Quand les voyages forment les parents
Les voyages forment la jeunesse… mais donnent des nuits blanches aux parents ! En ce XXIe siècle qui voit les frontières s’ouvrir – à l’exception notable des situations de guerre ou de pandémie –, les jeunes sont de plus en plus mobiles. Même quand il s’agit de choix personnels impliquant des jeunes issus de milieux aisés, les départs à l’étranger peuvent susciter des réactions contrastées dans la famille restée au pays. Des parents voyant leurs enfants prendre leur envol peuvent ressentir de la curiosité, de la fierté, mais aussi de la frustration, de la douleur… et souvent, en réalité, un mélange de tout cela. Un certain accompagnement psychologique ou spirituel peut s’avérer nécessaire pour « gérer » le stress de la distance et donner du sens à une nouvelle forme de relation et de soutien entre les parents, parfois vieillissants, et leurs enfants adultes.
Ludovic, alsacien né un 11 septembre, a été très marqué par les attentats de New York et Washington survenus le jour de son 24e anniversaire, après son année d’études de commerce au Texas. Voulant contrer toute la rhétorique du choc des civilisations alors en vogue, il a vécu un tour du monde en stop pour mettre en valeur la beauté des liens humains. « De nombreuses personnes m’ont demandé, pendant ce périple, comment mes proches réagissaient à mon tour du monde, se souvient Ludovic. Beaucoup me confiaient que leurs parents ne les laisseraient jamais faire une chose pareille. Moi, je tiens à dire un grand merci à mes parents pour leur ouverture d’esprit et leur soutien moral. L’appui de mes proches fut très important pour moi », raconte-t-il.
Censé durer un an, son tour du monde a finalement duré cinq ans, de 2003 à 2008, le conduisant jusque dans des territoires difficiles d’accès comme l’Antarctique, l’Afghanistan et même la Corée du Nord ! Durant ce long voyage, il a reçu à deux reprises la visite de ses parents, au Brésil et en Chine, partageant donc avec eux quelques moments privilégiés de son étonnante aventure.
Une séquence inattendue se produit en septembre 2005, lors de sa traversée de l’Amérique centrale, quand Ludovic rencontre une jeune femme du Panama. Le jeune Français poursuit son voyage mais la correspondance se poursuit durant plus de deux ans… jusqu’à la célébration de Noël 2007, où Ludovic retrouve par surprise Marisol en Alsace : la jeune femme était arrivée avant lui à la maison, avec la complicité des parents de Ludovic. Après ces retrouvailles familiales, les deux fiancés « bouclent la boucle » de cet incroyable tour du monde, en se rendant ensemble à Val d’Isère le 1er janvier 2008 où se termine formellement l’aventure, là où elle avait commencé cinq ans plus tôt.
Les plus de deux ans de relation à distance ont mis à rude épreuve la patience de Marisol, et quelques allusions de la vie quotidienne témoignent encore aujourd’hui de cette histoire atypique. « Quand je vois le temps que Ludovic met à retrouver sa voiture sur le parking, je ne suis pas surprise qu’il ait mis cinq ans à boucler son tour du monde ! », ironise-t-elle avec tendresse. Mais le soutien des parents de Ludovic a été décisif pour elle, qui a donc été accueillie dans sa belle-famille avant même le retour de son futur mari. Par la suite, leur mariage et la naissance de la petite Ana Laura ont permis de tisser des liens entre les parents de Ludovic et ceux de Marisol, de fervents catholiques, qui ont notamment tenu à venir en France pour le baptême de leur petite-fille.
Les célébrations familiales sont ainsi l’occasion de tisser des liens entre des familles de cultures différentes. Fils d’agriculteur des Hauts-de-France, Charles, muté en Argentine par son employeur français, y a rencontré son épouse, Sofia. Leur mariage a donné lieu à des quiproquos cocasses lorsque les deux familles ont tenté des efforts maladroits d’adaptation linguistique. « La grand-mère de Sofia avait quelques souvenirs du français appris dans son enfance, et elle a fait de gros efforts pour que nous nous sentions bien accueillis, mais avec quelques contre-sens qui nous ont beaucoup amusés », se souvient Héloïse, la sœur du marié, charmée par l’atmosphère chaleureuse de ce mariage en Amérique latine.
La prière en commun, quand la foi unit des personnes de langue différente, donne certainement à ces mariages liés à des expatriations une dimension prophétique. Ils sont ainsi les fruits heureux d’une mondialisation qui peut faire tendre le monde vers la polarisation et le chaos, mais aussi vers une forme de communion.