Matteo Ricci, un jésuite à la cour de Chine

17 Septembre 2012 | par

En Chine, seuls deux étrangers ont l’honneur d’être considérés comme des pères de l’histoire du pays, et ce sont deux Italiens. Sur l’immense fresque du Monument du Millenium érigé à Pékin pour le passage au XXIe siècle, on peut voir Marco Polo et Matteo Ricci, un télescope à la main et un astrolabe à ses pieds, habillé en mandarin confucéen. Né à Macerata le 6 octobre 1552 dans une famille aisée (son père est pharmacien) Matteo est l’aîné de treize enfants. Brillant, doué d’une mémoire exceptionnelle, il apprend le grec et le latin au collège de Jésuites de sa ville et entame des études de droit à Rome. Il entre au noviciat des Jésuites en 1571, malgré l’opposition de son père.

Se sentant une vocation de missionnaire, il quitte Rome pour Lisbonne en 1577, d’où il embarque pour Goa, en Inde. Saint François-Xavier avait indiqué dans son testament spirituel que le point de départ de la christianisation de l’Extrême-Orient devait être la conversion de la Chine, source de toute sagesse.

 

L’immersion dans l’univers chinois

Dès son arrivée à Macao, le 7 août 1582, Matteo Ricci se met à l’étude du chinois. Au bout de trois mois, il se sent déjà à l’aise. Il revêt le costume des moines bouddhistes, se rase la tête et fait la triple prosternation devant le gouverneur. Avec son compagnon jésuite, Michele Ruggeri, il élabore le premier dictionnaire chinois en langue occidentale, un glossaire portugais-chinois, et invente la transcription en lettres latines des sons chinois. Il va par la suite adopter le costume des lettrés chinois, se laissant pousser la barbe et les cheveux. On l’appelle « Li Madou » (Matteo devenant Madou).

En 1599, il est le premier Européen à être invité à la cour impériale de Pékin, auprès de l’empereur Wanli. Après six mois de navigation sur le canal impérial, il arrive à la Cité Interdite le 14 janvier 1601, porteur de nombreux cadeaux dont une épinette, une mappemonde et deux horloges à sonnerie. En 1605, les Jésuites achètent une propriété à Pékin et y bâtissent une église. Les conversions augmentent, tout en faisant naître de vives jalousies parmi les moines bouddhistes.

Depuis cette époque, Matteo Ricci incarne dans la mémoire collective chinoise le premier étranger à s’être totalement plongé dans l’univers chinois. Son ouvrage le plus célèbre reste le Tianzhu Shyi, le véritable sens du Seigneur du ciel, une catéchèse en forme de dialogue entre deux sages d’Orient et d’Occident.

 

La méthode Ricci

Dans un souci d’efficacité, il adopte une ligne de conduite connue comme la « méthode Ricci », définie par quatre principes directeurs :

1 - L’adaptation culturelle :

Apprendre les langues, adopter les mœurs locales. Ricci traduit quatre livres de Confucius pour démontrer que ce maître croyait en l’unité de Dieu, à l’immortalité de l’âme, tout en affirmant toujours la supériorité du Christ.

2 - Évangéliser par le haut :

Les Jésuites s’adressent à l’élite instruite, estimant que si l’empereur et sa cour se convertissent, l’ensemble du pays se ralliera au Christianisme.

3 - La propagation indirecte de la foi :

La présentation des sciences et techniques européennes doit persuader les Chinois instruits de l’avancement et de la respectabilité de la civilisation européenne.

4 - Un comportement irréprochable : Les premiers convertis considèrent Ricci et les autres Jésuites comme de vrais disciples des Sages et l’on s’étonne de voir ces barbares obéir à des normes éthiques aussi élevées tout en s’efforçant de servir la société.

Il meurt à Pékin, le 3 mai 1610, à l’âge de 57 ans, ayant reçu de l’empereur lui-même le privilège d’être enterré sur place, en dehors de la porte de l’Ouest. Détruit, violé, restauré, ce site existe toujours. Ricci laisse à la mission de Chine quatre résidences, huit missionnaires, huit frères chinois et 2 500 chrétiens. Aujourd’hui, la Chine compte une communauté de 63 millions de chrétiens, dont 15 millions de catholiques. 

Updated on 06 Octobre 2016