Saint Antoine et la Nativité
Lorsqu’on pense à Noël, c’est l’image de la Nativité et de la Sainte Famille qui vient à l’esprit. Depuis la crèche vivante proposée pour la première fois par saint François à Greccio, en Italie, en 1223, cette représentation tangible de l’humilité de Dieu qui s’incarne parmi les hommes décore nos maisons et nos paroisses.
Dans la basilique Saint-Antoine à Padoue, si cette crèche traditionnelle enchante petits et grands depuis des décennies, les visiteurs gardent clairement à l’esprit que le thème de la Nativité est omniprésent aussi dans la représentation iconographique du Saint de Padoue. En effet, outre le lys et le livre, saint Antoine est identifié dans le monde entier par l’Enfant Jésus qu’il tient dans ses bras.
La popularité de l’iconographie antonienne
À l’approche des fêtes de fin d’année, nous avons demandé à une vingtaine de Padouans de bien vouloir nous indiquer dans la Basilique où se trouvent les représentations de saint Antoine avec l’Enfant dans les bras. La spontanéité de leurs réponses révèle combien cette question leur semble évidente :
« Il y en a partout ; il y en a tellement ! ». Pour tous, la statue la plus connue est celle qui est ponctuellement placée au pied du second pilier gauche pour les moments de dévotion antonienne les plus importants, comme pendant le mois de juin.
Lorsqu’on leur demande toutefois de nous parler des autres représentations d’Antoine avec l’enfant Jésus, c’est un silence méditatif qui s’impose. Giuseppe, un habitué des lieux, hésite : « Il y aurait bien l’œuvre de Lorenzo Quinn placée en 1995 dans le cloître du bienheureux Luc Belludi, mais l’Enfant est au-dessus de saint Antoine, relié à lui par la pointe de son index. C’est une relecture moderne de notre Saint, faite pour montrer le lien privilégié existant entre le Verbe fait chair, Antoine et les tout-petits. Si on s’en tient par contre aux statues les plus connues d’Antoine qui tient l’Enfant dans ses bras, j’en connais beaucoup, oui... mais pas dans la basilique de Padoue ! »
Vraiment ? N’y en aurait-il vraiment pas ? Amusés par ce sondage, des grands-parents décident de partir à la recherche de possibles illustrations en compagnie de leurs petits-enfants. Au bout de quelques minutes, le plus jeune finit par identifier une grande statue sur un socle daté de 1507, à côté du second autel du bas-côté gauche, tandis que le grand-père repère l’œuvre de 1708 du fameux sculpteur padouan Bonazza, située au-dessus de la porte qui mène à la sacristie.
L’iconographie antonienne dans la basilique
Interrogés sur l’iconographie antonienne, certains Frères nous expliquent pourquoi, malgré le grand nombre de représentations de saint Antoine dans la Basilique, on ne voit que très rarement le saint avec l’Enfant Jésus.
L’enfant ainsi que le livre et le lys sont actuellement tellement populaires et présents dans les églises du monde et si symboliquement rattachés à saint Antoine qu’on oublie tout simplement que ces trois éléments ne lui furent attribués qu’au début du XVIe siècle. À cette époque-là, la Basilique avait déjà été décorée en grande partie selon d’autres critères. Jusqu’alors, l’iconographie de saint Antoine était si proche de celle de saint François que seuls les stigmates reçus par saint François permettaient de les distinguer.
L’ajout de l’Enfant Jésus dans les bras de saint Antoine s’explique principalement par l’apparition dont il fait l’objet lors du dernier Carême de sa vie à Camposampiero, près de Padoue. Il était hébergé par son ami le comte Tiso, qui lui avait fait construire une cabane sur un noyer d’où il prêchait pendant de longues heures. Un soir, le comte aperçoit une forte lumière filtrer de la porte qui le sépare du frère en prière. Craignant un incendie, il ouvre aussitôt la porte et découvre qu’Antoine tient tendrement l’Enfant Jésus dans ses bras ; la lumière provenait de cette apparition ! Bien d’autres apparitions de l’Enfant sont relatées en Italie comme en France.
Dans ses Sermons, Antoine explique cette relation si particulière qui le lie à l’Enfant ; l’annonce du mystère de Noël n’a été donnée ni aux riches ni aux puissants, mais aux bergers qui veillent dans la nuit. C’est Marie qui nous donne le Christ à Bethléem, en déposant son enfant sans défense dans la mangeoire. Cette présence de Dieu fait homme dans un tout-petit émerveille saint Antoine pour qui l’humilité et la pauvreté de cet Enfant sont autant de signes des valeurs fondamentales de la vie.
En cette période de Noël ce message nous parvient comme un témoignage de la force qui lie la Nativité et le saint de Padoue jusque dans l’iconographie.