Les missionnaires de nos campagnes
Il y a plus de 80 ans déjà, paraissait Le journal d’un curé de campagne. Ce livre de l’écrivain français Georges Bernanos — auteur souvent cité par le pape François — met en scène un jeune prêtre et ses interrogations de foi et de Salut pour ses ouailles. Si les textes n’ont rien perdu de leur profondeur, le contexte a bien évolué en huit décennies et nous aurions bien du mal à imaginer l’abbé du roman dans notre monde d’aujourd’hui.
En quelques années, nos curés de campagne ont bien changé, sous l’effet conjugué de l’exode rural et d’une déchristianisation des nouvelles générations. Si ce constat peut paraître sombre, cette réalité est aussi l’occasion de créativité renouvelée de la part de nos prêtres pour l’apostolat. Pour s’en convaincre, il suffit de penser aux nombreux prêtres âgés qui continuent de sillonner les campagnes plutôt que de prendre une retraite bien méritée. Manquant à la fois de force vives tout en partant à la recherche des brebis égarées, de nombreux prêtres se dépensent sans compter pour leur ministère et explorent de nouvelles voies, faisant de nos campagnes un passionnant laboratoire missionnaire.
À 34 ans, le père Marc Isnard est vicaire à La Flèche. Outre cette sous-préfecture de 15 000 habitants, sa paroisse compte une quinzaine de clochers disséminés dans la campagne alentours. Par rapport à d’autres paroisses, détaille-t-il, ce nombre est relativement faible : dans son diocèse, certaines comptent près d’une quarantaine de clochers. Il y a seulement quelques décennies, chacune disposait d’un curé, parfois épaulé d’un ou plusieurs vicaires.
Fêtes communales
Pas question de se laisser abattre pour autant. Chaque église du territoire paroissial est visitée au moins une fois par an — certaines bien plus souvent — par l’un des trois prêtres de la paroisse : le père Isnard, le curé et un prêtre plus âgé. En effet, explique le trentenaire, certains fidèles sont trop âgés pour conduire, ou n’ont plus de permis de conduire, ou encore refuse de s’aventurer de nuit à travers les petites routes de campagne. Ces messes dans leur village sont donc essentielles pour eux, raconte-t-il avec affection. Sans parler du prix de l’essence, glisse le jeune prêtre, qui n’encourage pas à faire des kilomètres.
Toutefois, il ne suffit pas d’être au milieu du village pour attirer les fidèles. Si dans sa paroisse les plus anciens continuent de venir à la messe, les moins de 50 ans y sont rares. Non pas par hostilité, mais simplement par désintérêt alors que l’agenda se remplit bien vite par ailleurs. Pour lui, « la priorité est d’aller au contact des gens pour retrouver les jeunes générations ». Pour aller à leur rencontre, fidèle à l’Église « en sortie » demandée par le pape François, le jeune prêtre va chercher les habitants là où ils sont. Ainsi, il essaye de ne manquer aucune des fêtes de village et aucun des repas communaux. Il a même été à un loto organisé dans un des villages, raconte-t-il en souriant au souvenir de l’étonnement des participants.
Évangéliser par les jeunes
« Être présent à ces évènements, confie le père Isnard, permet de donner aux personnes présentes une occasion de parler de religion, d’exprimer leurs souffrances, de poser des questions. Cela permet un contact avec la foi qu’ils n’auraient pas autrement ». Le prêtre est aussi un fidèle des cafés du village. « C’est souvent l’occasion d’entendre des intentions de prière. Et aussi de soutenir le commerce local », glisse-t-il. Selon lui, les gens sont ravis de voir un jeune prêtre dans ces différents lieux profanes. Ordonné en 2014, le père Isnard reste à ce jour le plus jeune prêtre incardiné dans son diocèse.
Les pèlerinages sont un autre outil pour cette « nouvelle évangélisation ». D’autant que la France ne manque pas de lieux : Lisieux, Lourdes, Longpont, Auray, Pontmain, La Salette ou encore la rue du Bac à Paris. Organisés par exemple pour les jeunes du catéchisme, ces efficaces évènements ecclésiaux permettent de toucher un « second cercle », les parents accompagnateurs. C’est pour eux l’occasion de vivre une « véritable expérience de foi », se réjouit le père Isnard.
Les jeunes sont ainsi souvent une occasion pour les prêtres d’atteindre leurs aînés. D’autant qu’ils sont chaque année un certain nombre à demander le baptême, parfois au plus grand étonnement — pour ne pas parler de sidération — de leurs parents. Certains n’avaient jamais imaginé demander le baptême pour eux-mêmes, alors leurs enfants… Si le nombre de demandes de baptêmes et de confirmations de jeunes est croissant sur les dernières années, il est encore (très) loin de rattraper les niveaux qui pouvaient exister par le passé.
Nouvelle année, bonnes résolutions ?
Face à ces prêtres, véritables missionnaires au cœur de nos campagnes, proches de nous, chacun peut les aider. Peu nombreux, ils ont besoin d’être épaulés. Par exemple, dans de nombreux lieux, ce sont des laïcs qui se chargent d’ouvrir et de fermer chaque jour l’église du village. Matin et soir, ils font le déplacement afin de permettre à tout un chacun de se recueillir dans la maison de Dieu. De nombreuses autres missions existent, comme par exemple la conduite des funérailles en l’absence de prêtre.
Néanmoins, s’ils ont besoin d’aide dans leur ministère, les prêtres — en particulier dans les campagnes — sont aussi toujours ouverts aux délicates attentions ! Ils ne sont pas des « professionnels du sacré », mais bien des hommes qui donnent toute leur vie pour Dieu et leurs frères. Il ne faut par exemple pas hésiter à les inviter à partager un moment chaleureux, autour d’un repas ou d’un apéritif. Ce soutien humain est primordial pour ces hommes qui se donnent corps et âme. L’autre soutien essentiel demeure celui de la prière. Alors en ce début d’année, pourquoi ne pas prendre la double résolution de prier pour nos prêtres et d’avoir un geste amical envers eux ?