Quel couple pour aujourd'hui ?

Les 29 et 30 novembre derniers, à l'occasion du cinquantenaire de leur Charte, des Equipes Notre-Dame ont tenu un colloque sur le thème : Un mariage pour la vie ! Quel couple pour aujourd'hui ? Analyse et témoignage.

Quelle débandade, quelle chute du mariage ? La cohabitation est maintenant devenue majoritaire en dessous de trente-cinq ans. L’intensité est préférée à la durée , constate Evelyne Sullerot, sociologue et expert international de la famille, intervenant lors du colloque des Equipes Notre-Dame, le 29 novembre dernier. Un constat qui repose sur la comparaison entre les réalités sociologiques du mariage aujourd'hui et ce qu'elles étaient voici 50 ans.

Le professeur Michel Rouche, historien et directeur de l'Institut de la Famille, rappelle, quant à lui, les grandes étapes historiques de la famille, dès 2000 ans avant Jésus-Christ. Il faut attendre 1880 pour que se généralise le couple chrétien traditionnel, où chacun se choisit mutuellement, par amour. Pourquoi si tardivement ? Historiquement, la famille large matriarcale puis patriarcale ignore le couple. L'Eglise, en proposant un modèle de mariage qui repose sur la Révélation, s'est toujours trouvée à contrepied des civilisations qu'elle rencontra. Près d’un siècle après la Révolution française, elle cherche à reconstruire la société et fait alliance avec le courant romantique : l'amour conjugal devient un idéal possible à vivre tandis que le mariage de raison commence à disparaître. Mais ce couple chrétien, à peine éclos, va subir une chute des mariages, à partir de 1970 (cf. Evelyne Sullerot).

Le bilan dressé, les théologiens vont alors s’exprimer sur les principales composantes du couple chrétien. Voici un choix, certes restreint, mais significatif de la teneur de ces interventions.

Le spirituel et le charnel

 La dynamique du spirituel renouvelle le charnel, mais la chair, lieu du don, est renouvelée par la parole d’amour. A travers les épreuves, l’amour charnel devient spirituel , souligne Xavier Lacroix, théologien, auteur du livre Les mirages de l’amour.

La Genèse, les Prophètes ont insisté sur la ressemblance de l'homme et de la femme, ensemble, à Dieu. Alors le mariage, expression de l'union du Christ et de l'Eglise, fait de l'union charnelle le sacrement. Le corps dit alors où est le coeur, précise en substance le père Charles Bonnet, ancien supérieur du séminaire d'Issy-les-Moulineaux.

Pour sa part, Mgr Guy Thomazeau, évêque de Beauvais, Noyon, Senlis, et président de la Commission épiscopale de la Famille, conclut :  La spiritualité conjugale repose sur le mariage, route de sainteté. Ce qui correspond à la découverte que firent le Père Caffarel et les Equipes Notre-Dame lors de leur fondation : aider les couples à cheminer vers la sainteté dans et par le mariage.

Des jeunes s’expriment

Au cous d’une table ronde, deux couples mariés, deux jeunes fiancés et une célibataire donnent leur témoignage. Le mariage ? : Un appel, une évidence à construire  dit un jeune couple, marié depuis quelques mois. Un autre, marié depuis trois ans, est confronté à un problème particulièrement douloureux, celui de la stérilité : J’ose espérer, dit Sabine, que nous formons déjà une petite Eglise. Nous avons aussi la chance d’avoir de vrais amis et des familles respectives très soudées. Ce sont des liens très forts, qui sont pour nous un soutien. 

Clotilde est célibataire, mais pense au mariage :  Je connais quelqu’un et nous formons un projet d’engagement dans l’avenir.  Pourquoi ce projet de mariage plutôt que la voie plus commune du concubinage : Je fonde ce projet sur le témoignage d’aînés qui s’aiment et renouvellent chaque jour leur alliance.

A tous, la préparation au mariage apparaît essentielle :  On nous demande de faire plus d’études, pourquoi ne pas prendre aussi du temps dans la préparation au mariage qui engage un homme et une femme pour la vie ?  Les Centres de préparation au mariage (voir encadré) se présentent comme un des lieux de préparation chrétienne à cet engagement.

Les années 70

Revenons à la crise du mariage qui est au cœur de notre actualité. Considérons le nombre des divorces : en France, au cours des années 1955-1970, on compte un divorce pour neuf mariages ; actuellement, il en survient un sur trois, voire sur deux en région parisienne. Regardons aussi l’importance du concubinage : plus d’un enfant sur trois naît hors mariage, soit 240 000 enfants par an. Quelles sont donc les raisons de cette débandade ?

Cette crise, selon l’analyse de différents intervenants, a commencé dans les années 70, après une phase du développement du mariage (le fameux  baby-boom  dans les années d’après-guerre). On assiste à la naissance d’un nouveau couple, qui correspond à un type d’union très en vogue après 1968, fondé sur le pacte de transparence : on se dit tout (cf. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir). Le sentiment prime. S’il vient à disparaître, l’on se quitte. La liberté sexuelle, le divorce par consentement mutuel voté en 1975, contribuent au développement de cette crise. En fait, ce qui est refusé, souligne Michel Rouche, c’est le mystère de l’autre. On s’attache tellement au sentiment que dès que des crises à l’intérieur du mariage surviennent, on se quitte, on divorce.  Cette liberté de choisir l’autre exige une maturité, une éducation : On demeure adolescent sur le plan psychologique jusqu’à trente ou quarante ans, sans parvenir à se fixer, faute d’une véritable éducation du cœur.

