Saint Antoine : Destin contrarié, source de vitalité
Il est des rencontres qui marquent une vie. Celle du frère Antoine est de celles-là. À Padoue, près de huit siècles après sa mort, sa présence est toujours vive. Les pèlerinages et les processions rappelant sa mort rythment les saisons, devenant des occasions pour se retrouver et vivre une foi fraternelle dans la simplicité et la confiance.
Un saint aux désirs humains
C’est alors que Saint Antoine se rappelle à nous dans toute son humanité contrariée. Lui qui avait si ardemment désiré mourir martyr de sa foi au Maroc, au contraire, dû poursuivre son chemin au milieu des hommes. Au cours de ses missions en Italie et jusqu’en France, il prononça de magnifiques prédications dont nous profitons aujourd’hui encore.
Lorsqu’il sentit son heure approcher, il aurait souhaité revenir à Padoue, dans la petite église consacrée à sainte Marie Mère de Dieu où il aimait prier. Mais son désir ne put être exaucé. Son souffle s’arrêta dans un modeste monastère de Clarisses situé aux portes de la ville. De cet imprévu est pourtant né un sanctuaire et une communauté paroissiale dynamique et fraternelle.
Les frères franciscains de la basilique Saint-Antoine, comme ceux du sanctuaire et les Padouans ne cessent d’œuvrer pour rendre hommage à ce grand saint qui leur a fait l’honneur de sa présence… et de sa mort. Une mort qui se transforme en ferment de vie et d’espoir pour d’innombrables personnes du monde entier.
Une sainteté fraternelle
À Padoue, la mort de saint Antoine fait l’objet de plusieurs moments de cohésion festive. Le premier a lieu dès la fin du mois de mai, au tout début de la treizaine qui amène à la date de sa mort, le 13 juin. Pour cette occasion, plus d’un millier de pèlerins se retrouve pour une marche nocturne retraçant les 23 derniers kilomètres parcourus par Antoine, transporté dans une charrette depuis Camposampiero, où il avait passé quelques mois pour renforcer sa santé fragile. Le pèlerinage fait une étape auprès du sanctuaire et se poursuit jusqu’à la basilique qui sert aujourd’hui d’écrin autant à son corps qu’à la petite église tant aimée, l’actuelle chapelle de la Vierge noire.
La veille de la commémoration de sa mort, le 12 juin, c’est tout le quartier du sanctuaire qui se retrouve autour de figurants. Ils font ainsi revivre la dernière étape du chemin fait par le frère Antoine dans une évocation historique à l’écoute du récit des dernières heures du Saint de Padoue.
La fin de l’été est traditionnellement marquée par la « kermesse des noix », rappelant que le frère Antoine avait trouvé refuge sur un noyer d’où il avait expliqué les évangiles au long de son dernier Carême. Pendant 9 jours, le quartier du sanctuaire vit dans le souvenir de ces moments, en organisant des moments de rencontres et de partage. Le dimanche conclusif transforme les abords de la paroisse en un village médiéval où se côtoient les métiers et les jeux d’autrefois. C’est l’occasion de s’interroger sur une période où le manque de confort et les durs labeurs offraient bien peu de bien-être, mais ne manquaient pas de plaisirs simples et de valeurs humaines. Après une dernière soirée de festivités autour de longues tablées, la kermesse se clôt par une cascade de feux d’artifices qui, depuis le haut du campanile, rappelle la présence protectrice du Saint.
Pourtant, cette année, pour la première fois depuis des décennies, tous ces moments ont dû être annulés, en raison des risques liés à la pandémie qui endeuille nombre de nos familles. Les pèlerins ont remisé leurs chaussures. Les dévots sont restés protégés chez eux. Les Padouans ont eu une pensée solidaire pour toutes les personnes qui auraient aimé rendre visite à « leur Saint ». Mais dans ce climat morose, nous sommes invités à un pèlerinage au cœur de notre foi.
Nous nous rappelons que le grand saint Antoine avait lui aussi, dans sa profonde humanité, espéré et recherché une mort conforme à ses désirs, mais que cela ne l’avait pas empêché de vivre chaque instant avec confiance et humilité. Il ne pouvait se douter que sa vie, et sa mort, auraient apporté joie et réconfort à d’innombrables personnes au cours des siècles suivants. Qui aurait pu imaginer qu’il serait resté ce petit frère si aimé de tous, celui que les Padouans n’hésiteraient pas à prier en appelant bien fraternellement et tout simplement « le Saint » ?