Rencontre avec... Régis Anouil

30 Juin 2014 | par

 Régis Anouil, rédacteur en chef d’Églises d’Asie, l’agence d’information des Missions Étrangères de Paris, travaille depuis 1999 pour ce pôle d’information spécialisé sur les questions religieuses en Asie. Le Messager de Saint Antoine est allé à la rencontre de ce laïc, marié et père de famille, pour un éclairage sur l’Église en Asie.



Ce mois d’août, le pape François se rend en Corée du Sud. Pourquoi ce pays d’Asie ?


La première raison est conjoncturelle : le pape se rend en Corée du Sud pour les VIe Journées asiatiques de la Jeunesse. Jean-Paul II, Benoît XVI et François ont toujours considéré l’Asie comme un continent d’avenir. Le pape polonais, avait confié lors du Synode sur l’Asie en 1998 : « Tout comme l’Évangile a été planté en Europe au Ier millénaire, s’est développé au IIe millénaire en Afrique et en Amérique, puisse-t-on voir une grande moisson de foi au

IIIe millénaire en Asie ». Après les Philippines et le Timor Oriental, la Corée du Sud est l’un des grands pays chrétiens d’Asie. 30 % des Sud-Coréens sont chrétiens. Le voyage du Saint-Père dans ce pays est donc aussi une manière de reconnaître et de mettre en lumière la vitalité de l’Église en Asie. Cette Église de Corée est dynamique, produit des vocations et les exporte !

 

Comment voyez-vous la liberté religieuse en Corée ?

Il faut bien distinguer la Corée du Sud et la Corée du Nord. En Corée du Sud, la liberté religieuse est pleine et entière, sans restrictions. Le contraste est total avec la Corée du Nord : dans ce pays communiste, aucune religion n’a le droit de cité sinon celle qui consiste à vénérer la famille dirigeante. Lors de son voyage, le Saint-Père va aussi béatifier 124 martyrs coréens

du XIXe siècle – époque où, bien entendu, la Corée n’était pas divisée en deux.

 

Y a-t-il plusieurs Asies ?

L’Asie est très hétérogène. Les problématiques de la présence chrétienne face au monde musulman (Indonésie, Malaisie, Pakistan, Bangladesh) ne sont pas les mêmes que celles que l’Église rencontre en Inde, par exemple. On voit, dans un certain nombre de pays bouddhistes, hindous ou musulmans, une tendance à instrumentaliser l’opposition au christianisme. Face aux bouleversements nés du développement économique, les hommes politiques veulent trouver une certaine stabilité et essaient notamment de s’appuyer sur la religion. Il leur arrive alors de cultiver des réflexes de rejet de l’autre, des chrétiens, qui sont présentés par eux comme le corps étranger, alors même qu’ils sont locaux.

 

Les Asiatiques se convertissent-ils ?

Les adversaires de l’Église voient toujours les chrétiens comme ayant la volonté de s’imposer par des conversions massives. Aujourd’hui, le christianisme attire en Asie. Pour preuve, les baptêmes d’adultes sont très nombreux : à Pâques, à Hong Kong, il y a autant de baptêmes d’adultes que dans toute la France. Le christianisme attire des personnes issues des classes sociales supérieures comme des avocats, des médecins, des entrepreneurs. Ils ont fait des études supérieures, mais ils ne trouvent plus dans leur système religieux traditionnel les réponses au sens de la vie. Et du fait de l’éclatement des cellules traditionnelles, la famille, le clan n’est plus aussi fort qu’auparavant. En Europe, vous existez en tant que personne, l’individu est libre de ses choix, alors qu’en Asie, où le groupe prédomine sur l’individu, on ne dit pas « je », on dit « nous ». En Asie, sortir de son groupe pour se convertir est difficile car le converti s’exclut de ce qui fait son quotidien, son oxygène. Dans le confucianisme, le culte des ancêtres est très important, et si une personne se convertit, ses parents ont peur qu’il ne puisse plus honorer ses ancêtres. Mais ces changements des cellules traditionnelles font place à la possibilité de la conversion.

 

Quelles sont les religions dominantes en Asie et comment cohabitent-elles ?

L’Asie est un continent de spiritualités extrêmement fortes. L’hindouisme, le bouddhisme, l’islam – 4/5 des croyants musulmans se trouvent en Asie – imprègnent la culture, la vie, les structures sociales, comme le judéo-christianisme imprègne la civilisation occidentale. Le christianisme s’est heurté à des dirigeants pour qui les valeurs portées par l’Évangile présentaient un caractère dangereux ; par exemple, cet appel à l’égale dignité des personnes et au respect des droits de chaque personne vient heurter de front un système comme celui des castes en Inde.

