Propos d’avant-guerre
Au moment de boucler ce numéro, nous nous sommes demandé : faut-il mentionner les menaces de guerre au futur, comme éventuelles, ou au passé, comme déjà advenues ? Le 14 mars était, en effet, une date charnière : au sein des Nations unies, deux positions, l’une favorable à une intervention militaire en Irak, l’autre contraire, étaient appelées à se prononcer face à une superpuissance, décidée à passer outre. En même temps, Eglises chrétiennes, Souverain Pontife et mouvements divers manifestaient leur opposition à tout conflit. « S’agit-il de légitime défense ? », s’interrogeaient les évêques de France. Mais alors où est l’attaque ? S’agit-il d’une guerre préventive contre un régime qui possède des armes de destruction massive ? Il faudrait alors déclarer la guerre contre tous les Etats qui en possèdent, au risque de « mettre le monde à feu et à sang ».
Est-ce coïncidence ou simple hasard ? Le fait est que, en préparant ce numéro, nous avons senti le besoin d’évoquer deux événements tragiques de la Seconde Guerre Mondiale : la persécution contre les juifs, à propos de laquelle l’Eglise catholique, en la personne de Pie XII, est encore aujourd’hui accusée de silence, voire de complicité ; et la somme de souffrances – déchirements internes, trahisons, tortures, vengeances – accumulées pendant cinq années de conflit.
Au sujet du premier événement, nous revenons sur l’action positive du pape Pie XII (pages 6-7). Quant au second, le martyre du Père Placido Cortese (ancien directeur du Messager – en pages 28-31), dont nous vous épargnons les horribles détails, suffit à montrer qu’il n’y a jamais de commune mesure entre les ruines matérielles et morales provoquées par une guerre et les avantages que l’on croit pouvoir en tirer. En outre, l’action du Père Cortese, avalisée par le représentant du Saint-Siège à Padoue, est la preuve du souci de l’Eglise officielle pour le sauvetage de juifs, au moment où ils étaient menacés d’extermination.
Avant de signer cet éditorial, j’ai pensé à cette prière du Psaume : « Le roi n’est pas vainqueur par une grande armée, ni le brave sauvé par sa vigueur… Les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent » (Ps 32,16). Que peut construire la supériorité des armes, fût-elle écrasante, si elle détruit l’homme, ton frère ? Faut-il répondre à la violence par la violence ou prèsenter le visage