Luigi Scrosoppi, le saint du sida
Il s’appelle Luigi Scrosoppi. Prêtre italien, né à Udine (Italie) le 4 août 1804 et mort dans cette même ville le 3 avril 1884, il était connu comme le prêtre des pauvres, l’apôtre des enfants abandonnés, le secours des fillettes pauvres, le fondateur des Sœurs de la Providence. Mais, depuis qua la guérison miraculeuse d’un malade du sida, attribuée à son intercession, a été retenue par la Congrégation pour la cause de saints pour son procès de canonisation, il est devenu le saint, le protecteur, l’espoir des malades victimes du sida.
« Donner ma vie aux pauvres »
Le père de Luigi, Dominique, était un orfèvre apprécié ; Antonia Lazzarini, sa mère, était issue d’une famille aisée ; l’enfant eut donc une enfance sereine et reçut de ses parents une éducation riche d’enseignements religieux. Ses deux autres frères choisirent, eux aussi, la vie sacerdotale.
Entre 1814 et 1816, le Frioul connut des perturbations atmosphériques qui mirent la région à dure épreuve : une grande sécheresse suivie d’une saison de grosses pluies ruina la récolte pour trois années consécutives, provoquant une grave disette, faim, misère et perte d’une grande partie du bétail. A cela s’ajoutèrent des épidémies de typhus et de variole qui décimèrent la population. De nombreuses familles furent entièrement détruites laissant une foule d’orphelins vaguant dans les villes à la recherche de nourriture.
De tempérament sensible, à l’âge de dix ans, devant les scènes de souffrances de misère et de mort qui se déroulaient devant ses yeux et le dévouement de ses parents, le petit Luigi prit la résolution de consacrer sa vie aux plus pauvres parmi les pauvres. Devenu prêtre, cette résolution fut doublée par une grande humilité qui le fit toujours agir dans la discrétion et le silence. Il se joignit aux œuvres d’assistance existantes, en particulier à la Maison de Abandonnées, fondée entretemps par Charles, son frère aîné, prêtre de la Congrégation de l’Oratoire : une œuvre qui avait pour but de recueillir les fillettes restées orphelines à la suite des épidémies qui avaient frappé la région et qui traînaient dans les rues, abandonnées à elles-mêmes.
Pendant une quarantaine d’années, Don Luigi travailla à l’ombre de son frère, remplissant les tâches les plus humbles, difficiles et cachées. Il mendiait auprès des familles de la ville, bien accueilli par les uns, souvent chassé par les autres qui l’accusaient, lui, d’origine bourgeoise de menteur et fainéant. Un jour, quelqu’un alla même jusqu’à le gifler. Don Luigi, imperturbable, répondit à ce geste en disant : « Ceci est pour moi, mais aux petites orphelines ; vous ne voulez vraiment rien donner ? » Son interlocuteur, frappé par ces paroles, devint son plus grand bienfaiteur.
A l’intérieur de l’œuvre, la présence de Don Luigi représentait pour tous, un point de référence spirituelle extrêmement précieux. Tous, enfants, maîtresses, collaborateurs et donateurs lui confiaient leurs problèmes spirituels, psychologiques, humains et moraux ; tous trouvaient en lui le guide, l’éducateur, le conseiller, le père spirituel pour une œuvre difficile et délicate. Ce n’est qu’en 1854, à la mort de son frère aîné, que Luigi fut obligé de sortir de l’anonymat pour prendre la direction de la Maison des Abandonnées. Il consacra les trente années de vie qui lui restaient à la faire grandir et à former les jeunes maîtresses qui collaboraient à l’éducation des jeunes orphelines allant jusqu’à fonder pour elles une nouvelle Congrégation, les Sœurs de la providence qui, encore aujourd’hui, œuvrent en Italie et dans les différentes parties du monde : Brésil, Uruguay, Argentine, Bolivie, Côte-d’Ivoire, Togo, Inde, Roumanie et Moldavie…
Don Luigi dirigea son œuvre jusqu’en 1884, année de sa mort, fidèle au style de vie humble et caché qu’il s’était imposé. Jamais il n’accepta de charge. Jamais il ne voulut être photographié : les seules images que nous conservons de lui sont des portraits réalisés à son insu.
