Les apparitions
C’est un document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 27 février 1978 qui fixe les modalités d’appréciation des apparitions ou des faits possiblement miraculeux.
Le principe de base veut que ce soit à « à l’ordinaire du lieu qu’il appartient au premier chef d’enquêter et d’intervenir », autrement dit à l’évêque du diocèse où se déroulent les faits.
Généralement celui-ci ne se presse pas_x007f_! Beaucoup d’apparitions soi-disant mariales demeurent sans lendemain. Les faits manquent de consistance, et les fidèles s’en désintéressent. Si les faits se prolongent, suscitent une dévotion, l’évêque intervient.
Le document lui conseille de nommer une commission d’enquête et d’informer la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Celle-ci accuse réception de l’information et précise toujours à l’évêque que c’est à lui de suivre l’affaire.
L’enquête
La commission épiscopale réunit des “experts”, ecclésiastiques et laïcs, et fonctionne suivant le schéma des enquêtes en vue d’un procès de béati-
fication : elle vérifie l’exactitude et la cohérence des témoignages, recueille sous serment les dépositions des témoins oculaires, examine les écrits s’il y en a.
Puis elle fonde son jugement sur un ensemble de critères positifs et négatifs. Parmi les critères positifs, la qualité du ou des voyants, la rectitude doctrinale du ou des messages, les fruits spirituels pour les voyants et leur entourage : saine dévotion, esprit de prière, conversion, charité...
En revanche des erreurs théologiques, une contestation de l’autorité ou des désobéissances, une conduite immorale ou des affaires d’argent, des troubles psychiques constatés chez les voyants, des manifestations d’hystérie collectives ou des dérives sectaires sont autant d’éléments négatifs.
Contrairement à une opinion courante, l’abondance des pèlerins, les conversions présumées, le “succès” de l’apparition, ne sont pas les critères que l’Eglise retient principalement. L’enquête porte surtout sur les voyants, leur comportement, leurs liens et les circonstances immédiates de l’apparition. Les voyants sont comme des quartzs qui diffusent la lumière divine. L’Eglise examine la qualité du quartz ! Que la foule soit attirée ou non par la “révélation” transmise par le voyant est tout à fait secondaire.
Le jugement de l’évêque
Au terme de l’enquête, l’évêque suit généralement les recommandations de sa commission et transmet le dossier à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Si l’avis de l’évêque est favorable, celle-ci examine les pièces du dossier et accorde à l’évêque la permission de porter un jugement. Dans ce cas le culte peut être autorisé ou l’apparition reconnue, sans pour autant devenir une vérité de foi certaine. Rome, en fait, intervient le moins possible et il est très rare que la Congrégation aille contre l’avis de l’évêque. Il est encore plus rare qu’un évêque ne suive pas les conseils de la Congrégation.
Il arrive aussi que le Saint-Siège avalise le jugement de l’évêque du lieu en lui donnant une extension universelle : célébration de la fête de Notre-Dame de Lourdes étendu à l’Eglise universelle ou voyage des papes à Fatima.
Si l’avis de l’évêque est défavorable, un groupe de fidèles en désaccord avec lui peut faire appel à Rome. Dans ce cas, la Congrégation se saisit du dossier, en raison de son droit immédiat et direct de juridiction. En cas d’événements graves, Rome peut aussi confier à une commission épiscopale nationale l’étude du cas. Mais ces démarches ne se font jamais sans l’accord de l’évêque du lieu et il n’y a pas d’exemple que Rome récuse l’avis négatif d’un évêque : les jugements épiscopaux sont presque toujours impartiaux et solidement argumenté contrairement à ce que peuvent croire certains fidèles.
La non-reconnaissance peut avoir deux formes : celle d’un « non-constat de supernaturalité » ou celle d’un « constat de non-supernaturalité ». Dans le premier cas l’Eglise ne constate pas de caractère surnaturel, mais cela laisse une porte ouverte pour une reconnaissance ultérieure éventuelle. Dans le second, elle constate le caractère non surnaturel. La porte est définitivement fermée.
Les fidèles ne sont pas tenus de croire à une apparition reconnue. En revanche, quand des faits surnaturels ne sont pas reconnus, il est toujours dangereux de remettre en cause le discernement de l’Eglise. Celle-ci agit avec une grande prudence et selon des méthodes éprouvés et “fiables” quelle que soit la sainteté de ses membres ou de sa hiérarchie.
Quand Marie intervient
Depuis le Concile d’Ephèse (431), qui affirme la maternité divine de la Vierge Marie, le mode le plus fréquent des manifestations surnaturelles est l’apparition mariale.
Il ne faut point s’en étonner. En effet, envoyée par la Trinité divine, Marie intervient pour rappeler que la relation des hommes à Dieu trouve son accomplissement dans le Christ, vrai Dieu et vrai homme, par la médiation de l’Eglise... L’apparition mariale est donc un signe qui nous renvoie à la Révélation définitive du Christ. Elle n’améliore ni ne complète l’Evangile reçu et transmis par l’Eglise, « mais aide à en vivre plus sereinement à une certaine époque de l’histoire » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°67).
Il est donc évident que l’apparition mariale ne relève pas de la foi, comme ces autres signes bien plus importants que sont les sacrements institués par le Christ lui-même.
Mgr Henri Brincard, Evêque du Puy, accompagnateur des Œuvres Mariales.