Sommes-nous esclaves ou libres ?
Notre couverture, un dossier consacré à l’Eglise en Martinique, une interview du Père Bruno Chenu, évoquent, dans ce numéro, le problème de l’esclavage. Un problème historiquement résolu, semble-t-il ; un drame définitivement rayé de la carte des peuples, dont on a célébré, il y a trois ans, l’abolition en 1848. En fait, le mot esclavage ne cesse de frapper nos oreilles, qu’il s’agisse des pays sous-développés, de la condition de la femme, des plaies de la prostitution, de l’alcool et de la drogue, des moyens de communication et de la mode…
Nous croyons-nous libres ? Nous subissons des contraintes de toutes parts. Dans le domaine économique, les 35 heures elles-mêmes, saluées comme sources de liberté et de loisirs, sont qualifiées d’esclavage dans la mesure où elles n’accordent pas le temps libre qu’on espérait et réduisent les salaires…
Et les évêques de Martinique, Guadeloupe, Réunion et Guyane, au plein des festivités du 150e anniversaire de la libération de l’esclavage (5 avril 1998), rappelaient que les chaînes actuelles ne sont pas les mêmes que celles d’hier, mais elles ne maintiennent pas moins l’homme captif par toutes les formes d’exploitation de la faiblesse humaine aujourd’hui en vigueur : esclavage des enfants, drogue, prostitution, idolâtrie du pouvoir, de l’argent et du sexe, perversion du sens civique, manipulation politique ou religieuse, mensonge et désinformation… A cet égard, ajoutent-ils, qui oserait dire que l’esclavage est aujourd’hui complètement aboli ?
Ces multiples formes d’esclavage, intérieur et moral, sont mises en lumière par saint Antoine (cf. p. 23), qui les condamne sévèrement au profit d’une libre soumission à Dieu et à sa Loi, seuls capables de nous rendre libres.
Le temps de Carême est propice à la conquête de cette liberté, puisqu’il nous entraîne, par la conversion du cœur et le partage, à revenir au Seigneur et à maîtriser les forces du mal, à l’exemple de Celui qui, comme le répète saint Antoine à la suite de saint Paul, s’est fait notre serviteur pour que nous soyons libres. Nous étions, en effet, ténèbres, et sommes maintenant devenus lumière : vivons donc comme des fils de lumière, non plus comme des esclaves mais en hommes libres (cf. Ep 5, 8-14).