Marcher dans les pas du Christ
Dans quelle famille avez-vous grandi, frère Jack ?
Je suis né en Australie, de parents croates qui avaient quitté leur pays d’origine très jeunes. Ils se sont rencontrés à Sydney où j’ai grandi dans un foyer chrétien. Mon adolescence n’a pas été un long fleuve tranquille. Je me suis perdu dans la drogue et éloigné de Dieu.
Et puis, un appel, une conversion dont vous parlez en filigrane dans votre livre, Marcher vers l’inconnu1…
Quand Dieu fait irruption dans votre vie et qu’il touche votre âme, cette rencontre est indescriptible. Le 30 août 2001, j’ai 21 ans, ma vie bascule en l’espace d’une soirée. « I want you to be a brother » (Je veux que tu deviennes un frère, ndlr) : ces paroles s’impriment dans mon cœur. Je sais que le Seigneur me parle. Je tombe à genoux. En quelques jours, je quitte mon travail et rejoins les frères franciscains de Melbourne. C’est là que débute ma vie religieuse.
Marcher vers l’inconnu, coécrit avec Claire Denoël, est un fioretti de missions franciscaines. Pourquoi un livre ?
Cela fait plus de 10 ans que je pars en mission. J’avais beaucoup de rencontres à raconter. J’ai parlé de mon projet de livre à Claire Denoël, une amie du couvent. Écrire ce livre en tandem fut une véritable aventure - ni elle ni moi n’avions écrit de livre ! - humaine et spirituelle, un fruit inattendu du confinement Covid ! Grâce à sa rigueur et à sa sensibilité de femme croyante engagée dans le service social et dans l’Église, mes expériences de mission ont pu être mises par écrit. Claire a découvert avec enthousiasme saint François. Nous avons choisi ensemble les textes franciscains qui parsèment le livre.
La mission itinérante, pourquoi ?
Depuis que j’ai rencontré le Dieu de Jésus, une parole me porte : « Je ferai de toi la lumière des nations et tu porteras mon salut jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). Partir avec un sac à dos, sans argent, pour aller à la rencontre des gens, c’est ma manière de répondre à cet appel, d’apporter la lumière du Christ à ceux qui veulent bien m’accueillir. Mais je n’ai rien inventé ! C’est une tradition franciscaine qui date de plus de 800 ans. Comme beaucoup d’autres, je suis convaincu que saint François et sa spiritualité sont toujours d’une grande actualité aujourd’hui.
Vous ne seriez pas le frère franciscain que vous êtes si…
Si je n’avais pas rencontré le frère Paul, un frère mineur de la communauté de Palestrina. C’est avec lui que j’ai fait ma première mission franciscaine. Grâce à lui, j’ai découvert un style de mission que je croyais réservé au passé. Il m’a donné les clés pour vivre une spiritualité franciscaine adaptée à aujourd’hui. Avec le temps, j’ai mis cela à ma sauce en y ajoutant la musique et le chant qui ont pour moi une place importante dans la mission. L’instrument de musique « handpan » a été un facilitateur de rencontres, comme vous le découvrirez dans le livre. L’année dernière, je me suis mis à la guitare. Elle apporte de la puissance et du dynamisme à la prière. Et puis, la musique, c’est bien franciscain !
Le livre regorge de rencontres belles et improbables. Un avant-goût ?
Dans le livre sont évoquées des rencontres faites tout au long de 10 années d’évangélisation à travers l’Europe. On dort sur des cartons devant la basilique Saint-Pierre, on fait la connaissance de jeunes punks espagnols qui sortent de prison, des billets de train nous sont offerts par des inconnus, un sac de couchage prêté par un migrant au parc Maximilien à Bruxelles…
Comment vous ressourcez-vous en mission ?
La prière fait partie intégrante de notre vie franciscaine. Nous prions ensemble en communauté, et quand nous sommes en mission, nous prions tous les offices comme au couvent, mais nous cherchons toujours à le faire dehors, dans le monde. Nous sentons que nous pouvons louer et adorer Dieu partout. Nous vivons des rencontres fortes et intenses en mission, et à certains moments, nous avons besoin de silence, de recul pour remettre tout entre les mains de Dieu. Les églises sont pour nous des lieux de repos, de méditation, de prière individuelle.
La prière est le fondement de mon existence : elle est aussi vitale que ma respiration ou qu’une bonne nuit de sommeil. Sans la prière, je ne fonctionnerais pas.
Qu’est-ce qui vous rend particulièrement heureux en mission itinérante ?
La prise de conscience que dans la vie, tout est don. C’est ce que nous vivons dans nos tripes grâce à la mendicité franciscaine. Quand on est mendiant, rien n’est dû, tout est cadeau, donné gratuitement pour être reçu avec gratitude. Cette expérience est une école de vie, une attitude qui peut être cultivée au quotidien.
Les rencontres vraies et profondes avec Dieu et les autres me rendent heureux. Quand après un témoignage, un partage, les personnes nous demandent de prier pour elles et avec elles. Heureux aussi quand, en marchant, nous sentons que toute la Création s’unit à notre prière. Tout nous parle de Dieu et renvoie vers la bonté du Créateur.
Quel Jésus découvre-t-on dans le livre ?
Un Jésus qui n’est pas confiné dans nos églises, un Jésus aux périphéries existentielles et géographiques. Chaque fois que je lis l’Évangile, je vois Jésus perpétuellement en chemin, passer de villages en villages, chercher la rencontre, se mettre à table avec les publicains, les marginalisés... Je sens que je touche par la mission itinérante quelque chose de sa vie et de son ministère.
1. Marcher vers l’inconnu. Fioretti de missions franciscaines, Frère Jack Mardesic avec Claire Denoël éditions Emmanuel, 2021, 180 p.