Martin Luther King, le rêve assassiné
Quand le pasteur Michael King décide en 1934 de changer son prénom ainsi que celui de son jeune fils Michael Junior en Martin Luther, il est loin de se douter du caractère prémonitoire de son geste. À l’instar de son illustre homonyme, Martin Luther King Junior va devenir l’un des plus grands protestataires du XXe siècle. Sa lutte victorieuse contre la ségrégation de la communauté noire américaine aura néanmoins un prix, celui de sa vie.
Martin Luther King est né le 15 janvier 1929 dans une famille de pasteurs baptistes d’Atlanta (Géorgie). Adolescent, il se passionne pour Gandhi qui inspire son approche non-violente. Élève très doué, il obtient un doctorat de théologie en 1955. En 1953, il devient pasteur à Montgomery (en Alabama) à une période marquée par de nombreuses violences racistes, et c’est de là que tout va partir.
Le 1er décembre 1955, épuisée par sa journée de travail, Rosa Parks, une couturière noire, refuse de céder son siège à un Blanc dans l’autobus comme le lui imposait la règle du « séparés mais égaux », en vigueur depuis 1896. Martin Luther King fait partie de ceux qui décident de mener le boycott des autobus de la ville. Ses discours sont très remarqués.
La redoutable efficacité de la non-violence
Pendant 382 jours, les Noirs auront recours au covoiturage ou se rendront au travail à pied, effectuant parfois jusqu’à 30 km par jour. L’attaque de sa maison par une bombe incendiaire donne à King un avant-goût des violences qu’il aura à subir tout au long de sa vie. La ville de Montgomery, asphyxiée financièrement, finira par céder et le 21 décembre 1956, la Cour Suprême déclare la ségrégation illégale, dans les lieux publics, les restaurants, les écoles...
En janvier 1957, avec 60 pasteurs et activistes civils, il fonde la Southern Christian Leadership Conference (SCLC, Conférence des dirigeants chrétiens du Sud) pour faire entendre l’autorité morale et organiser le pouvoir des Églises afro-américaines dans une démarche de désobéissance civique non-violente.
Martin Luther King décide en 1960 de porter son combat à Birmingham (Alabama), qui compte 35 % de population noire et où la loi locale fait sévir la plus grande ségrégation raciale des États-Unis. La ville a été surnommée Bombingham car on y compte une cinquantaine d’attentats racistes impunis depuis 1945.
King lance un boycott des commerces à Pâques 1963, réprimé à coup de lances à incendie et de chiens policiers. Il est arrêté le 13 avril 1963 et écrit une lettre célèbre depuis sa prison où il définit sa lutte. Soutenu par le président Kennedy en personne, il est libéré une semaine plus tard. Le maire finit par démissionner le 21 mai et toutes les pancartes ségrégationnistes sont retirées.
Dans la foulée, il décide avec ses équipes d’organiser une manifestation pacifique de masse à Washington afin de montrer la situation désespérée des Afro-Américains des États du Sud et l’échec du gouvernement fédéral à assurer leurs droits et leur sécurité.
Certaines voix, plus radicales, s’opposent à lui, dont celle de Malcolm X qui préconise une lutte plus frontale et violente.
La marche est un immense succès. Plus de 250 000 personnes sont réunies le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial où il prononce son plus célèbre discours, I have a dream : « Je fais un rêve qu’un jour, les petits enfants noirs et les petits enfants blancs joindront leurs mains comme frères et sœurs…»
Un combat épuisant
Cependant, la violence reprend. Le 15 septembre, une bombe tue quatre petites filles dans une école de Birmingham. Mais les temps changent. Le nouveau président, Johnson, bien que n’ayant guère de sympathie pour King, signe en sa présence, le 2 juillet 1964, la loi sur les droits civiques qui met fin à toute forme de ségrégation, puis cinq mois plus tard, le Voting Act, accordant le droit de vote sans restriction. Le 14 octobre 1964, Martin Luther King reçoit le Prix Nobel de la Paix.
On commence à parler de Black Power. La lutte continue, mais de façon plus violente. King est parfois dépassé d’autant plus qu’à partir de 1965 il veut combattre toute forme de pauvreté, quelle que soit la couleur de peau, ainsi que la guerre au Vietnam.
En 1968, King est un homme fatigué (son autopsie révèlera qu’à 39 ans, il avait le cœur d’un homme de 60 ans), et un peu découragé. Il s’engage dans une dernière croisade aux côtés des grévistes de la ville de Memphis (Tennessee). Le 3 avril, il fait un discours prémonitoire : « J’ai vu la Terre Promise, mais je n’y serai sûrement pas avec vous… ». Le 4 avril, il est abattu d’un tir de balles alors qu’il se tenait sur le balcon du Lorraine Motel (qui deviendra le Musée des Droits Civiques). Le président Johnson déclare un jour de deuil national (une première pour un Noir) et 300 000 personnes assistent à ses funérailles. L’assassin, James Earl Ray, est un repris de justice blanc, arrêté à Londres deux mois plus tard. En 1974, c’est sa propre mère qui sera assassinée.
Cinquante ans après sa mort, il demeure une figure mythique. Mais malgré l’élection du président Obama, les Noirs, 13 % de la population
totale, représentent toujours 27,6 % des Américains vivant sous le seuil de pauvreté. La Terre Promise rêvée par Martin Luther King reste encore à atteindre.