Ratification du Concordat
Au lendemain du coup d’État du 18 Brumaire, Bonaparte, Premier Consul, sait que pour maintenir l’ordre, il doit régler la crise religieuse qui agite la France depuis dix ans, à cause du vote de la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790. L’alliance avec l’Église catholique est nécessaire pour dissocier la cause de la monarchie de celle d’une religion à laquelle les Français restent généralement attachés.
Le 18 germinal an X (8 avril 1802), le corps législatif de la République française ratifie et promulgue le Concordat qui a été signé le 15 juillet de l’année précédente par Napoléon Bonaparte, Premier Consul, et le pape Pie VII – qui l’a ratifié de son côté le 15 août 1801.
L’annonce du traité avait été prévue pour le grand dîner du 14 juillet 1801 aux Tuileries. Mais un obstacle demeure sur la liberté d’exercice public du culte. Malgré la colère de Bonaparte, les négociations reprennent le 15 juillet, de midi à minuit. Joseph Bonaparte trouve la formule acceptable par tous : « La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France : son culte sera public, en se conformant aux règlements (sic) de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique » (article 1er). Le Concordat est enfin signé. Le précédent concordat, dit concordat de Bologne, remontait à 1516, signé par François Ier et le pape Léon X.
Des articles organiques inattendus
Le jour même de la ratification, le 8 avril 1802, le gouvernement français ajoute unilatéralement une liste d’articles organiques qui règlent l’exercice des cultes catholique et protestant (le judaïsme bénéficiera des mêmes droits en 1808). Ces articles organiques ne seront jamais vraiment acceptés par le Saint-Siège.
Ces 77 articles, destinés à préciser les termes du Concordat, débouchent sur une sévère limitation du pouvoir du Saint-Siège sur le clergé national. Le gouvernement français conserve la mainmise sur l’organisation de l’Église catholique. Le clergé (24 000 personnes) doit lui prêter serment de fidélité. En compensation de la vente des biens ecclésiastiques sous la Révolution, le gouvernement s’engage à rémunérer les ministres du culte. Le nombre de diocèses est réduit de moitié par rapport à l’Ancien Régime. Il n’y en a plus que 60, dont 10 confiés à des archevêques, en France et dans la Belgique annexée.
Les édifices cultuels (cathédrales, églises...) sont « mis à la disposition » des évêques, et les communes doivent procurer au prêtre de la paroisse un presbytère avec jardin. Les articles organiques imposent l’enseignement dans les séminaires des « Quatre Articles » de la déclaration gallicane adoptée par le clergé français en 1682, sous le règne de Louis XIV :
1) Les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité.
2) Les décisions des conciles œcuméniques priment sur les décisions pontificales.
3) Le pape doit respecter les pratiques des Églises nationales.
4) Il ne dispose d’aucune infaillibilité.
Un siècle de paix religieuse
La reconstruction concordataire n’est que partielle : elle ne concerne pas le clergé régulier, ce qui n’empêche pas son développement, en particulier les congrégations féminines. Le Concordat suscite de violentes critiques chez les anciens révolutionnaires, mais il est accueilli avec un immense soulagement dans les campagnes. Il met fin aux guerres civiles et religieuses qui avaient divisé les Français tout au long de la Révolution. Le 14 avril 1802 sort en librairie Génie du christianisme de Chateaubriand. Le livre est une apologie de la religion qui rallie au Premier Consul de très nombreux catholiques.
Le Concordat et les articles organiques vont rester en fonction jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, excepté dans les trois « départements concordataires » que sont le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, qui étaient encore annexés à l’Empire allemand depuis 1871. Ces textes sont toujours en vigueur : prêtres et laïcs en mission, pasteurs et rabbins y sont rémunérés par l’État. Les évêques de Strasbourg et Metz sont nommés par le chef de l’État (de fait, l’Élysée suit désormais le souhait du Saint-Siège). La Guyane française bénéficie également d’un régime particulier : le clergé catholique, et lui seul, est salarié par le Conseil général.