Les Frères Mineurs Conventuels à Cholet
Il faisait beau, ce matin du 21 septembre, à Cholet. Le Carmel de la rue Pasteur, aux abords ouest de la ville, semblait au repos ; et un grand silence, à peine entrecoupé par le chant des oiseaux, régnait sur le parc aux arbres séculaires. A l’intérieur de la maison et de la chapelle, un va-et-vient, incessant et discret, indiquait cependant que quelque chose d’important allait se passer au cours de la journée : l’Ordre des Carmélites disait adieu définitivement à ce lieu, un foyer de vie spirituelle intense qui avait rayonné, pendant plus d’un siècle, sur la ville de Cholet et jusqu’en Inde, au Japon, en Afrique et en Amérique latine. Ici s’étaient formées nombre de jeunes religieuses et des missionnaires qui étaient parties vers les cinq parties du monde. La suite de la journée, en particulier la célébration de la messe, présidée par Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers, et le buffet qui l’a suivie, allaient témoigner de la somme de reconnaissance que prêtres et habitants devaient aux religieuses et les espoirs qu’ils mettaient dans la nouvelle communauté des Frères Mineurs Conventuels qui allaient leur succéder. Ceux-ci venaient, pour la plupart, des communautés de Narbonne et de Tarbes, qui, elles, avaient été fondées respectivement en 1949 et 1958. Nous les connaissions bien pour y avoir passé nos jeunes années de vie apostolique. La nouvelle communauté allait ainsi accroître la présence des Frères Mineurs Conventuels de la Custodie de France – c’est ainsi que l’on appelle, chez les religieux, un groupe de communautés destinées à former une nouvelle province. Une présence, indépendante de la vie d’une paroisse, propice à la formation des jeunes et à un témoignage de vie commune plus conforme à la Règle, mais en même temps, ouverte aux multiples appels des confrères prêtres et des laïcs. Mais laissons aux acteurs de cette journée le loisir d’en dessiner eux-mêmes les contours et le riche contenu... Mgr Jean-louis bruguès, une nouvelle page de l’histoire religieuse de Cholet L’évêque d’Angers s’est exprimé devant une église remplis de fidèles, venus dire adieu aux Sœurs carmélites et accueilli les nouveaux Frères. D’emblée, en ouvrant la célébration, il trace le but et l’esprit de cette fête. Ces Sœurs, dit-il, qui ont vécu dans ce bâtiment pendant longtemps, doivent en partir : je voudrais que, au moment où elles nous quittent, leur cœur soit inondé d’action de grâces. Nous voudrions remercier le Seigneur de nous avoir confié, pendant plus d’un siècle, cette communauté de témoignage évangélique et de prière. En effet, précise le Père Henri, du couvent des Carmes de Montpellier, ce Carmel a été un foyer rayonnant de charité et d’hospitalité. Il continuera de l’être, car l’héritage que nous laissent nos Sœurs aujourd’hui est recueilli par nos Frères Franciscains. Rayonnement et fécondité missionnaire Je comprends assez bien, avoue-t-il, l’état d’esprit qui est le vôtre aujourd’hui. Vous allez quitter, émues, ce Carmel où vous avez passé, la plupart d’entre vous, la majeure partie de votre existence. Ce monastère fut, si je prends une image fréquente dans la littérature spirituelle, votre chambre nuptiale. C’est ici que vous avez appris à connaître la douceur du Christ, à ruminer sa parole, à expérimenter la force de son amour et de sa charité. Nous venons vous accompagner dans cette dernière étape. On a évoqué tout à l’heure l’extraordinaire fécondité spirituelle de cette communauté. Ce qu’on ne vous a pas dit, c’est la prière, l’exemple, que les uns et les autres ont trouvé auprès de vous ; une parole de compassion, puis les gens sont partis redressés, regonflés : ils ont trouvé auprès de vous une école d’espérance. Au moment de la fermeture de cette maison, les Sœurs et moi-même, nous avons reçu plusieurs lettres de chrétiens disant : Qu’allons-nous devenir ? … Nous allons les accompagner, les mains vides, nos Sœurs, mais le cœur débordant de reconnaissance, pour ce que le Seigneur a fait. Que cette fontaine de reconnaissance vous accompagne jusqu’au bout, dans les diverses fonctions que vous aurez à exercer. Une communauté s’en va, une autre se présente Par quels chemins la communauté des frères est-elle venue prendre la place des carmélites ? Il ne fallait pas que ce lieu de prière, d’accueil et de communauté chrétienne disparaisse, a poursuivi Mgr Bruguès rappelant sa visite au monastère. C’était ma profonde conviction. Et je suis parti en vous faisant une promesse : de faire tout ce que je pourrais pour trouver une succession harmonieuse, dans le droit fil de ce qui s’est créé pendant près de 117 années. Et de rappeler les démarches auprès des uns et des autres. L’idée est excellente, disait-on, mais… dans quelque temps peut-être. Puis un fax de la communauté des