Les diacres, ministres et serviteurs
Le service des diacres remonte aux premiers temps de l’Eglise. Les apôtres choisissent « sept hommes remplis de l’Esprit Saint » pour le partage des tâches et pour une plus grande attention aux besoins de la communauté, en particulier « le service des tables » qui est à la fois celui de la table eucharistique et celui du partage (Actes 6). Ces sept hommes sont les précurseurs d’un ministère nouveau. Il est à noter que dans le texte grec des Actes, le mot diacre n’est pas employé. Seul est usité celui de diaconat, « service ».
Le ministère des diacres a toujours été tenu en grande estime par l’Eglise, et l’institution du diaconat est très féconde dans l’Eglise d’Occident jusqu’au Ve siècle. Elle subit ensuite un lent déclin, pour finir par n’être plus qu’une étape intermédiaire avant l’ordination sacerdotale.
C’est le Concile Vatican II qui va raviver le diaconat permanent, rétabli officiellement par le Lettre « Sacrum Diaconatus Ordinem » (1967) de Paul VI. Trois raisons ont déterminé le choix de restaurer ce ministère d’Eglise comme ordre permanent : « Le désir d’enrichir l’Eglise avec les fonctions du ministère diaconal (...) ; l’intention de renforcer par la grâce de l’ordination diaconale ceux qui déjà exerçaient de fait des fonctions diaconales ; le souci de fournir des ministres sacrés aux pays qui souffraient d’un manque de clergé. Ces raisons soulignent combien la restauration du diaconat permanent n’entendait absolument pas compromettre la signification, le rôle et le développement du sacerdoce ministériel » (1).
Le diacre, un serviteur
De nombreuses conférences d’évêques ont étudié la question du diaconat. En France, les Assemblées plénières de 1995 et de 1996 ont fait le point après vingt-cinq années de recherche et d’expérimentation. Il en est résulté une figure modèle qui peut se résumer ainsi.
Le diaconat fait partie du sacrement de l’ordre. Il en est un « degré » (Lumen Gentium, n° 29). Il repose sur l’amour, proche et gratuit, que l’Ecriture nomme agapè. La dimension d’humble service est primordiale pour le diacre, qui a comme vocation spécifique d’être « le signe sacramentel du Christ serviteur ». Cette vocation s’inscrit dans le sens même du mot diacre qui vient du grec diakonos, « serviteur».
Enfin, le ministère diaconal fait mémoire de Jésus-Christ, en reliant ensemble service de la Charité, service de la Parole, service de la Liturgie.
L’Eglise retrouve aujourd’hui l’expérience de l’initiation et des passages, qui fut la sienne en ses origines (2).
Portraits de diacres
Trois témoignages, émanant de pères de familles nombreuses, insérés dans la vie professionnelle, nous font découvrir le cheminement et la formation des diacres.
• Jean Michaud, diacre dans le diocèse de Poitiers depuis 1986, est âgé de 60 ans et a cinq enfants. Ingénieur de recherche sur l’histoire médiévale au CNRS, il exerce à l’Université. Pourquoi, dans une vie déjà si occupée, a-t-il souhaité devenir diacre ?
« Avec mon épouse, Odile, nous étions des paroissiens réguliers et engagés dans différentes activités de la paroisse Notre-Dame la Grande. Quelques personnes nous ont demandé de faire partie d’un groupe de prière, plutôt charismatique. Au terme de ces deux ans, nous avons reçu une lettre d’interpellation d’un prêtre délégué diocésain du diaconat. Après cette réunion, nous avons réfléchi en famille, mes cinq enfants et ma femme, pour savoir si oui ou non je pouvais m’engager dans ce ministère. Si l’un d’entre eux s’était opposé à ce que je devienne diacre, je n’aurais pas poursuivi ma démarche. La vocation, au sens fort du terme, relève d’un discernement ecclésial et non d’une impression subjective. »
Jean Michaud a différents mandats dans son ministère de diacre permanent : régional (diocèse de Poitiers), national (membre du Comité national du Diaconat) et international (représente ce Comité à l’étranger).
