Les accords du Latran
S’emparant de Rome le 20 septembre 1870, les armées du roi Victor-Emmanuel II parachèvent l’unité italienne, ce qu’elles auraient fait bien plus tôt si une garnison française n’avait pas été là pour protéger la souveraineté du pape sur la dernière portion des Etats pontificaux. Contraint d’abandonner sa résidence traditionnelle du Quirinal, Pie IX s’installe au palais du Vatican. Opposé à ce nouveau régime trop libéral et anticlérical à son goût, il estime qu’une assise territoriale reste indispensable à la conduite de la mission spirituelle du Saint-Siège. Il décide alors de ne plus quitter ce palais (ses successeurs feront de même), se considérant désormais comme le « prisonnier du Vatican ».
C’est la fin du pouvoir temporel de l’Eglise (que la tradition faisait remonter à l’an 752, avec la donation de Pépin, roi des Francs). Et c’est le début de la “question romaine” qui va empoisonner les relations entre l’Eglise et le Gouvernement italien jusqu’aux accords du Latran, en 1929. En contrepartie, cette période de tensions va être marquée par une remarquable activité spirituelle et théologique, telle l’encyclique Rerum novarum de 1891, où Léon XIII expose les fondements du catholicisme social.
Sur le plan intérieur, le refus de la loi des Garanties votée par le Parlement italien en 1871 (qui aurait fait du pape un simple citoyen italien doté de certains privilèges), puis l’interdiction faite aux catholiques d’Italie de participer aux élections, selon la formule du non expedit (il ne convient pas), va retarder l’expression de la sensibilité catholique en politique, laissant le champ libre à des formations plus laïques ou anticléricales.
Or, en 1929, le contexte a radicalement changé. Mussolini a pris le pouvoir en 1922 et pose jour après jour les bases d’une dictature qui prétend régenter tous les domaines de la vie des citoyens. Parmi ses objectifs : fasciser l’Eglise (il n’y parviendra pas). Pie XI, de son côté, souhaite rétablir l’influence du catholicisme dans la vie publique italienne (il n’y parviendra pas vraiment, non plus). Et surtout en finir avec la “question romaine”.
Ce sera chose faite le 11 février 1929, avec la signature par Mussolini et le cardinal Gasparri, au palais du Latran, de trois conventions :
- Le traité du Latran proprement dit, qui crée l’Etat de la Cité du Vatican, défini comme la représentation temporelle du Saint-Siège. Ce dernier constitue la véritable personnification juridique de l’Eglise. Ainsi, c’est le Saint-Siège qui est représenté dans les institutions internationales, pas le Vatican en tant que tel. Le pape renonce par là-même à la restauration des Etats pontificaux, et reconnaît le Royaume d’Italie avec Rome pour capitale.
- Un accord financier réglant les relations entre l’Etat italien et le Vatican, moins favorable cependant que ce que proposait la loi des Garanties de 1871.
- Un Concordat qui fait de la religion catholique romaine la religion officielle de l’Etat italien.
Après la guerre, la constitution italienne de 1947 allait poser le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais pour le reste, les accords du Latran seront maintenus. En lui dessinant un cadre institutionnel particulièrement original, ces accords auront permis à l’Eglise de faire le deuil d’une tradition millénaire et de la préparer aux défis inédits du monde globalisé que nous voyons naître sous nos yeux.