Les jeunes veulent des maîtres
« Nous voulons être accompagnés », réclament les jeunes dans le document final de la réunion pré-synodale qui s’est tenue à Rome entre le 19 et 24 mars dernier. Cet accompagnement est même une « responsabilité sacrée », osent dire les jeunes. Pour employer un tel mot, c’est qu’ils reconnaissent que c’est là une tâche délicate et nécessaire dans « leur cheminement de foi et dans leur discernement ».
Un discours de vérité
C’est l’avis de Pierre, étudiant en école d’architecture, à Paris. Longtemps éloigné de l’Église, il accomplit depuis deux ans un vrai cheminement. Touché lui-même par la conversion de sa mère et de son grand-frère, il « ressent aujourd’hui franchement le besoin d’être accompagné ». Le père spirituel qu’il a trouvé lui permet aujourd’hui de grandir « sans être suiviste ». « Entre lui et moi, c’est une relation filiale père-enfant, nous explique-t-il. Il m’aide à trouver des réponses à mes questions, me catalyse, me soutient et m’aide à prendre confiance ».
« Nous avons besoin de modèles qui soient attractifs, cohérents et authentiques », soulignent par ailleurs les jeunes du pré-synode. Mais ce n’est pas tout. Selon Pierre, scolarisé jadis dans un établissement scolaire catholique, les jeunes ont aussi besoin d’un discours vrai.
En définitive, la langue de buis est à chasser du discours des adultes si ces derniers veulent se faire entendre : « À vouloir faire trop attention aux réactions des jeunes, on les empêche de découvrir en adultes la vérité », souligne Pierre. « Moi, je préfère la franchise. Un acte d’amour est un acte d’amour ! Un péché est un péché ! », clame-t-il avec toute la fraîcheur de son âge. « Jésus employait des mots simples et clairs », poursuit-il.
Acquérir une ossature
Un autre des enjeux soulignés par le document pré-synodal est de permettre aux jeunes de « développer une pensée critique ». Et par là-même d’avoir une « compréhension des sacrements, de la prière et de la liturgie » et « développer le sens plus profond de ce qu’ils signifient dans [nos] vies », écrivent les jeunes. Mgr Bertrand Lacombe, membre de la commission épiscopale Enfance et Jeunesse à la Conférence des Évêques de France reconnaît que les jeunes ont « besoin d’acquérir une ossature, une colonne vertébrale ». « C’est le défi de la nouvelle évangélisation qui s’adapte aux attentes nouvelles des jeunes dont l’accompagnement nécessite du temps », explique l’évêque bordelais.
Mais comment donc aider ces jeunes à « développer une pensée critique » comme ils le demandent ? Comment répondre à leur besoin de formation ?
Pour les rassembler, « il y a de belles initiatives et des vraies propositions pastorales », note Mgr Lacombe citant les écoles de prière, les actions solidaires en tout genre (comme les maraudes dans les grands centres urbains), les associations comme Le Rocher, les lieux de fraternité et de convivialité nombreux qui se développent en France. Le père Éric Mouterde, prêtre à Lyon chargé de la Pastorale des jeunes, va dans le même sens : « Rien qu’au pèlerinage au Puy-en-Velay, on compte neuf-cents jeunes participants ! », s’enthousiasme-t-il.
Montrer l’accord entre la foi et la raison
Mais est-ce suffisant ? Non, semble répondre Mgr Jean-Marc Aveline qui intervenait le 5 avril à une rencontre nationale avec les acteurs de la Pastorale des jeunes et des vocations. Concluant son exposé sur la théologie de la vocation, il explique en substance : « Quand on ne donne pas aux jeunes l’intelligence de la foi, ils comblent ce manque par de la piété — c’est bien — mais s’ils en font trop et surtout si cette piété prend la place de l’intelligence, ce n’est plus chrétien. Or, il y a beaucoup de jeunes qui, faute d’intelligence de la foi, vont se réfugier dans de la pseudo-piété parce qu’on ne leur donne pas les outils qu’il faut ! C’est une vraie responsabilité pour nous, adultes et accompagnants, de leur donner ces outils ! ».
« Il faut montrer l’accord entre la foi et la raison », confirme Claude Paulot, directeur du Centre d’Études Religieuses (CER). « Pour comprendre la foi et la théologie, il faut faire de la philosophie sinon on construit sur du sable », termine-t-il.
En France, des lieux de formations existent qui promeuvent une telle approche : dans les universités catholiques notamment, au sein de certaines communautés (Frères de Saint-Jean, Dominicains, Opus Dei, Jésuites, Chemin Neuf, etc.), ou dans des universités libres telles que l’IPC (Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie).
Encourager les jeunes à s’engager
Bien que structurante, une telle approche alliant foi et raison est-elle, là encore, suffisante ? Le document final du pré-synode ne souligne-t-il pas que « partout, il y a un fossé entre les désirs des jeunes et leurs capacités à prendre des décisions sur le long terme » ? Ce qui pose franchement un problème pour répondre à sa vocation qu’elle soit dans le mariage ou dans la vie consacrée ou sacerdotale… « C’est dans les petits “oui” qu’on devient capable de grands “oui” », relève le prêtre lyonnais.
C’est donc en permettant aux jeunes de prendre de petits engagements dans leur paroisse, dans des associations ou des groupes qu’ils pourront mûrir une volonté et une capacité à faire des choix plus durables. « Les aider à vivre leur devoir d’état en remplissant les engagements que celui-ci exige, c’est déjà préparer le terrain pour répondre à une vocation plus profonde », explique ce prêtre.
Le Synode d’octobre tombe donc à point nommé. En prenant la température de la jeunesse, le pape François a décidé d’aller à sa rencontre et de lui donner les moyens de vivre dans le feu de l’Esprit. Car il sait très bien, comme Bernanos l’écrivait il y a quatre-vingts ans, que « quand la jeunesse refroidit, le reste du monde claque des dents ».