Rencontre avec... Jean-Claude Gianadda
Vous convaincre de répondre à nos questions n’a pas été facile… Pourquoi tenez-vous à rester discret dans les médias ?
Car je ne suis pas fait pour ça ! Je n’ai pas le charisme de l’Abbé Pierre.
Et puis, pourquoi vouloir être mis en valeur ? Je préfère rester dans l’ombre. On ne peut pas servir Dieu et soi-même. Regardez les premiers chrétiens : ils ont toujours travaillé dans les catacombes, ils n’avaient pas besoin qu’on fasse de la publicité autour d’eux. D’ailleurs, on les reconnaissait quand même ! Savez-vous à quoi ? « Voyez comme ils s’aiment », disait-on d’eux. Non, sincèrement, cela ne m’intéresse pas d’être le catho de service ! Ce qui m’importe, c’est d’avoir, comme les premiers chrétiens, un visage de ressuscité. Au risque de vous choquer, je vais vous dire une chose : je trouve cela très bien que les églises se vident, car cela va nous obliger à nous rassembler et à être levain dans la pâte. Comme les premiers chrétiens.
Faisons tout de même connaissance…
J’ai 66 ans, je vis à Marseille… et beaucoup dans ma voiture puisque je fais 100 000 km par an ! Par choix, et par vocation, je suis resté célibataire.
Avant de me consacrer exclusivement à l’animation, j’ai été enseignant pendant 30 ans. Professeur de sciences, puis directeur du collège Saint-Bruno, à Marseille. C’est une expérience qui m’a rendu très heureux. Entrer dans le destin des jeunes, c’est formidable ! C’est passionnant de révéler un jeune à lui-même, de lui faire prendre conscience de ce qu’il a de beau en lui. Bien sûr, c’est exigeant et cela demande beaucoup d’humilité. Il faut diminuer pour qu’ils croissent…
Comment êtes-vous devenu le chanteur à succès que l’on connaît ?
Complètement par hasard ! Ce sont les élèves qui m’ont amené à la musique. J’avais été chargé de la catéchèse au collège, et avais donc appris trois accords de guitare pour faire chanter les chansons du Père Duval aux élèves. Un jour, on m’a demandé de composer un chant pour un rassemblement scout. C’est comme cela que tout a commencé. Moi qui étais très timide, je me suis mis à chanter ! Les élèves m’ont révélé à moi-même. Je n’ai pas décidé de faire de la musique, ce sont eux qui m’ont choisi. Comme c’est le MEJ qui m’a demandé d’écrire un premier disque. 35 ans plus tard, j’en ai une centaine à mon actif, et j’ai écrit plus de 700 chansons ! Mais tout s’est produit par accident : ce sont les circonstances – pour ne pas dire la Providence – qui ont guidé ma vie.
En 1994, vous avez choisi de quitter l’enseignement pour vous consacrer exclusivement à cette activité de « troubadour du Bon Dieu », comme vous dites, pourquoi ?
Je ne pouvais plus tout mener de front : enseigner, diriger un établissement scolaire et passer mes vacances et mes week-ends sur les routes.
Et puis, je sentais qu’il fallait que je réponde à un appel : à l’heure où la catéchèse nous échappe, j’avais entre les mains une nouvelle manière d’annoncer l’Evangile, une façon originale de proposer la foi. Or, cette capacité à animer des veillées et à écrire des chansons m’avait été donnée ; Il fallait que je l’utilise pleinement. Quitte à ce qu’il me coûte parfois de prendre la route et d’enchaîner les veillées. Je serais évidemment plus tranquille chez moi, à profiter de ma retraite de directeur… Mais si je n’avais pas suivi cette voie, j’aurais eu le sentiment de trahir le Bon Dieu.
Le « Bon Dieu » semble tenir une place importante dans votre vie… En a-t-il toujours été ainsi ?
Effectivement, le Bon Dieu a joué un sacré rôle dans ma vie… Et qu’est-ce qu’il m’a gâté ! Je ne mourrai pas riche, mais grâce à Lui, je peux dire : « C’était bien ! », j’ai eu une vie extraordinaire. Si c’était à refaire, je referais presque tout pareil.
