persécutions – l’ennemi le plus coriace est tapi dans le cœur même des chrétiens, sous le visage trompeur de « l’apostasie silencieuse ». Voilà le combat le pus dur à mener et il est temps que chaque communauté chrétienne, chaque fidèle, perçoive pleinement la portée de ce défi.
Il y a des régions dans le monde qui attendent encore une première évangélisation ; d’autres qui l’ont reçue, mais ont besoin d’un travail plus approfondi ; d’autres encore dans lesquelles l’Évangile a depuis longtemps mis des racines, donnant lieu à une vraie tradition chrétienne, mais où, dans les derniers siècles – avec des dynamiques complexes – le processus de sécularisation a produit une crise grave du sens de la foi chrétienne et de l’appartenance à l’Église. C’est pourquoi j’ai décidé de créer un nouvel organisme, sous la forme de « Conseil pontifical », avec la tâche principale de promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où la première annonce de la foi a déjà résonné et où sont présentes des Églises d’ancienne fondation, mais qui sont en train de vivre une sécularisation progressive de la société et une sorte « d’éclipse du sens de Dieu ».
Benoît XVI, Rome, 28 juin 2010