Signes d'appartenance
Le débat sur le port de signes religieux à l'école et dans les hôpitaux bat son plein au moment où nous écrivons. Ces lieux publics sont ceux où se côtoient étroitement - l'éducation et la santé étant prioritaires pour tous -, appartenances religieuses différentes et partant des lieux privilégiés où l'on apprend à vivre ensemble, mais aussi, parfois, des lieux fragiles où peuvent naître de réelles difficultés pour ce même vivre ensemble.
L'Eglise, éclairée par la foi et par son expérience, a choisi de contribuer à ce débat, par la voix de ses représentant autorisés. Ainsi, Mgr Jean-Pierre Ricard, Président de la conférence des évêques de France, rappelle-t-il que si l'Etat - les Etats - doivent permettre à chacun d'exprimer et de pratiquer sa foi, il doit également assurer le même respect, la même considération à toutes les grandes familles spirituelles . Cela signifie qu'il doit d'abord connaître, grâce à la culture, à la sensibilité, voire à la foi religieuse (ce qui ne semble pas être le cas de tous les hommes politiques), pour ensuite reconnaître : la diversité des familles religieuses, leur histoire, leur conception de Dieu, de l'homme et de la femme, leurs codes de conduite familiale et sociale, leurs façons, souvent très différentes, de vivre les rapports entre les lois religieuses et les lois de la société. Autre est le régime de séparation qui régit ces rapports dans nos Etats occidentaux, autre celui qui règne dans les Etats musulmans. Une loi, souligne Mgr Ricard, ne dispensera jamais d'un discernement à opérer en fonction des diverses situations, même pour discerner entre l'ostensible et le discret.
A propos de l'ostensible religieux, on connaît les impasses et les glissements possibles : qui en fixera les mesures et les limites ? Pourra-t-on empêcher un chrétien d'exhiber son chapelet, un musulman de reciter son Tasbih en public, un religieux ou une religieuse de porter l'habit qui fait incarne sa vocation et le projet de sa vie ? Et si le port de ces signes est assorti d une sanction, qui pourra freiner un législateur trop zélé politiquement ou idéologiquement, de glisser de la sanction en persécution, même larvée ? Et si l'on considère que certaines de nos idéologies modernes ont eu, à l'origine, la prétention de substituer la divinité par le culte de l'homme, de la nature, de la race, comment distinguer les signes religieux des symboles idéologiques ou des emblèmes politiques ?
Il ne faudrait pas que des lois visant à résoudre un problème cachent la volonté de mettre sous le boisseau une valeur fondamentale pour tout homme et pour la société.
Ton roi, dit saint Antoine, vient à toi, doux, pour être aimé, juste pour pratiquer la justice, pauvre, pour être serviteur.
Serviteur, le législateur l'est-il toujours ?