Spiritualité sans Dieu ?

14 Décembre 2006 | par

Pendant des siècles, en Occident, le mot “spiritualité” a rimé avec “chrétienté”. Aujourd’hui, le rayon “Spiritualité” des libraires offre le Coran, la Bible ou les Confessions de saint Augustin au milieu de centaines de titres autour du bouddhisme et de l’ésotérisme.


C’est un fait : la spiritualité n’apparaît plus liée au christianisme ni même aux religions, et le philosophe André Comte-Sponville1 affirme qu’il peut y avoir une spiritualité sans Dieu.

Mais qu’est-ce que la spiritualité ? C’est, nous disent les dictionnaires, ce qui n’a pas trait à la matière mais concerne l’esprit… Il est bien évident que l’être humain a d’autres besoins que celui de se nourrir et que tout être humain est indivisiblement, corps, intelligence, cœur, esprit. Il est d’expérience courante que les émotions ou les deuils peuvent engendrer des maux dans le corps, et l’on a depuis peu découvert que l’activité spirituelle correspondait à des zones du cerveau.

Pourquoi la spiritualité est-elle revenue à la mode ? Tout simplement parce que notre société avait “oublié” que l’homme avait cette part de spirituel en lui, et que le manque en éveille à nouveau la soif, parfois dans un cri qui s’exprime dans la violence ou le suicide ! Mais l’homme du 21e siècle en quête de sens a perdu ses racines et ses repères religieux et ne sait pas toujours que le sens ultime est donné par la part spirituelle de l’individu.

Et voici que sont arrivées les sagesses orientales et cette vague d’ésotérisme et de mystère portée par le “Nouvel âge” qui nous est venu des Etats-Unis et a imprimé en quelques décennies une quête spirituelle tendue vers la réalisation de soi, vers un bien-être holistique (total). Il s’agit souvent d’une spiritualité très individualiste et subjective.

La spiritualité sans Dieu que présente André Comte-Sponville n’a rien à voir avec la spiritualité du “Nouvel âge” : « Il s’agit, non de guérir l’ego, mais d’en guérir ; non, de sauver le moi, mais de s’en affranchir. »

Loin d’ignorer le christianisme de son enfance, le philosophe se reconnaît « dans ces valeurs judéo-chrétiennes qui sont les nôtres », et dont nous avons besoin pour vivre. Il serait même un disciple de Jésus, mais un disciple athée ! « Je me suis forgé une sorte de Christ intérieur doux et humble de cœur, mais purement humain, qui m’accompagne ou me guide. » Son histoire s’arrête au Calvaire !

La vie spirituelle, nul ne peut s’en passer, « c’est la plus haute partie de l’homme », affirme André Comte-Sponville qui raconte et analyse l’expérience qu’il a faite de ce sentiment “océanique” qui élargit l’être vers l’infini et le fait pénétrer dans une éternité qui est ici et maintenant. « Quel calme soudain quand l’ego se retire ! »

Le pasteur Alain Houziaux, dans un livre paru en même temps2, reconnaît, lui aussi, que tout homme, croyant ou non, peut avoir une vie spirituelle. Il pose, lui aussi, un regard critique sur le type de spiritualité qui irrigue tant de livres et magazines : « cette quête d’une forme d’enchantement intérieur, de l’intensité de la vie, qui n’est qu’une expérience de soi-même » et où le divin « est avant tout un objet de désir et de manque ».

Il prend soin de bien distinguer la spiritualité de la foi : « La spiritualité est une préoccupation de la vie intérieure et intime, alors que la foi, en faisant référence à un Dieu transcendant, est extravertie, tendue vers une force transcendantale… »

Nombre d’auteurs spirituels chrétiens sont actuellement très conscients de cette recherche de l’épanouissement de soi dans les spiritualités à la mode. Aussi s’efforcent-ils de montrer que Jésus offre un Chemin vers une Vie vraiment épanouissante. Un chemin qui est loin des culpabilités et des efforts de pure volonté, comme l’écrit un prêtre du diocèse de Paris dans un petit livre magnifique3 : « L’essentiel de notre vie spirituelle consiste donc à laisser l’amour de Dieu habiter notre vie, à laisser l’Esprit Saint irriguer nos pensées et nos actes. » Et Jésus est venu nous indiquer un chemin concret : celui de l’amour du prochain.

Il est temps pour les Eglises chrétiennes qu’elles renouvellent leur langage… et que les chrétiens aient une vraie vie spirituelle. Alain Houziaux fait une hypothèse : est-ce que bientôt la question sera non pas : « peut-il y avoir une spiritualité sans Dieu », mais : « peut-on retrouver une spiritualité avec Dieu ? » Il va même jusqu’à se demander si cette nouvelle vague spirituelle ne constituerait pas « les prémices d’une “vie religieuse” qui, demain, pourrait remplacer un christianisme traditionnel en fin de course ?... »

La question pose aux chrétiens un terrible défi, celui de signifier que Jésus est vraiment pour eux un Chemin de Vie qui les rend heureux et rend heureux ceux qui les approchent !


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1 L’Esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu. André Comte-Sponville. Albin Michel. 220p. 16 €.

2 Peut-il y avoir une spiritualité sans Dieu ? Sous la direction d’Alain Houziaux. Questions de vie. Editions de l’Atelier. 115 p. 10€

3Quoi de neuf sur Dieu ? Maurice Fourmond. Editions de l’Atelier.

EXTRAITS


« La vie spirituelle c’est la vie de l’esprit… dans la mesure seulement où l’on parvient à se libérer
du cher petit moi,
de ses petites frayeurs,
de ses petites rancœurs, de ses petits intérêts,
de ses petites angoisses, de ses petits soucis,
de ses petites frustrations, de ses petites espérances, de ses petites vanités. »

André Comte-Sponville.

« Ainsi le salut en Jésus Christ, c’est l’accomplissement de l’homme, de toutes ses potentialités, de toutes ses richesses intérieures et, pour le chrétien,
de cette richesse spirituelle unique
qu’est l’invitation à partager la vie même
de Dieu, l’amour infini qui le définit. »

Maurice Fourmond.

Updated on 06 Octobre 2016