Frères Mineurs Conventuels de Narbonne l’invitant à donner une conférence. Il avait entendu dire du bien de ces Frères, par l’évêque, par les prêtres, par les laïcs… et l’idée lui a traversé l’esprit de leur demander un service : celui de venir à Cholet… J’ai fait cela, raconte-t-il, comme on jette une bouteille à la mer. J’ai pris la plume et vous êtes venus. C’est aussi simple que cela… Je crois que les grandes aventures de l’esprit se décident dans la simplicité. Communauté, accueil, service d’Eglise Et aussitôt, le programme est tracé. Soyez vous-mêmes, ajoute l’évêque, exposant aux frères ce qu’il attend d’eux. Soyez une communauté de frères. Nous avons besoin les uns et les autres, non seulement de comprendre, mais de voir vivre des communautés de frères, parce que l’Eglise est une communauté de frères. Puis, accueillez dans la simplicité qui caractérise votre vie. Accueillez dans votre prière, car nous en avons tous besoin. Accueillez et mettez-vous au service de l’Eglise de Cholet. Vous serez sans doute sollicités par des mouvements, par des familles, par des communautés. Accueillez, servez, priez. Mgr Bruguès, lui-même dominicain, évoque les liens qui unissent saint Dominique, saint François et leurs frères. Nous voici unis d’une manière étonnante, souligne-t-il avec une joie évidente. Nos fondateurs sont à l’œuvre. Continuons… Puis s’adressant aux chrétiens de Cholet : Je vous confie ces Frères, leur dit-il. Car une communauté religieuse n’a pas de sens si elle n’est pas portée par une communauté plus large. Et rappelant une lettre reçue d’une dame de Narbonne qui lui demandait : Vont-ils trouver de quoi manger ? , il ajoute : J’ai répondu : oui ! Je me suis engagé à votre place. Je n’aurai pas de soucis pour vous. Votre santé va résister à l’épreuve. Je suis content d’écrire avec vous, chers fidèles, une nouvelle page de l’histoire de Cholet. A l’issue de la célébration, le Père Louis Cenci, supérieur de la Custodie de France, au nom du Supérieur provincial de Padoue, le Père Luciano Fanin, auquel la Custodie de France est rattachée, et en son nom personnel, exprime affection et estime envers les Sœurs carmélites pour la disponibilité et la générosité dont elles ont fait preuve ; redit aux prêtres et aux chrétiens de Cholet sa joie d’être au service de l’Eglise de Cholet ; s’engage à faire de la nouvelle communauté un lieu d’écoute, de prière et de rayonnement, dans l’esprit de saint François et pour la gloire du Seigneur. Les choletais ont dit... Ils étaient venus nombreux prier avec les Sœurs et leur dire adieu. Aussi, au cours du vin d’honneur qui a suivi, ont-ils pu donner libre cours à leurs sentiments de reconnaissance à l’égard des Carmélites et de joie envers les nouveaux Frères. Sœur Marie-Joseph des Anges, prieure D’autres ont commenté : Des laïcs Un monsieur Une dame
Une communauté s’en va, une autre se présente, poursuit-il. Ainsi est soulignée la continuité, non pas seulement de la vie religieuse, mais de la vie chrétienne tout court : la continuité d’une action de grâces.
Puis, c’est au cours de l’homélie qu’il laisse déborder son cœur d’évêque.
A notre question, Quels sentiments éprouvez-vous au moment de quitter ce monastère ?, elle a répondu :
Il n’y a rien de très particulier. On ne quitte pas Dieu. Puisque nous sommes à Dieu, que l’on soit à Cholet ou ailleurs… Il y a 39 ans, je n’ai pas désiré venir ici. On m’a demandé d’être maîtresse des novices. J’ai accepté. A présent, on me demande d’aller à Bergerac et je vais à Bergerac…
Un prêtre, habitué de la chapelle du monastère
Il y a un pincement de cœur de voir les Sœurs partir ; et en même temps beaucoup de joie, comme prêtre du diocèse, d’accueillir les frères franciscains…
Je suis un de ceux qui ont dit rapidement : Si les Carmélites s’en vont, il faut absolument que la vie spirituelle dans ce lieu soit maintenue.
Nous ferons notre possible pour bien les accueillir, et les aider autant sur le plan spirituel que sur le plan matériel.
Ici, c’est une sorte de haut lieu. On aime, dans notre vie chrétienne, retrouver des moments authentiques de prière, de vraies racines de notre foi. Je pense qu’avec l’arrivée des Frères, nous allons pouvoir mettre un peu de sang neuf dans notre vie. Il faut qu’on réponde présent pour que l’Evangile puisse se répandre le plus largement possible et que l’on se serve d’eux pour se former, témoigner, soutenir nos frères.
J’ai de la peine de voir les Sœurs partir ; de ne pas savoir ce qu’elles vont devenir… Mais aussi une grande joie de voir arriver des Frères qui vont certainement dynamiser bien des choses : animation liturgique, pastorale des jeunes et des couples.
Une communauté vivante, dans une ville comme Cholet, c’est super… A partir de là, nous pourrons proposer nos services. Et puis… nous leur donnerons bien à manger…