Rencontre avec... Stéphane Jourdain
Le père Stéphane Jourdain est prêtre du diocèse de Metz. Il a passé trois ans à Rome d’où il est revenu diplômé d’un master en communication de l’Université pontificale grégorienne. Il est également bloggeur1 et responsable de la rédaction de Radio Jéricho, radio diocésaine de Metz.
L’Église sur les réseaux sociaux, n’est-ce pas seulement un coup de communication ?
Mais c’est totalement de la communication ! Et il est important que cela en soit parce que Jésus lui-même a été le premier à communiquer. Le document Communio et progressio de 1971 du Conseil pontifical pour les communications sociales nous rappelle que, « durant son séjour sur cette terre, le Christ s’est révélé lui-même le parfait communicateur ». Jésus a communiqué la Bonne Nouvelle, il a communiqué cet amour de Dieu, et aujourd’hui les réseaux sociaux sont un peu la même chose. Il s’agit d’un réseau justement, un lieu de relations et de partage, qui est en quelque sorte parallèle à la vie des premières communautés chrétiennes. C’est ce qu’on voit dans les Actes des Apôtres, où Paul passait d’une communauté à l’autre pour annoncer la Bonne Nouvelle et entretenait des liens avec ces communautés à travers différents écrits. Aujourd’hui, on passe d’une page Facebook à une autre, on entretient des liens à travers des messages sur Twitter, etc... C’est aussi une manière de vivre cette relation, de montrer qu’il n’y a pas que différentes petites chapelles dans l’Église, mais que l’on fait partie d’une même Église. À la question de savoir si on peut rencontrer le Christ grâce à Internet, je réponds que oui, Dieu est présent partout, et c’est aussi à nous, les chrétiens, de parler de Dieu sur Internet pour que certains puissent le découvrir là aussi.
Le thème retenu cette année pour la Journée mondiale des communications sociales est « Réseaux sociaux, portes de vérité et de foi, nouveaux espaces pour l’évangélisation ». En quoi ces réseaux sociaux sont-ils des « portes » vers la foi ?
Le mot le dit bien, la porte c’est l’ouverture pour entrer dans quelque chose ; les réseaux sociaux sont des ouvertures qui peuvent nous mener à Dieu, vers la foi, vers cette relation de confiance, vers cet abandon à Dieu. J’utiliserais aussi le mot « parvis » ; devant les églises il y a souvent différents parvis, des lieux où les gens se retrouvent avant ou après la célébration et échangent. Ce parvis est un peu comme le Parvis des gentils, que Benoît XVI a voulu mettre en œuvre avec l’aide du cardinal Ravasi, c’est un lieu de discussion. Les réseaux sociaux sont donc ces portes de vérité et de foi, des portes vers la foi. Il y a différents moyens de rencontrer cette foi, je pense notamment aux « twittomélies » de Mgr Hervé Giraud, un évêque qui poste chaque jour sa petite homélie sur Twitter et sur Facebook. On peut avoir quelqu’un qui va reprendre, diffuser, « retwitter » ou « liker » sur Facebook ces différentes méditations, et peut-être que quelqu’un d’autre, par hasard, va tomber dessus au moment où il en aura besoin.
Plusieurs fois, Benoît XVI a mis en garde les jeunes contre les dangers d’une utilisation d’Internet qui pourrait faciliter un repli sur soi-même. N’est-il pas contradictoire alors d’inviter à investir ces réseaux sociaux ?
Il existe une analogie pour l’Esprit-Saint qui est celle du feu, le feu qui purifie, mais qui en même temps brûle. Cela n’est pas parce que le feu brûle des forêts, ravage des maisons, tue à certains moments, qu’on ne l’utilise plus pour parler de l’Esprit-Saint. On utilise certaines analogies parce qu’elles nous permettent de comprendre quelque chose. Je crois que le pape a raison de dire qu’il y a des risques sur Internet, il y a aujourd’hui de vrais risques d’addiction, on le sait, cela commence à être reconnu. Faut-il se limiter aux risques et ne pas voir les chances ? Est-ce qu’Internet va remplacer les vraies relations ou, au contraire, est-ce qu’on sera capable de le domestiquer ? Je crois que c’est une question que chacun doit toujours se poser. Quand on parle d’Internet, on parle parfois de monde virtuel. Le mot « virtuel » me fait peur, parce que derrière un ordinateur, même si on est dans une discussion où on raconte des bêtises, il y a quand même une personne, et ce sont les mêmes bêtises qu’on peut raconter quand on est au café. Il ne faut simplement pas que le média, le moyen, prenne la place de la personne qui est en face.
