Pays d'accueil et migrants
Selon l’Église, la réciprocité est la clé d’une intégration réussie des migrants : ces derniers, tout comme les pays d’accueil, ont des droits autant que des devoirs. Le pape, quant à lui, multiplie les signes de sollicitude envers ces peuples, qu’ils soient Tziganes, réfugiés africains ou étudiants internationaux.
L’une des images les plus frappantes symbolisant l’attachement de l’Église aux migrants restera sans nul doute la rencontre haute en couleurs entre Benoît XVI et les 2 000 Tziganes qu’il avait invités au Vatican, en juin dernier, entre la pudeur du pape allemand et l’exubérance des chants et danses d’Europe de l’Est. Jamais, dans l’histoire récente de la papauté, le peuple gitan n’avait eu droit à une audience d’une telle envergure dans l’enceinte du petit État. L’origine et l’ampleur de cette initiative s’expliquent sans doute par le fait que Joseph Ratzinger a souhaité, une fois encore, dénoncer les persécutions nazies qui ont frappé, parmi d’autres, ces populations nomades.
Avec l’équilibre qui caractérise ses discours, le pape avait aussi mis les Tziganes devant leurs responsabilités, leur demandant d’apporter leur « collaboration efficace et loyale » pour une digne intégration de leurs familles dans le « tissu civil européen ». La recette de cette collaboration ? Rechercher la justice, la légalité et la réconciliation, mais aussi s’efforcer « de ne jamais être la cause de souffrance des autres ».
Le discours du souverain pontife aux Tziganes est révélateur de la ligne de conduite générale de l’Église en ce qui concerne les migrants. Le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement la résume en ces termes : la protection de la dignité de chaque individu, membre d’une même famille humaine, et le respect de la personne au-delà de sa religion ou de la couleur de sa peau vont de pair avec « le respect des normes, de l’identité que rencontre le migrant ».
Le pape n’a d’ailleurs pas hésité, dans son dernier message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, à soutenir le « droit » des États « de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières » au même titre que le respect de la « dignité » de tous.
Réciprocité
C’est donc le concept de « réciprocité » qui prévaut, meilleur moyen pour garantir sereinement l’échange de cultures entre « celui qui accueille et celui qui arrive », confie au Messager de Saint Antoine le père Gabriele Bentoglio, sous-secrétaire du « ministère » du Vatican en charge de cette question.
Difficile, parfois, pour les autorités civiles, de réaliser ce grand écart entre « solidarité » et « respect de la loi » demandé par l’Église. Il suffit de se rappeler les affrontements qui, en janvier 2010 à Rosarno, petite ville du sud de l’Italie, ont opposé une partie des immigrés africains à la population calabraise. On était bien loin de la solidarité manifestée en avril 2011, à quelques centaines de kilomètres de là, par les habitants de l’île de Lampedusa envers les réfugiés fuyant le Maghreb, pourtant très nombreux au regard de ces insulaires. Une solidarité citée en exemple par le pape lui-même.
Depuis le début du « Printemps arabe », qui s’est accompagné de l’arrivée en Europe de réfugiés fuyant les répressions sanglantes en Afrique du Nord, on sent d’ailleurs une Église particulièrement touchée par le sort de ces clandestins qui tentent, au péril de leur vie, la traversée désespérée de la Méditerranée à bord d’embarcations de fortune. Tant et si bien que ces tragédies ont influencé le contenu des discours de Benoît XVI de ces derniers mois.
La tonalité des textes du pape était tantôt tragique, comme à Pâques, où il sollicitait « la solidarité de tous » à l’égard des « nombreux exilés contraints de laisser leurs affections les plus chères », tantôt prophétique, comme lors de son voyage à Venise, début mai. Dans la cité lagunaire, carrefour entre l’est et l’ouest de l’Europe mais aussi voie d’accès vers le nord du Vieux continent pour les populations venues d’Afrique, le pape invitait les habitants de la Sérénissime à ne pas se laisser entraîner par « la peur des autres, des étrangers et des personnes venant de loin » vers leurs terres.
Au Vatican, on tient toutefois à souligner que la question des réfugiés ne constitue que l’un des multiples domaines de travail du Conseil pontifical pour la pastorale des personnes en déplacement, à égalité, pour ne citer que quelques exemples, avec le tourisme, l’aviation civile, les gens du cirque ou encore la pastorale de la route.
Les étudiants attendus à Rome
Il n’en reste pas moins que le sort de ces réfugiés occupe une place de choix dans la production écrite du Vatican. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ce thème est présent dans cinq des six messages pour la Journée mondiale du migrant publiés sous le pontificat du pape allemand. Ces messages, il est vrai, font aussi la part belle à deux autres catégories de migrants : les travailleurs et les étudiants internationaux.
Ces derniers feront d’ailleurs d’ici peu l’objet d’un congrès mondial, le troisième de ce type et le second organisé par le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement depuis l’élection du cardinal Ratzinger au trône de Pierre.
Rendez-vous a été donné à Rome, du 30 novembre au 3 décembre, à des étudiants du monde entier « qui vivent sur leur peau d’être immigrés, mais avec des difficultés, comme celle de la langue », précise le père Bentoglio. Ces étudiants – Africains, Sud-Américains et Asiatiques pour la plupart – reçoivent actuellement une formation à l’étranger à laquelle ils n’ont pas accès dans leur pays. Le plus souvent, c’est avec un doctorat en poche qu’ils reviennent ensuite chez eux. Lors de ce congrès, ces dizaines de jeunes auront le privilège d’assister au cours d’un illustre enseignant : le Saint-Père en personne
La droit à émigrer
« Jean-Paul II souligna “que le bien commun universel englobe toute la famille des peuples, au-dessus de tout égoïsme nationaliste. C’est dans ce contexte qu’il faut considérer le droit à émigrer.
L’Église reconnaît ce droit à tout homme, sous son double aspect : possibilité de sortir de son pays et possibilité d’entrer dans un autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie.”
Dans le même temps, les États ont le droit de réglementer
les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. »
Message de Benoît XVI pour la 97e Journée mondiale du migrant et du réfugié (16 janvier 2011)