Mon curé est étranger
Polonais, congolais, vietnamiens… les prêtres venus d’ailleurs sont de plus en plus nombreux
en France. Présents pour différentes raisons, leur présence apporte créativité et dynamisme dans les communautés qui les accueillent. Et donne à voir un visage différent du sacerdoce.
1472 précisément. C’était le nombre de prêtres étrangers en France au 1er avril 2010. Ils représentent ainsi 13 % du clergé français. Une proportion en constante augmentation depuis une trentaine d’années. En 1995, par exemple, ils n’étaient que 213. Autre changement de fond, on retrouve ces prêtres dans tous les diocèses. Si auparavant les prêtres étrangers se concentraient surtout à Paris et dans les grandes villes universitaires (Lille, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Angers) car ils venaient pour poursuivre leurs études, aujourd’hui, ils maillent tout le territoire.
Qui sont-ils ? Un tiers sont étudiants. Ils sont rattachés à une paroisse ou un secteur paroissial. Même si leur priorité reste les études, ils donnent un peu de leur temps à la mission pastorale. Les autres sont des prêtres Fidei Donum(1), des prêtres religieux, des réfugiés, ou ils sont venus pour se faire soigner. Les raisons de leur présence en France sont donc nombreuses. Mais quasiment tous ont signé un accord entre leur diocèse d’origine et le diocèse français qui les accueille. Et à quelques exceptions, leur mission est limitée dans le temps. La moitié d’entre eux viennent d’Afrique, et surtout d’Afrique francophone. Les autres arrivent d’Inde, du Vietnam, de Corée ou de Pologne.
Accueillir leur différence
Face à cet afflux qui résulte tant des sollicitations des Églises étrangères que du besoin de prêtres, l’Église de France s’occupe de les aider lors de leur arrivée. Depuis 2001, elle a mis en place des sessions d’accueil : les sessions Welcome.
Chaque année, la cellule d’accueil des prêtres, religieux et religieuses en service pastoral réunit pendant une semaine, les nouveaux arrivants. Ces rencontres veulent permettre une réflexion sur les premières découvertes de la société française, laïque et sécularisée, et de l’Église de France et de ses réalités pastorales. « Les nouveaux missionnaires sont ainsi introduits aux aspects concrets de la pastorale en France et des perspectives missionnaires de l’Église qui les accueille », explique le père Jean Mpisi, prêtre congolais qui œuvra quelques années en France et auteur de Prêtres africains en Occident, leur ministère et restrictions vaticanes à leur séjour(2).
Pour le père Jean Forgeat, directeur adjoint du Service national pour la mission universelle de l’Église et responsable de la cellule d’accueil des religieuses, religieux, prêtres étrangers en service pastoral en France, « leur présence est une nouvelle réalité de Fidei Donum. Ils font vivre les échanges entre Église ». Et permettent de toucher du doigt la dimension universaliste de l’Église catholique. Les chrétiens où qu’ils résident, témoignent du Christ en tous lieux et auprès de tous. « Leur présence et leur témoignage ouvrent les chrétiens à la solidarité internationale que ce soit par la prière ou l’aide financière, explique le père Jean Forgeat. Enfin, l’Église de France apprend à connaître l’Église d’ailleurs. Grâce à leur présence, des liens fraternels se créent entre diocèses, comme par exemple entre celui de Chambéry et celui de Ouagadougou au Burkina Faso ».
Changement de regards
Souvent jeunes, leur moyenne d’âge étant de 35-40 ans, contre 60 ans pour les prêtres français, ces prêtres offrent un nouveau visage au sacerdoce. Leur dynamisme peut séduire et permettre de rajeunir une communauté paroissiale. Ils peuvent attirer des jeunes. Mais leur présence, si elle tend à atténuer la baisse du nombre de prêtres en France, ne doit pas remplacer l’appel aux vocations et le travail des diocèses dans ce sens.
« Ce que je trouve particulièrement intéressant, ce sont nos échanges d’expériences, explique le père John Mac Lellan, curé du secteur du Val D’Orge pour le diocèse d’Evry, qui a déjà accueilli « une bonne dizaine de frères dans le sacerdoce ». Expériences pastorales par exemple, « En France, si on redécouvre l’importance des petites communautés de base pour lire l’Évangile, partager la Parole ; les prêtres étrangers n’y sont pas pour rien », estime le père Jean Forgeat. En effet, ces pratiques sont courantes dans certains pays où ils doivent s’occuper de milliers de fidèles et de nombreuses paroisses qu’ils ne peuvent visiter tous les dimanches.
Pour le père Jean Mpisi, le prêtre africain « évangélise les Occidentaux avec son cœur et son âme. Il n’a nullement peur de réveiller les consciences qui se sont endormies, de dire que la foi se meurt, et que celle-ci a besoin de souffler pour rayonner… ». Leur tradition liturgique peut déteindre avec le temps dans la paroisse où ils officient. « À leur départ, certains ont fait bouger les habitudes : qui de bouger un peu au moment de l’offertoire, qui de reprendre un alléluia en lingala (principale langue congolaise) », rapporte le père Jean Forgeat.
Enfin, « leur seule présence en tant que prêtre en France peut être une reconnaissance pour les communautés locales africaines ou asiatiques, affirme le père John Mac Lellan, qui accueille en ce moment deux prêtres étrangers ». Mais, ils ne sont pas systématiquement envoyés dans des secteurs paroissiaux où la présence de croyants d’origine étrangère est forte.
1) En 1957, Pie XII dans son encyclique Fidei donum invite les évêques à porter avec lui « le souci de la mission universelle de l’Église », non seulement par la prière et l’entraide, mais aussi en mettant certains de leurs prêtres et fidèles à la disposition de diocèses d’autres continents. Les prêtres envoyés, restent attachés à leur diocèse d’origine et y reviennent après plusieurs années passées en mission (souvent 3 ans renouvelables une fois). À l’époque, ces prêtres étaient surtout des prêtres du Nord qui partaient en mission dans le Sud.
2) Jean Mpisi, Prêtres africains en Occident, leur ministère et restrictions vaticanes à leur séjour, L’Harmattan, 2008.
Ouvrir les portes
Je m’adresse à toutes les Églises particulières, jeunes et anciennes. Le monde est en train de s’unifier toujours davantage. L’esprit de l’Évangile doit conduire à surmonter les barrières des cultures, des nationalismes, écartant toute fermeture. Benoît XV donnait déjà cet avertissement aux missionnaires de son époque : ne jamais « oublier sa dignité personnelle au point de penser davantage à sa patrie terrestre qu’à celle du ciel ».
La même recommandation vaut aujourd’hui pour les Églises particulières : ouvrez les portes aux missionnaires, car « toute Église particulière qui se couperait volontairement de l’Église universelle perdrait sa référence au dessein de Dieu ; elle s’appauvrirait dans sa dimension ecclésiale ».
Jean-Paul II, 7 décembre 1990, encyclique Redemptoris Missio, (Sur la valeur permanente du précepte missionnaire).