Ce message pour les communications sociales cherche aussi à « humaniser et vivifier le monde numérique ». N’est-ce pas un peu utopique ?
Non, parce que le monde numérique est justement constitué des personnes, des gens qui viennent sur Internet, discutent, viennent parfois y perdre du temps. Le mot qui les caractérise le mieux est « tribu », on se regroupe par petites tribus autour d’idées communes, on se forge sa propre tribu. Le monde numérique est à vivifier parce qu’on a à le rendre vivant, ce n’est pas simplement un lieu où l’on tape des messages sur une machine, mais un lieu où l’on s’exprime et où l’on parle entre personnes, et donc là il y a vraiment quelque chose de profond.
Comment peut-on concilier des structures de communication parfois un peu lourdes de l’Église avec des initiatives dynamiques sur les réseaux sociaux relayées souvent par des laïcs ?
Je ne suis pas persuadé qu’il faille les concilier, tout simplement parce qu’il y a différents moyens d’expression. Il y a une structure hiérarchique verticale, et en face une structure horizontale qui est celle du web 2.0. Il y a la manière « hiérarchique », où il faut faire attention à ce qui nous est reporté comme message, qu’il vienne de Rome, des diocèses ou des paroisses, et puis il y a le web 2.0, les réseaux sociaux, les blogs, qui permettent de se rencontrer entre laïcs, d’échanger entre pairs. On est ici dans le cadre du témoignage, quand on pense à l’abbé Pierre ou à mère Teresa, ils ne sont pas allés demander au pape s’ils pouvaient aider leurs frères ! La communication dans l’Église passe donc par des lignes verticales et horizontales et crée un quadrillage, un véritable réseau, afin de ne laisser personne en dehors et que chacun puisse être touché par la Parole de Dieu. n
1) http://lemessin.wordpress.com/
QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE
Connaissez-vous saint Antoine et si oui, quelle image avez-vous de lui ?
Je l’ai rencontré au Portugal d’où il est originaire. L’image que j’en ai est tout simplement celle du saint à qui l’on demande d’intercéder quand on a perdu des affaires. Saint Antoine était à l’époque déjà dans une certaine mondialisation, il est parti du Portugal, il a été à Padoue. Il y a une image autour du déplacement, de se laisser bouger par Dieu et de ne pas s’arrêter seulement à une culture, qui est très belle.
Comment priez-vous ?
En m’adressant à Dieu à travers l’office des jours et dans la célébration de l’Eucharistie, qui est le lieu où l’on prie et où l’on porte dans la prière ceux qui nous sont confiés, ceux auxquels on pense. Pour moi c’est vraiment le sommet et la source de toute l’action liturgique. Il y a aussi la prière spontanée qui peut jaillir dans la journée, que l’on veuille confier une intention ou rendre grâce.
Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Pendant l’Eucharistie. Le fait de tenir le corps et le sang du Christ dans mes mains est vraiment un moment privilégié, que l’on soit dans une petite assemblée avec quelques fidèles ou dans une grande célébration, les JMJ ou Taizé par exemple. Il y a toujours ce face-à-face, je me retrouve seul face à Dieu et quelque chose de vraiment particulier se passe.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
Il n’y a pas un événement particulier mais plusieurs, des célébrations de baptêmes et de mariages, de célébrer la vie qui naît, les époux qui se donnent l’un à l’autre pour fonder une famille. Je pense particulièrement à un couple dont j’ai célébré le mariage en août et qui m’a annoncé il y a quelques jours que la femme est enceinte, c’est vraiment une bonne nouvelle de voir cette vie qui se déploie, une vie qui se donne et qui s’ouvre.