Il m’a fait le cadeau de la foi dès mon plus jeune âge. Elle ne m’a jamais quitté. Dieu est resté le sens de ma vie. Si j’ai douté? Cela m’est sûrement arrivé, le doute est indissociable de la foi. Mais j’ai cette chance d’avoir à dire, presque chaque soir, quelle est ma foi. Une foi qui se dit avec des mots et des notes de musique, c’est une foi qui grandit ! Je m’auto-évangélise, en quelque sorte ! La foi, c’est comme un muscle, si on le fait travailler, il va prendre de la consistance. A l’inverse, si on ne dit jamais sa foi avec des mots, elle risque de s’atrophier.
Evangéliser par le chant, qu’est-ce que cela veut dire ?
Dans un monde plombé par le marasme, je veux proposer la foi, c’est-à-dire une pierre de fondation, une énergie pour se construire. La chanson est un moyen privilégié pour véhiculer une émotion et un message. J’aimerais qu’elle permette à des gens de se mettre en route. Si, après une veillée, une seule personne rentrait chez elle et se mettait à lire la Bible, ce serait gagné !
Comment écrivez-vous vos chansons ? Priez-vous avant ?
Non, pas forcément ! Il faut rester humble... Mes chansons me viennent souvent dans la voiture et je les écris ensuite sur un coin de table. Et celles qui marchent ne sont pas forcément celles sur lesquelles j’aurais parié. Ce sont les gens qui les choisissent. Ils aiment lorsqu’elles sonnent vraies. Voilà mon credo : dire des choses banales “boostées” par la sincérité.
... Au risque d’être un peu simpliste, parfois ?
Mes modèles sont Bernadette Soubirous et le Curé d’Ars, qui savaient à peine lire et écrire. Etre simpliste comme eux, je veux bien ! J’assume tout à fait mon langage simple et banal. Tant pis si les théologiens me reprochent d’avoir la foi du charbonnier et considèrent que mes chansons ne valent pas grand-chose sur le plan théologique. Mes chansons sont des prières chantées ; les gens se les approprient, c’est la seule chose qui compte !
Votre public a-t-il évolué au fil des années?
Oh oui... Il y a 30 ans, j’animais des rassemblements où les jeunes venaient très nombreux. A l’époque, ils avaient la foi.
Aujourd’hui, les rassemblements sont moins importants. Quant à la foi… La moitié des personnes qui assistent à mes veillées ne sont pas des pratiquants réguliers. Je fais donc beaucoup plus de pré-catéchèse. C’est pour cette raison que je parle rarement de Jésus dans mes chansons. Je ne peux pas faire chanter des choses auxquelles les gens ne croient pas. Je préfère écrire des textes à tiroir. Trouvez dans ma vie ta présence, par exemple, ne parle pas de Dieu. Mais c’est une chanson qui parle à tout le monde. A travers mes chansons, j’essaie d’adopter la même attitude que Jésus avec les disciples d’Emmaüs : Il les rejoint là où ils en sont. Jésus dit aux disciples : « De quoi discutiez-vous ? » Face à eux, il n’est pas celui qui sait. Il est celui qui aime.
QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE
Connaissez-vous saint Antoine de Padoue ? Quelle image avez-vous de lui ?
Non, je ne le connais pas très bien. Comme tout le monde, je sais qu’il aide à retrouver les objets perdus, et qu’il existe une grande dévotion à ce saint. Mais je n’en sais pas beaucoup plus… Mes références en matière de sainteté restent plutôt l’Abbé Pierre ou Sœur Emmanuelle.
Etes-vous déjà allé à Padoue ? Quel souvenir en gardez-vous ?
Non, malheureusement, je ne connais pas non plus… Moi, les lieux que j’aime le plus sont ceux où Marie est vénérée. Il y a Lourdes, bien sûr, mais aussi Notre-Dame de la Salette (Isère), et peut-être plus encore Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes). J’ai un lien sentimental avec la Vierge. Les 80 chansons que j’ai écrites sur Elle et pour Elle en témoignent.
Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Lorsque je fais une chose bien pour les autres. Quand j’étais enseignant, cela pouvait se traduire par une attention particulière pour un élève en difficulté. Ma religion à moi est une religion de l’autre. Je me sens proche de cette phrase de saint Augustin, « Aime et fais ce que tu veux ».
Comment priez-vous ?
Je ne suis pas un grand mystique… Même si je récite très souvent le chapelet dans ma voiture, je suis davantage tourné vers l’action. Au contact de l’abbé Pierre et de sœur Emmanuelle, qui sont mes maîtres à penser, j’ai appris que l’action était une prière.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ?
Ce sont les contacts avec les gens que je rencontre lors de mes veillées. Ils me révèlent à moi-même et me font grandir.