• Hervé de Nuchèze, lui aussi du diocèse de Poitiers, est âgé de 45 ans et père de huit enfants. Ingénieur agronome, il est agriculteur à Usson du Poitou, à une quarantaine de kilomètres de Poitiers. Les circonstances qui ont entouré sa décision de devenir diacre sont de deux ordres : un appel intérieur et un appel extérieur. « L’appel intérieur, je l’ai ressenti en lisant une revue qui parlait du diaconat. J’ai découvert ce que c’était. Ensuite, l’appel extérieur est venu lorsqu’un prêtre du Foyer de Charité de Tressaint, près de Dinan, a dit à ma mère qu’il me voyait bien diacre. Mon épouse m’a poussé à écouter cet appel. Au mois de juin 1988, ce prêtre m’a dit que l’Eglise avait besoin de diacres jeunes, actifs... »
• Hubert Lévêque, du diocèse de Tours, est responsable adjoint du Comité national du Diaconat. Père de six enfants, et âgé de 61 ans, il est directeur d’une association d’insertion en retraite depuis un an, et toujours très présent dans le réseau associatif d’insertion par l’emploi salarié de personnes en grande difficulté. « C’est l’épreuve du chômage qui nous a permis de ressaisir en couple et en famille ce que nous voulions vivre ensemble d’essentiel. Ce n’est pas un hasard si cette conversion libératrice s’est opérée entre deux messages de nos évêques : Pour de nouveaux modes de vie (1982) et Attention pauvretés (1984). Peu à peu, je me suis trouvé disponible pour les plus démunis et le champ des possibles s’est élargi devant moi. »
Pour Hervé Lévêque, il s’agit d’interpellation et non de vocation au départ : « Il ne s’agit pas d’un appel intérieur mais bien d’une interpellation à laquelle j’ai répondu en me prêtant au discernement de l’Eglise, sachant qu’il n’en sortirait pas forcément un appel au diaconat par notre évêque, mais qu’en tout cas j’y gagnerais de savoir comment servir l’Eglise. Qu’il y ait eu interpellation ou candidature spontanée, on ne doit parler de vocation qu’après l’appel de l’évêque. »
Etapes et engagements
Après un premier discernement en famille et en Eglise, vient le temps du cheminement : réunions, week ends avec d’autres couples – l’épouse accompagne son mari, dans la mesure du possible, lors de ces étapes –, suivis de l’entrée en formation, dont la durée a varié depuis la restauration de ce ministère, en 1970, et selon les candidats. Ainsi, Jean Michaud, déjà responsable de formation des diacres avant de devenir diacre lui-même, a fait deux années seulement de formation avant l’ordination. Hervé de Nuchéze, trois. Aujourd’hui, la période de formation est, en général, de quatre ans.
Cette formation varie également selon les diocèses (lire l’encadré : « Questions sur le diaconat »). Elle est jugée « très théologique » dans le diocèse de Poitiers et actuellement, Jean Michaud, en lien avec son évêque, Mgr Rouet, et le délégué diocésain au diaconat, Bernard Salignat, ainsi qu’une Commission de formation, viennent de mettre en place une formation plus apte à réunir l’aspect théologique et l’aspect pragmatique.
Les tâches du diacre permanent ? Elles sont spécifiques à chacun, selon sa profession, le milieu où il se trouve et aussi les besoins présents. L’essentiel reste le fait d’être diacre.
Pour Hervé Lévêque : « Il n’y a pas de spécificité diaconale au niveau des fonctions du diacre ou des tâches. Tout ce qu’il fait peut être fait soit par un prêtre, soit par un laïc. Mais il y a un agir diaconal indispensable. Le diacre doit être visible et visible en situation de service dans la communauté chrétienne rassemblée et dans la société, à l’autel et dans le quartier. »
Hervé Lévêque est, depuis dix ans, l’aumônier titulaire de la Maison d’Arrêt de Tours.
Jean Michaud par son métier s’occupe de l’art sacré, en particulier de remettre en valeur et de répertorier des objets sacrés.
Hervé de Nuchèze, agriculteur, donc en milieu rural, participe activement à la vie du secteur pastoral : animation liturgique dans sa paroisse et présidence des assemblées dominicales sans prêtre, préparation au mariage.
