Tourisme : donner une âme au temps libre
Si le voyage avait autrefois des motifs scientifiques, artistiques, missionnaires ou d’exploration comme l’ont vécu Christophe Colomb ou saint François-Xavier, aujourd’hui, le tourisme, davantage associé au temps libre, est devenu un domaine fondamental de l’activité humaine. Il est une force de l’économie mondiale, qui peut être au service de la paix. L’Église porte une attention croissante, reconnaît clairement le potentiel du secteur touristique et s’intéresse particulièrement à ce phénomène complexe de notre monde toujours plus interdépendant. Le tourisme apparaît comme l’un des secteurs générant le plus de travail : 1 emploi sur 12 est créé grâce à lui, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme. Il permet de réduire la pauvreté, d’accroître la prospérité, mais est également un puissant instrument pour jeter des ponts entre les peuples, créer un dialogue entre les civilisations. Cet échange culturel, source de paix et de solidarité, constitue l’un des biens les plus précieux dérivant du tourisme.
La curiosité et une éthique
Le tourisme est associé à des valeurs morales : l’esprit se développe, on quitte ses habitudes, les préjugés diminuent, le sens social s’aiguise, les peuples découvrent une estime réciproque et l’âme s’élève ! On peut ainsi passer de l’ignorance et de l’indifférence à la compréhension et à la sympathie. Il permet donc de connaître les autres hommes, leur pays, leurs coutumes. Le voyage nous met également en contact avec les œuvres d’art à travers lesquelles ces populations se sont exprimées. Ainsi, l’une des grandes vertus du touriste est la curiosité ; lorsqu’elle est saine et prudente, elle tempère la peur de l’inconnu et de l’étranger. Cependant, la rencontre entre le touriste et la population locale ne va pas de soi : il doit porter un regard bienveillant sur elle et la respecter. Les touristes doivent être conscients que leur présence peut endommager le territoire et le patrimoine historico-culturel et n’est donc pas toujours positive. Le tourisme peut aussi entraîner de profonds changements urbains et environnementaux, et peut compromettre la dignité humaine. L’humilité est donc nécessaire pour aider le touriste à éviter l’esprit de suffisance souvent accompagné de sa cohorte de préjugés. Cette rencontre avec une communauté dans un environnement physique et culturel différent s’accompagne souvent de l’admiration de paysages.
De la beauté à la louange
« La beauté et la couleur des images stimulent ma prière. Elles sont une fête pour les yeux, autant que le spectacle de la nature aiguillonne mon cœur à rendre gloire à Dieu », écrivait saint Jean Damascène (VIIIe siècle). Admirer ainsi la beauté de la nature et des cultures conduit à Dieu et favorise une expérience de foi. La beauté donne donc la joie au cœur ! La pastorale du tourisme doit éduquer à la contemplation afin d’aider à découvrir l’empreinte de Dieu dans la richesse de la Terre. Les sites religieux dans le monde sont très fréquentés, y compris par des non-croyants, parce qu’ils sont d’une grande beauté. Ainsi, il est important que la pastorale du tourisme soit adaptée, en offrant, par exemple, des célébrations liturgiques dans ces églises en différentes langues. Les édifices religieux, qui accueillent tant de personnes de passage, pourraient par exemple proposer des dépliants donnant le sens des grandes fêtes liturgiques, aidant à visiter ce monument ou encore établissant un lexique des mots d’une église ou d’une abbaye. Ceux-ci complèteraient les guides dont sont en général munis les touristes. Et n’oublions pas que le voyage démarre dès l’aéroport (et même bien avant !) : pouvoir y trouver des lieux de rencontre ainsi que des espaces de prière est donc particulièrement important. À travers l’art religieux, les chrétiens sont appelés à satisfaire non seulement la curiosité légitime des touristes, mais aussi les aspirations les plus secrètes du cœur humain. Pour les voyageurs, l’Église doit être une lumière d’espoir, car ils ne sont pas seulement en recherche de divertissement mais aussi d’une rencontre avec Dieu. Lié aux vacances et au temps libre, le tourisme est un temps privilégié pour se reposer, être en contact avec la nature, écouter et contempler. À cela s’ajoute une quête de détachement par rapport au quotidien.
Détente, nouveauté, repos
L’espérance cachée derrière ces mots semble bien être la paix, la joie, Dieu. Pour Benoît XVI, le tourisme est « un temps propice pour une détente physique et également pour nourrir l’esprit à travers des espaces plus amples de prière et de méditation, pour croître dans le rapport personnel avec le Christ ». Se reposer et s’éveiller à l’autre et à la nouveauté permettent une certaine croissance humaine et spirituelle. Le Code mondial d’éthique du tourisme précise que le tourisme, « le plus souvent associé au repos, à la détente, au sport, à l’accès à la culture et à la nature, doit être conçu et pratiqué comme un moyen privilégié de l’épanouissement individuel et collectif ». Pie XII l’avait bien perçu : il fut le premier pape à affronter la pastorale du tourisme afin de répondre au souci d’instaurer un dialogue entre la foi chrétienne et la société contemporaine. Ainsi, accueillir le touriste ou l’étranger consiste à lui dire « viens et vois ». C’est une voie d’évangélisation.
« Je désire souligner trois domaines sur lesquels la pastorale du tourisme doit focaliser son attention. En premier lieu, il s’agit d’éclairer ce phénomène par la doctrine sociale de l’Église, en promouvant une culture de tourisme éthique et responsable, (…) respectueux de la dignité des personnes et des peuples, accessible à tous (…)
En deuxième lieu, l’action pastorale ne doit jamais oublier la « voie de la beauté ». Un grand nombre de manifestations du patrimoine historico-culturel religieux « sont de véritables chemins vers Dieu ». (…)
Il est toujours important de soigner l’accueil et d’organiser les visites touristiques dans le respect du lieu sacré comme de la fonction liturgique pour laquelle sont nées beaucoup de ses œuvres. (…)
En troisième lieu, la pastorale du tourisme doit accompagner les chrétiens dans la jouissance de leurs vacances et de leur temps libre, de telle sorte que ceux-ci soient au profit d’une croissance humaine et spirituelle ».
Congrès mondial de la Pastorale du Tourisme, Benoît XVI, Mexique 2012