Au quotidien, le dialogue de vie se fait sans problèmes majeurs, mais cela n’empêche pas que des crises surgissent du fait d’une instrumentalisation politique. Cependant, en Asie, il y a une perception plutôt positive du christianisme, contrairement à l’Europe. En Inde, où il n’y a que 2,3 % de chrétiens, une bonne partie de la population envoie ses enfants dans des écoles tenues par des religieuses et se fait soigner par des religieux.

 

Pourquoi le catholicisme a-t-il si peu percé au Japon ?

La réponse n’est pas aisée d’autant que la première évangélisation du Japon a été féconde avec saint François Xavier au XVIIe siècle. La raison est donc politique avant d’être religieuse. Pour les dirigeants japonais de l’époque, le christianisme était un corps étranger à leur culture qu’il fallait donc éradiquer et cela représentait un obstacle à leur volonté d’unification politique du pays. Dans la mentalité japonaise, la conversion à la religion chrétienne est perçue comme une sortie de sa nipponité. Un signe très fort de cela est visible dans la cuve baptismale de la cathédrale de Tokyo. Le fond est rouge, comme le drapeau japonais. L’Église veut ainsi signifier que lorsque l’on plonge dans les eaux du baptême, on ne renonce pas à sa nipponité !

 

Comment percevez-vous l’avenir des catholiques « clandestins » en Chine ?

La Chine affirme sa prééminence sur la scène régionale et cela s’accompagne de craintes. Les communistes considèrent que les religions peuvent apporter un bienfait social et sont prêts à laisser aux religions un espace de liberté, mais n’acceptent pas que des organisations puissent se mettre en place de manière autonome, sans être contrôlées par le Parti communiste. Le régime communiste interdit donc à l’Église de s’organiser de manière autonome ; une conférence épiscopale existe mais elle n’est pas reconnue par le Saint-Siège. En Chine, les évêques « officiels » sont muselés et sont dans l’incapacité d’agir. Il y a une seule Église catholique en Chine, dans la mesure où le Credo est le même dans la partie « officielle » et la partie « clandestine », mais un certain nombre d’évêques acceptent d’une manière ou d’une autre ce contrôle du régime sur leurs activités. Le régime politique divise pour mieux régner.

 

Le pape ira début 2015 au Sri Lanka et aux Philippines. Quel est l’enjeu de ce nouveau voyage en Asie ?

Au Sri Lanka, la situation de l’Église est très tendue, mais le Saint-Père est capable de faire bouger les lignes. Les Philippines sont l’un des espoirs de l’Église du monde car c’est un pays très jeune et dynamique. Le pape aura un message à adresser en termes de respect de la dignité humaine bafouée, du fait de la corruption et des inégalités économiques, criantes dans ce pays. 

 

Questionnaire de saint Antoine

 

Connaissez-vous saint Antoine ? Quelle image avez-vous de lui ?

J’ai découvert qu’il était portugais à l’occasion d’un voyage à Lisbonne, il y a quelques années de cela. Auparavant, je l’imaginais italien, de Padoue, me souvenant vaguement qu’il était franciscain (parce que la statuaire le représente toujours dans ses habits de moine franciscain) et qu’il fallait l’invoquer pour retrouver ses clefs ou tout autre objet perdu. Mais ce questionnaire est l’occasion de confesser que c’est un saint que j’avais un peu perdu de vue !

 

Comment priez-vous ?

Parce que je m’y suis engagé le jour de mon mariage, je prie tous les jours avec mon épouse, une prière toute simple : un Notre Père et une dizaine de Je vous salue Marie. Cette prière a été essentielle pour nous rendre capable d’accorder un pardon (le « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ») lorsque pardonner au quotidien ou surtout demander pardon était devenu très difficile. Rassurez-vous, ce n’est pas tous les jours (que ce pardon est difficile), mais cette expérience me fait dire que la prière doit être un exercice quotidien. Et là, tout comme pour l’exercice physique, je ne suis pas un exemple...

 

Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

Juste après m’être confessé. C’est bien là que je sens au plus près la miséricorde sans borne de notre Père qui est aux cieux.

 

Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?

L’élection du pape François qui ne cesse de nous étonner et nous met en joie. Et plus proche de mon quotidien, la participation à un parcours Alpha parce que j’y ai vu la force de l’Esprit Saint en action.

 


Updated on 06 Octobre 2016