Maman d'ado
« Nous ne le reconnaissons plus ! » Les bouleversements physiques et psychiques que subit l’adolescent ébranlent également ceux qui l’entourent. La mère est bien souvent en première ligne : incarnation de la sécurité de l’enfance, elle est mise à rude épreuve mais conserve un rôle fondamental.
Notre adolescent vit désormais en terre de contradictions : en un an, il a grandi de 15 centimètres et chausse désormais du 44… mais il ne sait pas encore ce que c’est qu’un adulte. Il est mû par la nécessité d’acquérir son indépendance, mais a toujours besoin du refuge que constitue le foyer.
Pour se construire, il remet tout en cause – à commencer par ce qu’ont établi ses parents – mais dans le même temps il les imite. L’expérience a de quoi être déroutante : il faut comprendre dans ses actes et ses dires tout le contraire des apparences. Il lance des phrases assassines, rentre tard sans prévenir ? C’est pour mieux mesurer l’attachement que lui vouent ses parents.
Moments pénibles
Cette « gymnastique à l’envers » est bien facile pour qui se situe à l’extérieur de la famille… lorsque l’on est parent, c’est autrement plus douloureux !
La mère, en particulier, passe du tout au rien. Il y a peu en effet, elle vivait la fusion avec cet enfant qui n’était encore qu’un fœtus, puis un nouveau-né. Maintenant qu’avec l’adolescence, il fait le deuil de l’enfance, elle est invitée, de manière plutôt rude, à s’y livrer aussi. Elle qui a tant porté de soin, en particulier, au corps de son enfant, voit maintenant celui-ci transformé par la croissance pubertaire et par des modes adolescentes parfois hasardeuses.
Cela se complique d’autant plus qu’on observe souvent chez les adolescents un retour du complexe d’Œdipe : il arrive alors qu’elle doive faire face à une rivalité renouvelée de la part de sa fille, ou au contraire qu’elle ait à prévenir les conséquences d’une trop grande proximité avec son fils. Dans les deux cas, c’est le couple des parents qui est mis à l’épreuve, et qui doit rester uni dans la tempête.
Hier et aujourd’hui
On les connaît, ces textes antiques qui vilipendent la jeunesse de leur temps et voient en elle une menace pour l’avenir. Ils ont le mérite de faire sourire sur cette expérience perpétuelle des générations en conflit, et de conduire à observer sa propre histoire – cela donne de quoi relativiser et prendre patience !
Aujourd’hui, de nouveaux éléments viennent toutefois complexifier la donne. D’abord, les mères qui élèvent seules leurs enfants ont souvent la vie dure, car la situation peut exacerber la violence des confrontations.
Le refus des responsabilités peut aussi conduire les parents au copinage. Mais l’adolescent s’oppose et critique pour recevoir une réponse parentale ; l’en priver, c’est refuser de lui fournir le « cadre » qu’il recherche.
L’exemple de Marie
Si « élever » un enfant ne peut avoir d’autre but que le mettre debout pour qu’il fasse sa propre route, ce moment de séparation nécessaire est forcément douloureux. Ici encore, Marie est pour nous un modèle d’humanité : de l’angoisse ressentie lors de la perte de Jésus au Temple lorsqu’il avait douze ans à son rôle déterminant dans son début de vie publique à Cana (scène que Françoise Dolto n’hésite pas à comparer à un accouchement), elle nous guide sur des voies de liberté.
Le rôle des parents
« Changez de statut : vous étiez parents-acteurs, vous allez devenir parents-observateurs. Les parents qui interviennent trop dans la vie de leur adolescent, qui le réprimandent beaucoup, “sèment” la tempête. […]
C’est votre capacité d’observation qui lui permet de devenir adolescent puis adulte. Si vous ne modifiez pas l’idée que vous vous faisiez de lui, vous le maintenez, malgré lui, dans un statut d’enfant. Il va donc s’opposer à vous, plutôt violemment. Observez-le, prêtez attention à ce qu’il dit, à ce qu’il pense, bref à tout ce qui le transforme. […]
Sachez que c’est en vous écartant que votre adolescent pourra se rapprocher. »
Pr Marcel Rufo, Comprendre l’ado