Tim Berners-Lee, l’inventeur inquiet du web
Le 13 mars 1989, Timothy John Berners-Lee, informaticien au CERN (Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire), propose à son supérieur un projet de système de gestion et de partage de documents informatiques que son chef annotera comme « vague mais excitant », tout en lui donnant son feu vert pour mener à bien ce projet.
C’est en mai 1990 que Berners-Lee adopte l’expression World Wide Web (toile d’envergure mondiale) pour nommer son projet qu’il avait failli appeler The Information Mine (la mine d’informations) en rappel des initiales de son prénom, Tim. Il est rejoint par l’ingénieur système belge, Robert Cailliau et ensemble ils vont développer les trois principales technologies du Web :
✓ Les adresses web (URL), comme par exemple www.messagersaintantoine.com
✓ L’Hypertext Transfer Protocol (HTTP), un protocole qui permet le transfert de fichiers d’un ordinateur à un serveur informatique puis à un autre ordinateur.
✓ L’Hypertext Markup Language (HTML), un langage de balisage qui permet d’écrire et de mettre en forme les pages web et d’y inclure du texte, des images ou des programmes informatiques.
Tous ces sigles peuvent donner le tournis, comme quand Berners-Lee déclare : « Je n’ai fait que prendre le principe d’hypertexte et le relier au principe du TCP et du DNS, et alors – boum ! – ce fut le World Wide Web. »
Le DNS (Domain Name System) est l’annuaire de tous les noms de domaine des sites que l’on peut visiter, et le TCP est le protocole de transfert des données par internet.
Ne pas confondre Web et Internet
Nous avons tendance à confondre le Web et Internet. Le Web c’est l’ensemble des documents interconnectés par des liens hypertextes (souvent sous forme de mots en bleu et soulignés), visibles dans un navigateur Web (tel Google Chrome ou Firefox).
Alors qu’Internet est un réseau d’ordinateurs et de serveurs reliés par téléphone, câble ou fibre optique sur lequel se déplacent les pages Web mais aussi les mails, les messageries instantanées, ou le partage de fichiers. Internet existait avant le Web, la première communication entre deux ordinateurs ayant eu lieu le 2 septembre 1969 entre les universités de Stanford et de Los Angeles.
Le premier site mis en ligne le 6 août 1991 était info.cern.ch, le site du CERN qui se trouve à cheval sur la frontière franco-suisse, près de Genève.
Mais on peut dire que sa plus grande idée a été de rendre son invention libre et gratuite, à la disposition du public, ouvrant la voie à l’Internet que nous utilisons quotidiennement. On estime aujourd’hui que la moitié de l’humanité est connectée à internet et que le nombre de pages web tournait autour de 130 000 milliards fin 2016.
En 2014, un comité de 25 savants a désigné l’invention du Web comme le plus important parmi 80 évènements culturels qui ont façonné le monde. S’il y avait un prix Nobel d’informatique, Berners-Lee en serait le premier récipiendaire.
Rendre le Web à nouveau démocratique
Tim Berners-Lee est né le 8 juin 1955 à Londres, de deux parents déjà impliqués dans l’informatique. Étudiant à Oxford, il bricole son premier ordinateur avec une vieille télévision, un microprocesseur Motorola 4800 et un fer à souder. Aujourd’hui, il ne ressemble pas à un geek de la Silicon Valley, mais plutôt à un gentleman londonien, récemment anobli par la Reine. Et surtout, c’est un homme inquiet et assez en colère. Inquiet devant ce qu’est devenue son invention. En effet, depuis 1994 il présidait le World Wide Web Consortium (W3C) au MIT de Boston qui travaille sur des standards et une normalisation globale pour rendre le Web neutre, indépendant et universel, selon la devise : « Un seul web, partout et pour tous ».
Le 12 mars 2017, à l’occasion du 28e anniversaire du Web, Tim Berners-Lee a publié une lettre ouverte où il exposait avec colère les trois problèmes qui détournent le Web de son potentiel initial d’outil au service de l’Humanité : les fausses nouvelles, la publicité politique et l’usage abusif des données personnelles. Que ce soient la possible manipulation de la dernière élection présidentielle américaine ou le scandale Cambridge Analytica (ce cabinet d’analyse qui a mis la main sur les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs Facebook sans leur consentement), force est d’admettre qu’il a vu juste.
C’est pour cela que fin 2018, il a annoncé qu’il prenait la direction d’une startup, Inrupt, pour développer un logiciel accessible à tous : Solid, organisé autour d’un POD (Personal Online Data store) permettant à chacun de choisir où stocker ses données et désigner qui peut y avoir accès. Il s’agit de retirer leur écrasante domination aux géants du Web, tels Google, Apple, Facebook, Amazon (les fameux GAFA) pour que celui-ci redevienne un outil démocratique au service de tous, permettant d’éradiquer injustices, maladies et corruption, plutôt qu’un cauchemar semblable au Big brother de George Orwell, où l’on serait surveillé en permanence, comme cela semble déjà bien engagé. Nous serions donc bien inspirés de soutenir les combats visionnaires de cet homme précieux.