Saint Antoine, pèlerin en Afrique

17 Septembre 2012 | par


« Saint Antoine est le saint du monde entier ». Cette expression de Léon XIII à la fin du XIXe siècle  s’est révélée prophétique. Peu après, la dévotion à saint Antoine s’est en effet élargie en se propageant jusqu’en Afrique. Au Bénin, la vénération de ce saint a explosé assez récemment. La première église dédiée à saint Antoine de Padoue fut bâtie en 1898 à Abomey-Calavi, dans le sud du pays, dans une région dépendant aujourd’hui du diocèse de Cotonou. De là, la dévotion s’est ensuite étendue à de nombreux villages vers les zones internes de la forêt. La première mission démarra grâce aux prêtres français de la Société des Missions Africaines, pionniers, il y a 150 ans, de l’évangélisation du Bénin. Benoît XVI s’est rendu dans le pays, en novembre 2011, à l’occasion de cet anniversaire.

C’est justement à partir de cette paroisse, le 15 juin dernier, qu’a commencé le pèlerinage des reliques de saint Antoine qui s’est ensuite poursuivi durant dix journées bien intenses. L’abbé Antoine Metin, curé de la paroisse depuis deux ans, nous raconte que lui aussi a été surpris par ce pèlerinage des reliques au Bénin : « J’étais allé à Padoue pour demander s’il était possible de créer un jumelage avec la basilique Saint-Antoine étant donné que l’église de Calavi est la plus ancienne église dédiée à saint Antoine au Bénin. J’y ai rencontré le père Enzo Poiana, recteur du sanctuaire, qui m’a proposé d’apporter les reliques du saint en Afrique. » Un cadeau inattendu pour tous les catholiques du pays, environ 20 % de la population. Ainsi, le frère Riccardo Giacon et le frère Mario Mingardi sont partis de Padoue avec les reliques de saint Antoine. Arrivées à l’aéroport international de Cotonou, les reliques ont été accueillies par des milliers de personnes. Il a été tout de suite évident que le passage de saint Antoine au Bénin serait un événement extraordinaire. La rapide diffusion de la dévotion à saint Antoine au Bénin est un phénomène qui surprend l’abbé

Antoine Metin aussi : « Dans le seul diocèse de Cotonou, sept églises sont dédiées au saint de Padoue. Pour moi, cela a été un cadeau de voir combien saint Antoine est aimé et vénéré ici. »

 

Un ami arrive

Durant les dix jours du pèlerinage, les reliques de saint Antoine ont rendu visite à 20 communautés paroissiales de cinq diocèses : Cotonou, Dassa-Zoumé, Abomey, Lokossa et Porto Novo. Les routes non goudronnées ont rendu difficiles et longs les trajets en voiture, mais le maximum a été fait pour porter le saint dans les missions qui lui sont dédiées, sans exclure les villages au cœur de la forêt ou les maisons sur pilotis du lac Nokoué. Souvent, les curés eux-mêmes ignorent la raison pour laquelle leur église est dédiée à saint Antoine. Mais ce n’est pas l’essentiel : les paroissiens voient spontanément en ce saint un ami de Dieu et un de leurs amis. C’est suffisant.

Partout, les reliques ont été accueillies avec les honneurs que l’on réserve à un hôte important, selon les traditions locales : à l’entrée du village, devant la statue de saint Antoine qui est portée sur les épaules, un paroissien verse par terre l’eau de l’accueil, signe de bienvenue et de paix. Puis la procession démarre : le rythme pressant des percussions et les chants dédiés à saint Antoine en fon (la langue parlée par la population locale) attirent tout le monde ; adultes et enfants sortent des maisons et remplissent les ruelles : cent, cinq cents, mille, deux mille… il est impossible de les compter ! Du plus petit au plus grand, tous portent des vêtements décorés avec des images de saint Antoine portant l’Enfant Jésus dans ses bras et tenant un lys dans la main.

Souvent, nous ne trouvons pas une église en brique mais une simple cabane : des piliers en bois couverts de tôles. La plupart de ces communautés catholiques se sont formées récemment et continuent de grandir grâce aux très nombreux baptêmes d’adultes et d’enfants. Le manque de moyens et de bâtiments ne freine pas la joie, contagieuse et spontanée. La visite du saint est certes celle d’un ami mais surtout celle d’un témoin de la foi. Avant le pèlerinage, les prêtres ont raconté la vie de saint Antoine. Ils ont présenté son message de réconciliation et son appel à la sainteté.

L’ancienne devise en latin conçue par Pie XI en 1930 décrit parfaitement le sens de la dévotion antonienne : Antonium ad Jesum, c’est-à-dire « Par Antoine vers Jésus ». Au cœur du pèlerinage, l’écoute de la Parole de Dieu et la célébration de l’Eucharistie. Et quand on célèbre une messe en Afrique, il vaut mieux ne pas regarder sa montre car on sait quand elle commence mais pas vraiment quand elle finira… L’abbé Antoine Metin nous explique la raison de cette attitude : « Quand on est invité par un ami, on ne se soucie pas de savoir combien de temps on passera à table ou quand la fête se terminera ; pourquoi cela ne devrait-il pas être pareil quand Jésus nous invite à sa table ? »

Pendant la messe, on sent qu’il y a là une communauté unie et que la présence de saint Antoine rend encore plus joyeuse. Probablement s’agit-il du plus grand cadeau que le pèlerinage des reliques de saint Antoine a offert au Bénin : une fête de la foi, manifestée spontanément par la joie du peuple africain, au rythme contagieux des tambours et des danses qui ont accompagné les moments de vénération des reliques et les célébrations liturgiques ; une fête de la foi qui s’est exprimée par les sourires des enfants, qui par centaines, entouraient la statue du saint portée en procession dans leurs villages. Un pèlerinage qui nous a permis de vivre ce que Benoît XVI avait affirmé au retour de son voyage apostolique au Bénin en novembre 2011 : « J’ai vraiment goûté la joie de vivre, l’allégresse et l’enthousiasme des nouvelles générations qui constituent l’avenir de l’Afrique. (…) Tout cela dit que sur ce continent existe une réserve de vie et de vitalité pour l’avenir, sur laquelle nous pouvons compter, sur laquelle l’Église peut compter. » 

 

Updated on 06 Octobre 2016