Les oeufs de Pâques
Friandises de circonstance, les œufs de Pâques d’aujourd’hui ont une fort longue histoire qui, curieusement, touche à l’universalité.
Depuis la plus haute antiquité, en effet, sur tous les continents, la coutume de fêter la vie, en glorifiant l’œuf, est commune à tous les peuples. Ainsi, revêtant parfois des aspects très divers, une fête des œufs, partout, s’est perpétuée au gré des flux migratoires, des invasions et des apports des uns et des autres...
Plus particulièrement, dans nos contrées, les Celtes des premiers âges offraient et dégustaient des œufs pour célébrer le nouveau cycle commençant avec l’arrivée du printemps. Emblème de fécondité, l’œuf était échangé en présent pour rappeler joyeusement à chacun la perpétuité de la famille, de la maison, du clan... C’est également aux Celtes d’antan que nous devons de retrouver, toujours vivante, la tradition des œufs coloriés où chaque teinte se veut douée d’un pouvoir spécial : telle apportant la force, telle autre la prospérité, la sagesse, ou encore, une meilleure santé.
Pour simple qu’il soit, leur procédé de coloration était hautement écologique. Aussi, à l’imitation de nos lointains ancêtres, il nous suffira, pour conforter nos souhaits, d’ébouillanter les œufs destinés à être offerts, dans une eau où nous aurons ajouté des radicelles de prunier pour obtenir le rouge, de betterave pour le violet. Les racines d’orties donnent le vert, les épinards, le jaune, la chicorée, des bruns plus ou moins foncés.
Les dessins sur les œufs sont également vieux comme le monde. Et il semblerait que certaines décorations de coquilles aux intentions magiques aient d’abord été le fait de peuples vivant très au Nord, dans les régions les moins favorisées par la nature, là où le soleil voit son retour espéré le plus longtemps.
Ainsi, partout, le don d’un œuf colorié ou décoré de quelques signes équivalait toujours à l’expression de vœux sincères de bonne et heureuse année. Cette coutume allait se transmettre aux chrétiens qui continuèrent à l’associer à la fête de Pâques, lorsque, en France, Charles IX fit débuter l’année en plein hiver.
Les échanges de souhaits et de cadeaux avaient pu être reportés au 1er janvier sans difficultés. Mais la tradition d’offrir des œufs – qu’il eut été difficile de satisfaire en une saison où les poules ne pondent guère – resta l’apanage de la fête de la Résurrection.
Et puis, on peut aussi penser qu’à une époque où la conservation connue aujourd’hui n’existait pas, le don des œufs répondait également à la nécessité d’écouler rapidement les réserves familiales au lendemain du carême, qui en avait interdit la consommation.
Dès les premiers temps, liés aux mêmes rites, des œufs représentés en terre pétrie, puis en bois taillé et poli et, encore plus tard, en métal, sont également apparus. En Finlande, comme en Chine septentrionale, l’œuf était une représentation de la puissance créatrice de la lumière, et sa forme, très fréquemment reprise, honorait le soleil. Des œufs d’argile découverts dans des sépultures antiques, en Russie, en Suède et aussi en Grèce, ont été interprétés comme des emblèmes de renaissance et donc d’immortalité. Déposé par symbole auprès des morts, l’œuf allait vite devenir un objet d’art portant les souhaits destinés aux vivants.
Au fil des siècles, petit à petit, ces œufs artificiels devenus joyaux de grande valeur prirent, chez les plus nantis, la place des œufs de poules ou de canes naïvement décorés mais dont certains étaient pourtant déjà de véritables chefs d’œuvre.
A l’occasion de Pâques, réjouissant tout autant les plus pauvres dans les campagnes que les plus riches dans les bourgs et les châteaux, la fête des œufs traversa ainsi bien des époques. François Ier, en son temps, reçut un œuf de Pâques renfermant tous les mystères de la Passion, sculptés avec minutie, sur bois précieux. Autre célébrité, Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, duc de Lorraine et beau-père du roi de France, Louis XV, se vit un jour de Pâques offrir un œuf à peine plus conséquent que celui d’une autruche. Mais, enrichi de pierres précieuses, le joyau enfermait un jeune lilliputien d’une taille particulièrement réduite, qui en sortit hardiment, l’épée à la main, pour saluer le souverain !...
A quelque temps de là, Louis XV offrait, à la comtesse du Barry, l’œuf de cane le plus cher de son royaume. Il avait été entièrement plaqué d’or par le plus habile des joailliers de la couronne.
A la cour de France, toujours, pendant la Semaine Sainte, des officiers escortés de dragons et de gendarmes chevauchaient dans toute l’Ile-de-France pour en rapporter les plus gros œufs. Le roi faisait dorer les plus beaux qui étaient ensuite bénis. Le souverain les offrait lui même à tout son entourage. Cela allait du Premier ministre et du courtisan le plus en vue jusqu’au dernier des valets... et personne, jamais, ne manquait la cérémonie.
Au Louvre, cette tradition subsista jusqu’à la Révolution. Pour certains, dans les salons, elle perdura pendant les jours sombres. Les œufs étaient toujours dorés mais ne renfermaient plus des représentations de sujet religieux. De minuscules guillotines les avaient remplacés ainsi que des bastilles miniatures !
Puis, les œufs d’autruche à monture d’or ou de vermeil, les œufs d’ivoire finement sculptés, derniers œufs de Pâques fabuleux sont devenus des objets de musée... le temps des confiseurs, et des œufs en chocolat était venu...
La tradition est toujours là et à la veille du XXIe siècle, l’œuf en chocolat et autres nougatines, abondamment garni de mille sucreries, en est au stade de la fabrication industrielle ! Ce ne sont pas les plus gourmands qui s’en plaindront...
Des œufs de toutes les couleurs
Dans la nature, les œufs des oiseaux sont souvent diversement colorés. La pigmentation est avant tout un camouflage et elle peut varier grandement à l’intérieur d’une espèce, voire, à l’intérieur d’une même couvée.
La taille des œufs est fonction de celle des oiseaux. Ainsi l’œuf de certains colibris ne dépasse guère les 10 millimètres en hauteur...
Quelques chiffres
- 16 milliards d’œufs de poules sont pondus en France chaque année et sont largement absorbés par l’industrie agro-alimentaire.
- Les chimistes et les diététiciens ont détecté dans un œuf de poule plus de 200 composés volatiles. Ceux-ci s’altèrent durant la cuisson mais donnent quand même son goût à l’œuf.