Les dernières années de sa vie furent un véritable martyre. Frappé d’une étrange et rare maladie de la peau, il avait le corps couvert de plaies et souffrait de douleurs atroces. Mais jamais il ne se plaignit et supporta tout en union avec le Christ crucifié. Il mourut la nuit du 3 avril 1884. Enterré dans le petit cimetière de campagne de son village, il fut aussitôt vénéré et prié comme un saint. Le 4 octobre 1981, le pape Jean-Paul II le déclarait bienheureux. Le 10 juin 2001, il le canonisait disant de lui : « La charité fut le secret d’un long et infatigable apostolat, nourri du contact avec le Christ, imité dans l’humilité et la pauvreté de sa naissance à Bethléem, dans sa vie laborieuse de Nazareth, dans son immolation sur le calvaire, dans son silence dans l’Eucharistie. L’Eglise le montre aux prêtres et aux fidèles comme modèle d’une synthèse profonde et efficace entre la communion avec Dieu et le service de ses frères. »
La guérison de Peter Chungu Shitima, sidéen en phase terminale
La guérison miraculeuse obtenue par l’intercession de Don Luigi Scrosoppi eut lieu en 1996, en Zambie, en faveur d’un jeune séminariste oratorien, âgé de 24 ans. Peter était à l’époque étudiant auprès de la communauté des Pères Oratoriens d’Oudtshoorn (Afrique du Sud) et se préparait au sacerdoce. Au printemps 1995, il accusa d’étranges douleurs dans tout son corps et une extrême fatigue. Très actif, robuste, parfaitement sain, il avait rempli jusqu’alors les tâches les plus diverses au sein de la communauté et son zèle lui avait mérité l’admiration de ses supérieurs. Ces derniers attribuèrent donc ce malaise à l’épuisement et conseillèrent au jeune homme une période de repos.
Mais au début de 1996, la situation précipita. Peter commença à accuser des troubles de la vue, de l’ouïe, forte fièvre avec perte d’équilibre : en quelques mois, il avait perdu 22 kg. Hospitalisé, les médecins diagnostiquèrent une grave infection aux reins et la maladie du sida. Il n’y avait donc pour lui aucun espoir de guérison au point que le 14 octobre il fut déclaré malade terminal et fut renvoyé en Zambie, dans sa famille pour mourir parmi les siens. « Lorsque les médecins me mirent au courant de ma réelle situation, je fus pris de découragement, raconta Peter plus tard, mais je me résignai à la volonté de Dieu et demandai l’aide pour accepter ma fin, désormais proche… »
Mais, au cours des mois précédents, Peter avait eu connaissance de la vie du bienheureux Luigi Scrosoppi et en avait été enthousiasmé. En danger de mort, il s’adressa donc à lui et lui demanda la guérison, accompagné dans cette prière par les enfants d’Oudtshoorn, sa communauté religieuse, ses amis, les religieuses et tous ceux qui l’avaient connu et apprécié.
En Zambie, il était amoureusement assisté par sa sœur Mwuewa. La nuit du 9 au 10 octobre, Peter vit en rêve le bienheureux Luigi Scrosoppi. En s’endormant, il avait serré contre sa poitrine la médaille du bienheureux que lui avait offerte son supérieur. Il vit également un autre prêtre de l’Oratoire, le père David, qui l’invita à poser une couronne sur la tête du bienheureux Scrosoppi. Le lendemain, au réveil, il voulut manger, se leva, s’habilla et se rendit à pied à l’église de sa paroisse.
Depuis, il se sent complètement guéri, a repris les 22 kilos qu’il avait perdus et n’accuse aucun mal.
La guérison fut constatée par l’équipe des médecins qui l’avaient pris en charge à l’hôpital. « Nous étions certains qu’il allait mourir, eut à déclarer le docteur Pete du Toit. Ses conditions étaient celles d’un malade terminal et nous l’avons renvoyé sans remèdes, convaincus qu’ils ne serviraient plus à rien. Puis il se produisit quelque chose que nous, médecins, nous ne pouvons expliquer. Aujourd’hui, Peter jouit d’une excellente santé… »
Constatée scientifiquement par la commission médicale internationale, la guérison de Peter Chungu Shitima fut reconnue miraculeuse par la commission théologique de la Congrégation pour la cause des saints et c’est grâce à ce miracle que Don Luigi Scrosoppi fut inscrit parmi les saints et offert à l’imitation et à la prière de tous les chrétiens.