Confusions possibles ?
Ces tâches peuvent, parfois, être source de confusion. Ainsi, un grand nombre de diacres permanents ont entendu des personnes leur dire : « mon Père », les prenant pour un prêtre. Des tensions au sein des familles font aussi partie des aléas de ce ministère : trop d’activités à mener de front, les choix sont parfois difficiles. Et les réticences existent parfois avec le prêtre de la paroisse, qui trouve que le diacre prend trop d’initiatives, pour ne pas dire, de « pouvoir ».
Pourtant, si le sacrement de l’ordre est unique, être diacre à titre permanent ne signifie en aucun cas être prêtre.
A la différence du prêtre, pour qui l’ordination diaconale est l’étape précédant l’ordination presbytérale, le diacre reste toute sa vie diacre. Il ne peut donc célébrer l’Eucharistie ni donner le sacrement de réconciliation, ni administrer le sacrement des malades.
Il est bon aussi de repréciser que, dans la règle à peu près constante de l’Eglise tant occidentale qu’orientale, une fois ordonné, on ne change plus d’état de vie (célibat, mariage, veuvage).
Pour les trois diacres rencontrés, le message essentiel tiré du ministère de diacre peut se résumer ainsi : il faut se recentrer sur l’image du Christ serviteur. Chacun, avec son expérience, rappelle que l’on ne devient pas diacre par sa propre volonté seule. C’est Dieu qui, par la médiation de l’Eglise, appelle d’abord. L’Eglise ne cesse ensuite d’accompagner le diacre dans son ministère : « L’Eglise construit le diacre plus qu’il ne se construit », ajoute Jean Michaud, en reprenant une parole que Mgr Maziers, alors archevêque émérite de Bordeaux, adressait aux diacres.
Pour sa part, le père Michel Manceau, responsable du Comité National du Diaconat, conclut : « Je suis de plus en plus persuadé que le diaconat est véritablement une grâce pour notre temps. C’est un des beaux fruits de Vatican II. Nous avons tous à nous convertir à la figure du Christ Serviteur qui donne sa vie pour ses frères... »
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(1) Les diacres permanents. Directoire et normes, préface par Mgr Hippolyte Simon (président du Comité National du Diaconat), Centurion/Cerf, p. 14 et 15.
(2) Lire « Le diaconat permanent », paru dans L’Eglise catholique en France 1998. Centurion/Cerf.
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Questions sur le diaconat
Qui peut devenir diacre ?
Pour devenir diacre permanent, il faut être baptisé, confirmé, de sexe masculin, avoir 25 ans révolus pour un célibataire qui s’engage à le rester ; avoir 35 ans, être marié depuis 10 ans et avoir l’accord de son épouse pour un homme marié. On s’assure que les candidats sont des hommes estimés de leur entourage.
Comment devient-on diacre ?
On peut se proposer, mais ce sont souvent des communautés paroissiales, des services... qui invitent un homme à réfléchir à l’éventualité du diaconat. On dit que ces hommes sont « interpellés » en vue d’un éventuel diaconat.
Quand la formation est bien avancée, après avoir recueilli l’avis du délégué diocésain et de ses collaborateurs et s’être assuré, si le candidat est marié, de l’assentiment de l’épouse, l’évêque appelle à l’ordination.
Y a-t-il une formation particulière ?
En général, une période de un ou deux ans de premier discernement, en groupe. Ensuite une formation biblique, théologique et spirituelle et une préparation à l’exercice du ministère. Elle dure au moins trois ans, jalonnée par des temps de célébration. Une équipe d’accompagnement aide le candidat à préciser sa vocation diaconale.
Après l’ordination, il est proposé une formation permanente. Les épouses des candidats sont invitées à participer à cette formation.
Qui ordonne le diacre ?
C’est l’évêque qui ordonne par le rite de l’imposition des mains et la prière d’ordination. Le diacre reçoit une mission (lettre remise par l’évêque), qui peut être reformulée plus tard, selon les besoins et les lieux où il va vivre son ministère...
Source : Comité national. Secrétariat : 47 bd Gambetta 8400 Avignon.
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