Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Jean-Paul...
Mes modèles ? Ils sont nombreux. Je dois beaucoup à saint François d’Assise qui, ne se croyant pas digne de l’ordination s’en tint au diaconat, et à Frère Albert Chmielowski, son plus fidèle disciple dans ma patrie. » Étonnante confidence de Jean-Paul II, au cours de ses entretiens avec André Frossard… On s’attendrait davantage à voir arriver un saint Jean de la Croix en tête des modèles de notre regretté Pape. Karol Wojtyla a d’ailleurs consacré sa thèse de théologie au grand mystique espagnol et a lui-même envisagé devenir carme… Ses liens avec saint François et le monde franciscain paraissent moins évidents. Ils existent pourtant et ils ont essentiellement pour cadre deux monuments phares du franciscanisme polonais : Kalwaria Zebrzydowska (prononcer zebjédovska) et la basilique Saint-François de Cracovie.
Situé à une dizaine de kilomètres de Wadowice, le sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska voit converger des foules de pèlerins, surtout durant la Semaine Sainte et lors de l’Assomption. Surnommé la Jérusalem polonaise, Kalwaria est à rapprocher des Sacri Monti de l’Italie du Nord. En ces lieux isolés qui tiennent à la fois du Musée Grévin et du Chemin de Croix, le fidèle est invité à cheminer de chapelle en chapelle à la découverte des principaux épisodes de la Passion, reconstitués grandeur nature et avec beaucoup de réalisme.
Les Sacri Monti sont les purs produits d’une pastorale franciscaine et populaire. Du Mel Gibson avant l’heure, en quelque sorte ! Au tout début du XVIIe siècle, le gouverneur de Cracovie, Mikolaj Zebrzydowski, fait construire sur les pentes du mont Zarek une première église dédiée à la Sainte Croix, puis tout un complexe de chapelles. Il confie le sanctuaire aux Frères Mineurs, les Bernardins comme on les appelle en Pologne à cause de saint Bernardin de Sienne. Puis, dans les années 1620, on édifie une deuxième série de chapelles, destinée cette fois à évoquer la vie de la Vierge Marie. En 1641, Kalwaria accueille une icône de la Mère de Dieu, ce qui renforce encore le rayonnement du pèlerinage et son caractère marial.
Kalwaria Zebrzydowska a joué un rôle important dans l’itinéraire spirituel de Karol Wojtyla. Son père l’y conduit pour la première fois dans l’année qui suit la mort de sa mère. Archevêque de Cracovie, il s’y rend lorsqu’il a des problèmes difficiles à résoudre. On le voit alors déambuler sur les sentiers, son chapelet en main. Pape, il fait par deux fois le pèlerinage, dès 1979 et en 2002, pour le quatrième centenaire de sa fondation. « De façon admirable, déclare-t-il alors, ce lieu aide le cœur et l’esprit à pénétrer le mystère de ce lien qui unit la passion vécue par le Sauveur à la compassion éprouvée par sa mère. »
Les voisins de la rue Franciszkanska
D’un côté de la rue Franciszkanska (littéralement, la rue franciscaine), l’antique basilique Saint-François de Cracovie. Depuis 1237, c’est ici que bat le cœur franciscain de l’ancienne capitale de la Pologne. Et juste de l’autre côté de la rue, l’archevêché. Ce sont les liens du voisinage qui ont uni Karol Wojtyla et les Frères Mineurs Conventuels (appelés, en Pologne, Franciscains). De sa fenêtre, l’archevêque pouvait voir l’église (dont les parties les plus anciennes remontent au XIIIe siècle), mais aussi les bâtiments conventuels, où se sont formés tant de jeunes Franciscains, notamment Maximilien Kolbe. Le père Siméon Barcyk se souvient : « Le cardinal Wojtyla célébrait une messe tous les ans pour la Saint-Sylvestre dans notre basilique, après quoi il rencontrait nos Frères étudiants. Dès qu’il se trouvait à Cracovie, c’est ici qu’il venait réciter son bréviaire. On le voyait même parfois confesser, dans le dernier confessionnal à droite. En 1974, toujours dans notre église, il était intervenu au cours du Symposium International organisé à l’occasion du 700e anniversaire de la mort de saint Bonaventure. » Et le vieux Franciscain d’ajouter avec émotion : « C’est lui qui m’a ordonné diacre ! ».
Les plus jeunes Frères, eux, se souviennent avant tout des visites du Pape. En 1979, il avait rencontré les malades à l’intérieur de la basilique. En 1991, il s’était entretenu avec les familles des Franciscains Conventuels polonais qui, quelques jours auparavant, étaient morts pour le Christ dans les Andes péruviennes. Mais pour ces jeunes Frères Mineurs, comme pour toute la jeunesse cracovienne, les moments les plus inoubliables restent encore ceux qu’ils ont passé à guetter le Pape à sa fenêtre de l’archevêché. Ils étaient nombreux à se rassembler en soirée devant le n° 3 de la rue Franciszkanska, pour une dernière prière, quelques chants, et un échange de plaisanteries à n’en plus finir...
2 avril 2005. Le soir même où l’on apprend le retour de Jean-Paul II vers le Père, les Franciscains font réaliser une immense affiche qu’ils suspendent à leur mur, juste en face de la « fenêtre du Pape ». On peut y lire ces mots, inspirés par le Cantique des créatures de saint François d’Assise : « Sois béni, Seigneur... pour Jean-Paul II » et cette signature : « les voisins-franciscains ».
Le sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska et la basilique Saint-François constituent désormais les deux premières étapes d’un itinéraire franciscain sur les pas de Jean-Paul II.
Il en existe certainement bien d’autres, notamment autour des deux saints franciscains particulièrement chers au cœur de Jean-Paul II : Maximilien Kolbe et Albert Chmielowski. A vous de les découvrir et d’aller sur place ! La Pologne franciscaine saura vous émerveiller.