Consciente de ces changements, l'Eglise a encouragé de nombreux mouvements ou cycles de formation chrétiens.

Ce que propose l'Eglise

Dans l’esprit de Vatican II, l’Eglise catholique en France a mis en place, en 1966, le service de la Pastorale familiale, animé par la Commission familiale de l’Episcopat et par le Conseil national de Pastorale familiale, représentant les Mouvements familiaux (voir encadré), dont les Equipes Notre-Dame.

Michel et Monique Rouche font partie de ces Equipes, depuis 35 ans. Au vu et au su des réussites et des problèmes, il y a fortification mutuelle. Le devoir de s’asseoir, l’un des trois points d’effort conseillés par le fondateur des Equipes, le père Caffarel, permet au couple de communiquer en profondeur sous le regard de Dieu , souligne Monique Rouche.

L’Institut de la Famille (1), qu’ils ont fondé en 1986, dépend du diocèse de Paris. Cet Institut propose un cycle de formation, ouvert à tous, jeunes, parents et grands-parents.

Monique et Michel Rouche dirigent aussi la revue Alliance (2), lancée à la demande du pape Paul VI, en 1972. Cette revue présente des dossiers sur le thème de la famille, avec des articles de fond et des témoignages, ce qui permet de considérer à la fois la pratique et l’enseignement.   Nous essayons d’adapter la spiritualité conjugale dans une époque de combats ; de mettre en lumière les liens qui existent entre la fidélité conjugale et la réalité , précise Michel Rouche. C’est dans  Alliance que sont publiés les Actes du Colloque des Equipes Notre-Dame.

Une fécondité spirituelle

Les Rouche sont eux-mêmes parents de quatre enfants. C’est dire qu’ils ont vécu et vivent toujours les joies mais aussi les difficultés de la famille chaque jour, et aujourd’hui plus particulièrement à travers leurs petits-enfants. A la question délicate de la transmission de la foi, ils apportent cette réponse d’un grand réalisme chrétien :   Le passage de la foi des parents aux enfants reste le modèle idéal. Lors de l’adolescence, les jeunes connaissent un moment de refus des parents et de la foi. C’est pourquoi nous avons cru aux relais, comme les communautés scouts. Nos enfants ont tous fait du scoutisme et aujourd’hui, ils transmettent leur foi chrétienne à leurs enfants. Nous avons eu de la chance.

Un message d’espérance, que Michel Rouche résume ainsi :   Il faut axer l’action des chrétiens dans la résolution suivante : l’amour, c’est la vie ; les épreuves sont des preuves d’amour. 

Michel et Monique Rouche gardent un réalisme optimiste, ancré dans leur propre expérience mais aussi dans leur foi profonde en Dieu révélé et en son Eglise :   Oui, malgré les difficultés, les épreuves, le mariage chrétien réussi est possible. Oui, nous encourageons les jeunes dans cette voie. Une conclusion qui trouve son écho dans celle qu’avaient choisie les jeunes au terme de leur table ronde :  Nous sommes heureux d’être mariés.

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(1) Institut de la Famille, Ecole Cathédrale, 8 rue Massillon 75004 Paris. Renseignements : 01 42 34 99 56.

(2) Alliance : 5 numéros par an. Abonnement simple : 240 FF. Pour toute commande de numéros ou abonnement : Alliance 49, rue de la Glacière 75013 Paris, tél. 01 43 31 78 05 ; fax : 01 43 31 77 30.

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Les Equipes Notre-Dame

Les Equipes Notre-Dame regroupent des foyers chrétiens, pour les aider à vivre pleinement leur sacrement de mariage. Chaque Equipe se compose de six foyers environ, accompagnés par un prêtre. Ses membres se retrouvent une fois par mois. Chaque couple, chez lui, est invité à adopter des orientations de vie : prière en famille ; devoir de s'asseoir pour faire le point ensemble et dialoguer en profondeur sous le regard de Dieu ; faire oraison (prière personnelle). Une fois par an, les foyers des Equipes font une retraite spirituelle.

• Historique

1938 : C'est à la demande de quatre couples que l'Abbé Henri Caffarel décide de les aider à vivre leur amour à la lumière de leur foi.

1945 et 1947 : Les groupes de foyers de multiplient et une règle devient nécessaire. La charte des Equipes Notre-Dame voit le jour en 1947 : la spiritualité conjugale s'ébauche. Les Equipes se développent en France, Belgique, Suisse, puis dans le reste de l’Europe, en Amérique du Sud, du Nord et Canada.

1970 : Les Equipes sont encouragées par le pape Paul VI, lorsque 2000 foyers venant de 23 pays se rendent à Rome, puis en septembre 1976.

1979 et 1982 : Le pape Jean-Paul II continue de les encourager (à Rome en septembre 1979 puis en septembre 1982).

1988 : à Lourdes, les Equipes de 45 pays sont représentées.

1994 (juillet) : dans le cadre de l'Année Internationale de la famille, les Equipes Notre-Dame de 49 pays sont invitées aux Noces de Cana.

18 septembre 1996 : le père Caffarel, fondateur du Mouvement, meurt à Troussures.

• Les membres

Dans le monde : 7 456 équipes. 37 000 foyers.

Pour la France, le Luxembourg et la Suisse (super région) : 2 112 Equipes, 9 780 couples, 1 845 prêtres.

Equipes Notre-Dame (END) : 49, rue de la Glacière 75013 Paris. Tél. 01 43 36 08 20. Fax : 01 43 36 05 70.