Marie, tu nous entraînes
« Si, accablé par l’énormité de tes crimes, confus de la laideur de ta conscience, effrayé par l’horreur du jugement, tu commences à t’enfoncer dans le gouffre de la tristesse, dans l’abîme du désespoir, pense à Marie. » Cette prière de saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) est un bel hymne à la gloire de la Vierge. Le docteur de l’Église avait une dévotion toute particulière pour Marie et d’ailleurs toutes les églises cisterciennes sont dédiées à la mère du Christ.
Comme saint Bernard, de très nombreux croyants accordent une place à part à Marie. Le culte rendu à la Vierge est d’ailleurs tellement important pour les catholiques qu’il porte un nom spécifique : l’hyperdulie, par rapport à la dulie (d’un mot grec signifiant « serviteur ») qui est le culte rendu aux autres saints. Cette dévotion spéciale est aisément compréhensible. Marie n’est-elle pas celle que le Christ lui-même nous a donnée comme mère, dans ses toutes dernières paroles avant de mourir sur la Croix ? « Femme, voici ton fils. Voici ta mère. » (Jn 19, 26-27) Quel plus beau don pour l’humanité qu’une mère aimante ?
Heureuse es-tu !
Dans la Bible, Marie est étonnement silencieuse. Seulement sept de ses paroles sont rapportées dans les Évangiles. Néanmoins, presque toutes sont devenues de véritables prières, comme son fiat (« que tout m’advienne selon ta parole », Lc 1, 38) ou le Magnificat (Lc 1, 46-55). Mais des paroles de la Vierge, la plus forte est peut-être celle lancée aux serviteurs à qui s’adressait Jésus lors des noces de Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faîtes-le » (Jn 2, 5). À la fois conseil mais aussi parole d’autorité, cette phrase de Marie peut surprendre, mais elle peut la prononcer car elle se l’applique avant tout à elle-même.
C’est d’ailleurs ce que Jésus affirme dans un autre passage de l’Évangile, qui paraît souvent froid de prime abord. « Comme Jésus disait cela, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : “Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri !” Alors Jésus lui déclara : “Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu, et qui la gardent !” » (Jn 11, 27-28) Par cette phrase pour le moins déroutante, Jésus explique que la vraie sainteté de Marie n’est pas tant d’être sa mère, mais d’avoir écouté et respecté la Parole de Dieu. La Vierge n’est pas sainte en raison de la sainteté de son fils, mais elle est sainte car elle agit saintement, faisant sienne la volonté de Dieu ! Cette phrase du Christ prend tout son sens avec le mystère de l’incarnation : Marie est celle qui a accueilli la Parole de Dieu en son sein et l’a fait naître à sa nature humaine.
Mère de Dieu et des hommes, Marie est donc un exemple donné à tous. Humblement, elle a toujours dit « oui » au Seigneur. Les représentations antiques de Marie et de Jésus montrent bien cette attitude : la Vierge, bien que couronnée, a la main dirigée vers son fils, pour montrer que la prière qu’on lui adresse passe par elle mais est dirigée vers le Christ. Comme le disait saint Bernard, « toute louange à la mère appartiendra au Fils ». « Lorsque nous parlons de Marie, la louange, les titres de louange ne suffisent jamais, mais ils ne touchent pas du tout son humble condition de disciple », expliquait le pape François lors d’une messe pour la fête de Notre-Dame de Guadalupe, patronne de l’Amérique latine.
Un prêtre aimait à souligner l’efficacité de la prière mariale : quel fils refuserait ce que lui demande sa mère ? Alors comment Jésus n’exaucerait-il pas les prières adressées à sa mère ? Comme le dit ce refrain de prière universelle, « Ô Marie, prends nos prières, Purifie-les, complète-les, Présente-les à ton fils », prier la Vierge, c’est avoir l’assurance d’avoir la meilleure avocate (comme le dit le Salve Regina) qui plaide notre cause. Avocate d’autant plus efficace qu’elle nous précède sur le chemin et en connaît les difficultés.
L’influenceuse de Dieu
Marcher à la suite de Marie est d’ailleurs la voie que le pape François a choisi d’enseigner aux jeunes, à travers les thèmes des rassemblements des Journées mondiales de la jeunesse. L’an dernier, pour la rencontre au Panama, le thème était ainsi « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ». Pour la prochaine édition, qui aura lieu à Lisbonne (Portugal) à l’été 2022, il sera « Marie se leva et partit avec empressement » (Lc 1, 39). Pour le Souverain pontife pas de doutes, la Vierge est véritablement un modèle à suivre. Et pour cela, il n’a pas hésité à leur montrer que Marie n’était pas une image surannée et figée du XIXe siècle, mais une figure toujours actuelle et proche de toutes les générations. Au Panama, il a ainsi affirmé que Marie était « l’influenceuse » de Dieu, mot qui décrit généralement les jeunes femmes qui lancent des tendances via les réseaux sociaux. Une comparaison audacieuse, mais qui par son côté « formule-choc » permet aux jeunes de se rapprocher de leur mère du Ciel.
« La première en chemin, Marie tu nous entraînes, à risquer notre oui aux imprévus de Dieu », affirme un chant souvent repris dans les paroisses. Le mois de mai est l’occasion de se rapprocher de la Vierge qui nous guide sur le chemin et qui a toujours un regard profondément maternel. Comme l’affirmait saint Bernard dans une autre prière : « Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé votre intercession, ait été abandonné de vous ».